29/05/2022
Décomplexer la consommatrice accablée par un sentiment diffus de culpabilité
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« Je travaillais depuis quinze ans à "Santé pour tous", un mensuel féminin au sein duquel je m'occupais des pages "écologie et environnement". Mon avantage, c'est que je me foutais complètement et du journalisme et de l'environnement, et que je ne ressentais par conséquent aucune humiliation particulière à écrire des niaiseries pour des connasses sans cervelle. La moitié de mon activité consistait à relayer la communication des grands groupes industriels qui tentaient de se racheter une conduite en surfant sur la vague verte, l'autre moitié à distiller des conseils débiles pour sauver la planète. Grâce à moi, quelques tartes coupaient dorénavant l'eau du robinet quand elles se brossaient les dents, persuadées que leur geste écoresponsable allait changer la face du monde. Je n'écrivais évidemment jamais un mot sur les paysans, à qui l'eau est offerte, et qui arrosent au canon rotatif leurs champs de maïs à midi en plein mois d'août. Au vrai, j'avais parfaitement compris ce qu'on attendait de moi : décomplexer la consommatrice accablée par un sentiment diffus de culpabilité. Comme disait mon rédacteur en chef, qui était de la vieille école : "L'écologie, j'ai rien contre, mais faudrait pas que ça vienne à nous les briser." Bref, n'ayant aucun sens de l'héroïsme mais un salaire qui me permettait de survivre, je m'exécutais sans état d'âme. »
Olivier Maulin, Gueule de bois
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