01/04/2014
Ceux qui se servent de la phraséologie libérale pour défendre des privilèges anti-sociaux
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« La lenteur des progrès de la politique libérale, la juste irritation contre ceux qui se servaient de la phraséologie libérale pour défendre des privilèges anti-sociaux, et l’ambition illimitée que légitimaient en apparence les améliorations matérielles déjà atteintes, tout cela fit que vers la fin du siècle la croyance dans les principes essentiels du libéralisme fut de plus en plus abandonnée. »
Friedrich August von Hayek, La Route de la Servitude
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Can't Find a Job...
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Le libéralisme n'est pas une idéologie
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« Il n’y a rien dans les principes du libéralisme qui permette d’en faire un dogme immuable ; il n’y a pas de règles stables, fixées une fois pour toutes. Il y a un principe fondamental : à savoir que dans la conduite de nos affaires nous devons faire le plus grand usage possible des forces sociales spontanées, et recourir le moins posible à la coercition. Mais ce principe peut comporter une infinie variété d’applications. Il y a, en particulier, une immense différence entre créer délibérément un système où la concurrence jouera le rôle le plus bien-faisant possible, et accepter passivement les institutions telles qu’elles sont. »
Friedrich August von Hayek, La Route de la Servitude
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La liberté individuelle...
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« Un des résultats les plus importants de la libération des énergies individuelles a peut-être été le merveilleux développement de la science qui a suivi le mouvement de la liberté individuelle d’Italie en Angleterre et au-delà. Certes, les facultés inventives de l’homme n’avaient pas été moindres auparavant. On avait su construire un grand nombre de jouets et d’autres mécaniques, cependant que la technique industrielle demeurait stationnaire. D’autres part, les industries qui n’avaient pas été soumises à des contrôles restrictifs, comme l’industrie minière et l’horlogerie, avaient fait de grands progrès. Mais les rares tentatives faites pour étendre l’usage industriel des inventions mécaniques, dont certaines étaient remarquablement perfectionnées, furent rapidement étouffées. Le désir de s’instruire fut frustré aussi longtemps que les idées dominantes restèrent obligatoires pour tous. Les croyances et l’éthique de la majorité barraient la route à tout novateur. Mais, dès que la liberté industrielle eut ouvert la voie au libre usage des connaissances nouvelles, dès que tout homme capable de courir un risque eut reçu la possibilité de tenter n’importe quelle expérience, souvent à l’insu des autorités chargées de surveiller l’enseignement, alors, et alors seulement la science put faire les immenses progrès qui, au cours des cent cinquante dernières années, ont changé la face de l’univers. »
Friedrich August von Hayek, La Route de la Servitude
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Eric Clapton : She Rides
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31/03/2014
Qu’est ce qu’une société disneylandisée ?
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« Ce qu’il y a quand même de fascinant dans tout cela, ce qu’il y a d’attirant presque, ce sont les milles facettes de la bêtise éternelle que le sport incarne : la stupidité du muscle intensif, le crétinisme de la force, la niaiserie de l’exercice méthodique, l’optimisme absurde du dépassement de soi et de la répétition de ce dépassement, la sottise de la performance comme argument. Et j’oubliais l’insanité suprême, le rêve sportif absolu de la grande fraternité des peuples ; laquelle d’ailleurs, sur le terrain, se traduit automatiquement par son contraire radical (c’est Dieu merci, le destin de toutes les bonnes intentions), c’est à dire le chauvinisme le plus sordide. Cela m’a toujours réjoui, moi d’apprendre la défaite de la France à telle ou telle répugnante compétition internationale, à cause de la tête catastrophée de la plupart de mes concitoyens. Comme atteinte au moral de la nation, comme détérioration de son image, comme déstabilisation de sa réputation, une défaite de l’équipe de France aux cauchemardesques Jeux Olympiques peut avoir son intérêt. Mais que cet intérêt est faible comparé à la tyrannie bienveillante dont le sport, dans la société disneylandisée d’aujourd’hui, est devenu l’un des moteurs essentiels.
