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22/03/2024

Cet Empire terrorisant du sourire

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« J’aimerais maintenant, d’un mot d’un seul, clouer au papier cet Empire terrorisant du Sourire, avec ses raz de marée de litotes, ses musiques onctueusement agoniques, tout cet envahissement lénifiant, ces positivités, ces euphories, cette invasion perpétuelle des thérapies les plus douceâtres, ce massage systématique des âmes et des corps pour les faire adhérer définitivement à l’ultime idéologie encore possible parce qu’elle ne comporte rien qui ne soit naturel, normal, souhaitable, désirable absolument pour tout un chacun.

Comment résumer ce déchaînement lumineux, cette révolution inattaquable à la faveur de laquelle les choses se remettent peu à peu dans le bon ordre, pêle-mêle la famille, les couples, la joie de vivre, les droits de l’homme, la "culture adolescente" des hooligans, le business, la fidélité qui revient en même temps que la tendresse, les patrons, les lois du marché tempérées par la dictature de la solidarité, l’armée, la charité, les bébés à nouveau désirés, les néo-lycéens qui se voient golden boys, l’érotisme qui se fait plus petit que jamais, la publicité qui devient cosmique, les zoulous qui veulent être reconnus, enfin tout le monde astiqué, tout le monde flatté, pourléché, le Mieux du Mieux partout qui se répand, l’Euphémisme superlativé dans le meilleur des pires des mondes abominablement gentils ?

C’est délicat à exprimer. Je ne vois qu’un mot, à vrai dire, un seul capable de condenser, de rassembler tout le sabbat, mais alors tellement oublié qu’il va falloir que je l’explique. Le mot "cordicole".
Nous vivons en plein fascisme cordicole, en plein asservissement cordicolique.
Voilà.
Cordicole.
De cor, cordis, cœur ; et colo, j’honore.
Terme par moi ressuscité, exhumé de l’ancien vocabulaire religieux : on appelait "cordicoles" au XVIIe siècle les membres d’une association de jésuites qui cherchaient à introduire en France l’adoration du Cœur de Jésus et la fête du Sacré-Cœur.
On disait aussi "cordiolâtres".
Nous sommes en pleine dévotion cordicole. En plein culte du Cœur-roi. En pleine orgie cordiolâtre, cordicolienne, cordicophile.
En plein Nœud Cordien.

Oh ! bien sûr, il ne s’agit plus du tout de l’adoration du Cœur de Jésus, chacun aura su rectifier. Non, non, le Cœur tout seul. En soi. Absolu. Le Cœur "siège des émois et des passions". L’organe en tant que signe de notre époque, hiéroglyphe résumant le monde, sa réalité, son ombre, sa trame, son sens, tout en même temps, le Totem et ses tabous.
Prospérités du Viscère !
»

Philippe Muray, "Cordicopolis" in L'Empire du Bien

 

07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (4) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Oui, pourquoi rabâcher à tout bout de champ ce terme bidonnant : "Avec le sourire" ? Par exemple. ça peut devenir crispant à la longue.

Merdalors comme qui dirait.

Écrit par : marianne | 22/03/2024

C'est moi qui dit merdalors, d'habitude
Et c'est Ubu qui dit merdre!

Écrit par : La hire | 24/03/2024

à la hire. Deux marques déposées!

Écrit par : marianneA | 24/03/2024

Marques déposées au fond du slop.

Écrit par : Mario | 25/03/2024

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