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10/03/2024

Le Spectacle ne peut offrir que ce qu’il trouve chez ceux qui le désirent

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Que tout cela se paye par beaucoup de lourdeur, énormément de mauvais goût, et surtout des lois, des lois nouvelles, des lois tout le temps, des lois pour tout, des lois inédites presque chaque jour, pour notre confort, pour notre bonheur, voilà qui n’a rien d’illogique. Et qui s’en plaindrait ?

D’ailleurs nous les voulons, ces lois, nous n’arrêtons pas d’en demander d’autres. Ce sont tous les jours des suppliques, la même plainte quotidiennement, le même sanglot : "Des lois ! Des lois ! Encore ! De nouvelles lois ! Des décrets pour tout ! Des lois-cadres ! Une nouvelle législation ! Des punitions ! Des châtiments !"
Le monde change, les mœurs évoluent, il faut répondre au coup par coup…
Nous voulons des barrières juridiques, des limites, encore du pénal ! Nous ne savons plus du tout où nous allons ! La paix de l’humanité a un prix !
Mon royaume pour un décret !

Il serait vain d’incriminer le Spectacle sans clouer les spectateurs au même pilori. La plus belle fille du monde ne peut donner que les caresses dont on la couvre. Le Spectacle ne peut offrir que ce qu’il trouve chez ceux qui le désirent. Et le Consensus, au fond des choses, n’est qu’un autre nom pour "servitude". Il a pu changer selon les époques, il a pu s’appeler patriotisme, Église, sacralisation de la famille, de l’ordre, de la propriété. Chaque siècle le redécore à neuf. Le protège de ses barbelés. Hérisse tout autour ses principes. Le meilleur moyen probablement, le seul peut-être, pour repérer les objets de culte d’un moment de la civilisation, c’est de bien connaître les lois chargées d’encadrer le peuple des fidèles comme d’en réprimer les écarts.

Céline par exemple, pour son temps, manifeste une lucidité admirable lorsqu’il montre son héros, dans "Voyage", se sauvant du lynchage "in extremis" Par des proclamations patriotiques :
"Moi, dont le sang s’est mêlé au vôtre au cours d’inoubliables batailles ! [...] Vive la France, nom de Dieu ! Vive la France !"
Le danger passé, il conclut :
"Il ne faut jamais se montrer difficile sur le moyen de se sauver de l’étripade, ni perdre son temps non plus à rechercher les raisons d’une persécution dont on est l’objet. Y échapper suffit au sage."
J’attends toujours le romancier qui montrera un personnage d’aujourd’hui désarmant la haine de ses ennemis en agitant la "Déclaration des Droits de l’Homme", sa carte grise, une facture de redevance télé.

On a bien vu, en février dernier, dans le désert du Koweit, des soldats irakiens qui se rendaient, drapeau blanc dans une main, Coran dans l’autre.
Un soldat occidental, il se serait rendu avec quoi ? En brandissant quoi de consensuel, donc de "religieux" ? Son numéro de Sécu ? Une cassette vidéo ? Son thème astral ? Un cheeseburger ? Tout ça ensemble ? »

Philippe Muray, "Cherchez l'idole" in L'Empire du Bien

 

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