Qu’est ce qu’une société disneylandisée ? Peut-être appelée ainsi toute société où les maîtres sont maîtres des attractions et les esclaves spectateurs ou acteurs de celles-ci. N’oublions pas que le mot sport est couplé avec loisir, cet autre vocable antipathique. Qui dit sport dit week-end, dimanches, vacances ; donc familles, communautés, donc renforcement à perpétuité de l’infâme contrat social. Peut-être nommée disneylandienne toute société qui contraint aux loisirs - et qui songerait à se révolter contre une oppression qui ne communique, au fond, que l’ordre de s’amuser ? Qui refuserait les planches à voiles, les skis, , les camping-cars et les autoroutes pour aller dessus ? Et qu’on aille pas non plus me parler de "culture" sportive, encore moins d’ "art" bien entendu ! Aucun tableau de Picasso ne ressemble à un tableau de Rembrandt (même pas à un autre tableau de Picasso), alors qu’un match ressemble toujours à un autre match. C’est toujours le même Tour de France, toujours la même Coupe du monde, toujours les même voitures ridicules sur leurs circuits grondants… »
Philippe Muray, Désaccord parfait
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Il n’y avait jamais rien eu qui ressemblât à ma grand-mère
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« Bouleversement de toute ma personne. Dès la première nuit, comme je souffrais d’une crise de fatigue cardiaque, tâchant de dompter ma souffrance, je me baissai avec lenteur et prudence pour me déchausser. Mais à peine eus-je touché le premier bouton de ma bottine, ma poitrine s’enfla, remplie d’une présence inconnue, divine, des sanglots me secouèrent, des larmes ruisselèrent de mes yeux. L’être qui venait à mon secours, qui me sauvait de la détresse de l’âme était celui, qui, plusieurs années auparavant, dans un moment de détresse et de solitude identique, dans un moment où je n’avais plus rien de moi, était entré, et m’avait rendu à moi-même, car il était moi et plus que moi (le contenant qui est plus que le contenu et me l’apportait). Je venais d’apercevoir, dans ma mémoire, penché sur ma fatigue, le visage tendre, préoccupé et déçu de ma grand-mère, telle qu’elle avait été ce premier soir d’arrivée ; le visage de ma grand-mère, non pas de celle que je m’étais étonné et reproché de si eu regretter et qui n’avait d’elle que le nom, mais de ma grand-mère véritable, où pour la première fois depuis les Champs-Elysées où elle avait eu son attaque, je retrouvais dans un souvenir involontaire et complet la réalité vivante. Cette réalité n’existe pas pour nous tant qu’elle n’a pas été recrée par notre pensée (sans cela les hommes qui ont été mêlés à un combat gigantesque seraient tous de grands poètes épiques) ; et ainsi, dans un désir fou de me précipiter dans ses bras, ce n’était qu’à l’instant – plus d’une année après son enterrement –que je venais d’apprendre qu’elle était morte. J’avais souvent parlé d’elle depuis ce moment-là, et aussi pensé à elle, mais sous mes paroles et mes pensées de jeune homme ingrat, égoïste, et cruel, il n’y avait jamais rien eu qui ressemblât à ma grand-mère, parce que, dans ma légèreté, mon amour du plaisir, mon accoutumance à la voir malade, je ne contenais en moi qu’à l’était virtuel le souvenir de ce qu’elle avait été. A n’importe quel moment que nous la considérions, notre âme totale n’a qu’une valeur presque fictive, malgré le nombreux bilan de ces richesses, car tantôt les unes, tantôt les autres sont indisponibles qu’ils s’agisse d’ailleurs de richesses effectives aussi bien que de celles de l’imagination, et pour moi par exemple, tout autant que de l’ancien nom de Guermantes, de celles combien plus graves, du souvenir vrai de ma grand-mère. Car aux troubles de la mémoire sont liées les intermittences du cœur. C’est dans doute l’existence de notre corps, semblable pour nous à un vase où notre spiritualité serait enclose, qui nous induit à supposer que tous nos biens intérieurs, nos joies passées, toutes nos douleurs sont perpétuellement en notre possession. Peut-être est-il aussi inexact de croire qu’elles s’échappent ou reviennent. En tout cas si elles restent en nous, c’est la plupart du temps dans un domaine inconnu où elles ne sont de nul service pour nous, et où même les plus usuelles sont refoulées par des souvenirs d’ordre différent et qui excluent toute