01/01/2024
La croyance métaphysique était en lui une source inépuisable d’énergie
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« Aujourd’hui, la propagande prouve ce qu’elle veut, et on accepte plus ou moins passivement ce qu’elle propose.
Oh ! sans doute, [l'indifférence à la vérité et au mensonge] masque une fatigue, et comme un écœurement de la faculté de jugement. Mais la faculté de jugement ne saurait s’exercer sans un certain engagement intérieur. Qui juge s’engage. L’homme moderne ne s’engage plus, parce qu’il n’a plus rien à engager.
Appelé à prendre parti pour le vrai ou le faux, le mal ou le bien, l’homme chrétien engageait du même coup son âme, c’est-à-dire en risquait le salut. La croyance métaphysique était en lui une source inépuisable d’énergie.
L’homme moderne est toujours capable de juger, puisqu’il est toujours capable de raisonner. Mais sa faculté de juger ne fonctionne pas plus qu’un moteur non alimenté. Aucune pièce du moteur ne manque. Mais il n’y a pas d’essence dans le réservoir.
À beaucoup de gens, cette indifférence à la vérité et au mensonge paraît plus comique que tragique. Moi, je la trouve tragique.
Elle implique une affreuse disponibilité non pas seulement de l’esprit, mais de la personne tout entière, et même de la personne physique. Qui s’ouvre indifféremment au vrai comme au faux est mûr pour n’importe quelle tyrannie.
La passion de la vérité va de pair avec la passion de la liberté. Ce n’est pas pour rien qu’on a toujours regardé la liberté de penser comme la plus précieuse, celle dont dépendent toutes les autres. Je ne parle pas seulement ici de la liberté d’exprimer sa pensée.
Des millions et des millions d’hommes dans le monde, depuis vingt ans, ne se sont pas seulement laissé arracher par la force la liberté de pensée, ils en ont fait, ils en feront encore, comme en Russie, l’abandon volontaire, ils considèrent ce sacrifice comme louable.
Ou plutôt, ce n’est pas un sacrifice pour eux, c’est une habitude qui simplifie la vie. Et elle la simplifie terriblement, en effet.
Elle simplifie terriblement l’homme. Les tueurs des régimes totalitaires se recrutent parmi ces hommes terriblement simplifiés. »
Georges Bernanos, La Liberté pour quoi faire ?
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