07/07/2022
Sanglots...
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« Ah, quelle superbe fête ! Mais tout a une fin, malheureusement. Quand on est sortis de l’hôtel particulier, c’était de nouveau l’aube, une autre aube, encore une aube… On a salué l’émir, la baronne, Pipoute-Pipoute, tous ces boute-en-train, nos nouveaux amis. On avait fini dans un petit salon isolé avec la baronne à parler d’art, dont elle était gourmande. Nous avions admiré un tableau au mur, fleuron de la collection de l’émir, qu’il avait acquis pour 10 millions d’euros : une couche de peinture verte intitulée "Jeune homme couché dans les prés à l’aube après une nuit d’amour avec son fiancé au cours de laquelle il lui a annoncé qu’il rejetait à jamais l’ordre patriarcal et entendait vivre sa vie librement". On avait écouté de la musique aussi : quatre minutes trente-trois secondes de silence de John Cage, que la baronne savourait en pleurant. L’œuvre avait été composée pour le piano mais pouvait aussi bien être exécutée par n’importe quel instrumentiste, nous précisait la baronne. Pardi ! Même par un manchot sourd et aveugle… Par un ouistiti mongolien… Magie de l’art ! Cet imbécile d’Ollier avait demandé à monter le son ! Oh là là, qu’est-ce qu’on avait ri une fois de plus ! Ollier, ce plouc décidément, irréversible réactionnaire, insensible au néant !
À présent, on marchait dans l’aube, tristement, repensant au pauvre Fanfan que cette fête aurait bien amusé. Pauvre, pauvre Fanfan, mort avant la découverte du buy button ! On est arrivés sur le parvis de Notre-Dame où nous avait conduits Ollier. Un vent froid s’était levé, qui tournait autour de la cathédrale. Ollier faisait les cent pas en regardant sa montre. Soudain il a levé le bras, l’a rabaissé. Les cloches de Notre-Dame se sont mises à sonner. Les quatre benjamines de la tour nord, suivies bientôt d’Emmanuel, le gros bourdon. Ollier était à genoux, les bras écartés, pleurant à chaudes larmes. On s’est agenouillés à côté de lui, Bassefosse et moi, et on a écarté les bras, et on s’est mis à sangloter avec lui. »
Olivier Maulin, Gueule de bois
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