simultanéité avec elles dans la conscience. Mais si le cadre de sensations où elles sont conservées est ressaisi, elles ont à leur tour le même pouvoir d’expulser ce qui est incompatible, d’installer seul en nous, le moi qui les vécut. Or comme celui que je venais subitement de redevenir n’avait pas existé depuis ce soir lointain où ma grand-mère m’avait déshabillé à mon arrivée à Balbec, ce fut tout naturellement, non pas après la journée actuelle que ce moi ignorait, mais – comme s’il y avait dans le temps des séries différentes et parallèles – sans solution de continuité, tout de suite après le premier soir d’autrefois, que j’adhérai à la minute où ma grand-mère s’était penchée vers moi. Le moi que j’étais alors et qui avait disparu si longtemps, était de nouveau si près de moi qu’il me semblait encore entendre les paroles qui avaient immédiatement précédé et qui n’étaient pourtant plus qu’un songe, comme un homme mal éveillé croit percevoir tout près de lui les bruits de son rêve qui s’enfuit. Je n’étais plus que cet être qui cherchait à se réfugier dans les bras de sa grand-mère, à effacer les traces de ses peines en lui donnant des baisers, cet être que j’aurais eu à me figurer, quand j’étais tel ou tel de ceux qui s’étaient succédé en moi depuis quelque temps, autant de difficulté que maintenant il m’eût fallu d’efforts, stériles d’ailleurs, pour ressentir les désirs et les joies de l’un de ceux que, pour un temps du moins, je n’étais plus. Je me rappelais comme, une heure avant le moment où ma grand-mère s’était penchée ainsi, dans sa robe de chambre, vers mes bottines, errant dans la rue étouffante de chaleur, devant le pâtissier, j’avais cru que je ne pourrais jamais dans le besoin que j’avais de l’embrasser, attendre l’heure qu’il me fallut encore passer sans elle. Et maintenant que ce même besoin renaissait, je savais que je pouvais attendre des heures après des heures, qu’elle ne serait plus jamais auprès de moi, je ne faisais que le découvrir parce que je venais, en la sentant pour la première fois vivante, véritable, gonflant mon cœur à le briser, en la retrouvant enfin, d’apprendre que je l’avais perdue pour toujours. Perdue pour toujours ; je ne pouvais comprendre et je m’exerçais à subir la souffrance de cette contradiction : d’une part, une existence, une tendresse, survivantes en moi telles que je les avais connues, c’est à dire faites pour moi, un amour où tout trouvait tellement en moi son complément, son but, sa constante direction, que le génie des grands hommes, tous les génies qui avaient pu exister depuis le commencement du monde n’eussent pas valu pour ma grand-mère un seul de mes défauts ; et d’autre part, aussitôt que j’avais revécu, comme présente, cette félicité, la sentir traversée par la certitude, s’élançant comme une douleur physique à répétition, d’un néant qui avait effacé mon image de cette tendresse, qui avait détruit cette existence, aboli rétrospectivement notre mutuelle prédestination, fait de ma grand-mère, au moment où je la retrouvais comme dans un miroir, une simple étrangère qu’un hasard a fait passer quelques années auprès de moi, comme cela aurait pu être auprès de tout autre, mais pour qui, avant et âpres, je n’étais rien, je ne serais rien. »
Marcel Proust, Sodome et Gomorrhe
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Le mot individualisme est assez malsonnant de nos jours...
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« La tendance moderne vers le socialisme signifie une rupture brutale, non seulement avec le passé récent, mais encore avec toute l’évolution de la civilisation occidentale. On s’en rend compte en considérant cette tendance, non plus seulement dans le cadre du XIXe siècle, mais dans une perspective historique plus vaste. Nous abandonnons rapidement, non seulement les idées de Cobden et de Bright, d’Adam Smith et de Hume, ou même de Locke et de Milton, mais encore une des caractéristiques les plus saillantes de la civilisation occidentale telle qu’elle s’est édifiée sur les fondations posées par le christianisme, par la Grèce et par Rome. Ce qu’on abandonne peu à peu, ce n’est pas simplement le libéralisme du XIXe et du XVIIIe siècle, mais encore l’individualisme fondamental que nous avons hérité d’Erasme, et de Montaigne, de Cicéron et de Tacite, de Périclès et de Thucydide.
Le chef nazi qui a défini la révolution nationale-socialiste comme une Contre-Renaissance ne savait peut-être pas à quel point il disait vrai. Cette révolution a été l’acte essentiel de destruction d’une civilisation que l’homme édifiait depuis l’époque de la Renaissance et qui était avant tout individualiste. Le mot individualisme est assez malsonnant de nos jours, et il a fini par évoquer l’égoïsme. Mais l’individualisme dont nous parlons pour l’opposer au socialisme et à toutes les autres formes de collectivisme n’a pas nécessairement de rapport avec l’égoïsme. Ce n’est que petit à petit qu’il nous sera possible au cours de cet ouvrage d’expliquer le contraste entre les deux principes. En quoi consiste donc cet individualisme dont les éléments, fournis par le christianisme et par l’antiquité classique, ont connu leur premier développement complet lors de la Renaissance et sont ensuite devenus ce que nous appelons la civilisation de l’Europe occidentale ? Respecter l’individu en tant que tel, reconnaître que ses opinions et ses goûts n’appartiennent qu’à lui, dans sa sphère, si étroitement qu’elle soit circonscrite, c’est croire qu’il est désirable que les hommes développent leurs dons et leurs tendances individuels. On a tant usé du mot « liberté » qu’on hésite à l’employer pour définir l’idéal qu’il a représenté depuis la Renaissance. Le mot "tolérance" est peut-être le seul à conserver la pleine signification d’un principe qui, après une longue ascension, a connu depuis peu un rapide déclin et a fini par disparaître complètement avec l’apparition de l’Etat totalitaire.
La transformation progressive d’un système rigidement hiérarchique en un régime où l’homme peut au moins essayer de modeler son destin, où il a l’occasion de connaître plusieurs genres de vie et de choisir entre eux, cette transformation est étroitement liée au développement du commerce. »
Friedrich August von Hayek, La Route de la Servitude
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Déterminer les circonstances qui, au cours des dernières soixante-dix années, ont permis la croissance progressive et enfin la victoire d’une certaine catégorie d’idées
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« Nous ne réussirons jamais dans notre politique avec les Allemands tant que nous ne comprendrons pas le caractère et le développement des idées qui les gouvernent aujourd’hui. La théorie suivant laquelle les Allemands seraient atteints d’un vice congénital n’est guère soutenable et ne fait pas honneur à ceux qui la professent. Elle déshonore les innombrables Anglais qui, au cours des derniers siècles, ont allégrement adopté ce qu’il y avait de meilleur, et aussi le reste, dans la pensée allemande. Elle néglige le fait qu’il y a quatre-vingts uns John Stuart Mill s’est inspiré, pour son essai Sur la Liberté, avant tout de deux Allemands, Goethe et Guillaume de Humboldt. Elle oublie que deux des précurseurs intellectuels les plus importants du nazisme, Thomas Carlyle et Chamberlain, étaient l’un Ecossais et l’autre Anglais.
Sous sa forme la plus vulgaire, cette théorie déshonore ceux qui, en l’adoptant, adoptent en même temps le racisme allemand. Il ne s’agit pas de savoir pourquoi les Allemands sont méchants. Ils n’ont probablement pas plus de méchanceté congénitale qu’aucun autre peuple. Il s’agit de déterminer les circonstances qui, au cours des dernières soixante-dix années, ont permis la croissance progressive et enfin la victoire d’une certaine catégorie d’idées, et de savoir pourquoi cette victoire a fini par donner le pouvoir aux plus méchants d’entre eux. Haïr tout ce qui est allemand, et non pas les idées qui dominent aujourd’hui l’Allemagne, est de plus très dangereux. Cette attitude masque aux yeux de ceux qui la prennent une menace très véritable. Elle n’est bien souvent qu’une manière d’évasion à laquelle recourent ceux qui ne veulent pas reconnaître des tendances qui n’existent pas seulement en Allemagne, et qui hésitent à réexaminer, et au besoin à rejeter, des croyances que nous avons prises chez les Allemands et qui nous abusent tout autant qu’elles abusent les Allemands eux-mêmes. Double danger : car en prétendant que seule la méchanceté allemande est cause du régime nazi, on a un prétexte pour nous imposer les institutions qui ont précisément déterminé cette méchanceté. »
Friedrich August von Hayek, La Route de la Servitude
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