03/03/2024
Et ce n’est que le début du grand ménage
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Bien sûr, quelques vieilles ruines nous encombrent, de vagues souvenirs des guerres passées, il va falloir les déblayer, c’est une question de jours, de semaines. Déjà la psychanalyse, le marxisme, se sont retrouvés aux oubliettes, virés à la poubelle, liquidés comme de vulgaires aérosols troueurs d’ozone dès qu’on s’est aperçu que ces disciplines ne servaient ni à guérir les myopathes ni même à sauver la banquise.
Et ce n’est que le début du grand ménage. Plus de nostalgies mortifères ! Vive la Fête ! L’oubli dans la joie ! Cette époque affiche complet, mais ce serait très ingrat de s’en plaindre. Particules que nous sommes ! Fragments ! Nous devons tout à notre multitude. Ce qui est, ne l’est qu’à condition de se diffuser au plus grand nombre ; au maximum d’exemplaires ; à la plus propice heure d’écoute. Tout, vraiment, nous, vous, les choses. Le prime time a tétanisé le temps, supplanté les heures et les saisons. Plus question de faire bande à part. Survivre seulement, et c’est bien beau. Subsister et puis raconter.
Les scènes de l’Histoire engloutie ne sont plus promenées sur les tréteaux que pour que l’on se réconforte, à coups de débats, entre soi, en se demandant comment de telles barbaries furent possibles. Et en avant les musiques ! Secouez-vous ! Et bim ! Et boum ! Et zim ! Et reboum ! Comme dans Voyage, vers la fin… "Bim et Boum ! Et Boum encore ! Et que je te tourne ! Et que je t’emporte ! Et que je te chahute ! Et nous voilà tous dans la mêlée, avec des lumières, du boucan, et de tout ! Et en avant pour l’adresse et l’audace et la rigolade ! Zim !"
Tenez, montez dans le train western, il est juste sur le départ. A moins que vous ne préfériez le grand frisson ? La quincaillerie des Montagnes Russes ? Le Grand Huit aux vertiges rutilants ? Trois kilomètres, en descentes et montées, à plus de cent kilomètres à l’heure. Remuez-vous un peu, nom d’un chien ! Découvrez votre troisième souffle ! De grandes aventures nous attendent !
On nous a affranchis. Ça y est. Plus de soucis du tout. Nulle part. La démocratie pluraliste et l’économie de marché se chargent de nous. Le reste, c’est de l’histoire ancienne. Mettezvous à l’écoute de votre corps ! Courez vous muscler ! Vous tonifier ! Tous les plaisirs des îles sous le vent sont à portée de votre main. Découvrez la gymaquatique. Devenez baroudeurs sous les bambous. Attaquez le temple inca en carton-pâte. Escaladez le Volcan à Bulles. Traquez les méchants qui s’y cachent. Débusquez-y nos vrais ennemis, les derniers hideux tyrans, là, bien visibles, cadrés pleine page, précieux vestiges des causes perdues, ultimes persécuteurs atroces.
Ah ! le Système fait bien les choses ! Il y en aura pour tous les goûts. Le Bien, tout entier, contre tout le Mal ! À fond ! Voilà l’épopée. Tout ce qui a définitivement raison contre tout ce qui a tort à jamais. La Nouvelle Bonté a le vent en poupe contre le sexisme, contre le racisme, contre les discriminations sous toutes leurs formes, contre les mauvais traitements aux animaux, contre le trafic d’ivoire et de fourrure, contre les responsables des pluies acides, la xénophobie, la pollution, le massacre des paysages, le tabagisme, l’Antarctique, les dangers du cholestérol, le sida, le cancer et ainsi de suite. Contre ceux qui menaceraient la patrie, l’avenir de l’Entreprise, la rage de vaincre, la famille, la démocratie. »
Philippe Muray, "Les dieux sont tombés sur la terre" in L'Empire du Bien
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
Tordu
05:05 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (1) | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
02/03/2024
Le doute est devenu une maladie
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Nous voilà donc atteints d’un Bien incurable. Ce millénaire finit dans le miel. Le genre humain est en vacances. C’est comme un vaste parc de loisirs que je voudrais essayer de peindre notre village planétaire. Un parc aux dimensions du territoire. De la France. De l’Europe. Du globe bientôt. Une grande foire spontanée, permanente, avec ses quartiers, ses longues avenues, ses attractions particulières, ses sketches, ses jeux, ses défilés, ses séances organisées, ses crises d’amour, d’indignation…
Pour expliquer notre fin de siècle, il faut d’abord la visiter, se laisser porter par les courants, ne pas avoir peur des cohues, applaudir avec les loups, se mettre à l’unisson des euphories. C’est en flânant le long de ses stands qu’on peut espérer la comprendre. N’hésitons plus ! N’ayons pas peur ! Entrons ensemble dans la danse ! Tous les jeux nous sont offerts ! C’est l’évasion ! La vie de pacha ! Floride ! Wonderland ! Californie ! Le monde est une usine à plaisirs ! Et en fanfare ! En pleine gaieté ! Et en avant la fantaisie !
"Qu’il est glorieux d’ouvrir une nouvelle carrière, et de paraître tout à coup dans le monde savant, un livre de découvertes à la main, comme une comète inattendue étincelle dans l’espace !"
Ainsi s’exclame Xavier de Maistre aux premières pages de son "Voyage autour de ma chambre". Une comète inattendue… Mais il ne s’agit pas, ici, de proposer des découvertes. Une promenade seulement, une simple randonnée à travers ce que nous vivons chaque jour, ce que nous croyons vivre, ce que nous aimons ou redoutons, nous en apprendra mille fois plus. Oui, c’est comme un grand parc d’attractions qu’il faut visiter l’esprit du temps. Avec ses étalages et ses reflets, ses vedettes de quelques jours, ses fausses rues de fausses villes de partout, ses châteaux reconstitués, ses excitations, ses pièces montées, ses décors en résine synthétique, ses acteurs anonymes qui s’affairent, sous les costumes appropriés, à simuler leurs tâches coutumières… Il n’y a plus d’énigmes, plus de mystères. Plus la peine de se fatiguer. Le Bien est la réponse anticipée à toutes les questions qu’on ne se pose plus. Des bénédictions pleuvent de partout. Les dieux sont tombés sur la Terre. Toutes les causes sont entendues, il n’existe plus d’alternatives présentables à la démocratie, au couple, aux droits de l’homme, à la famille, à la tendresse, à la communication, aux prélèvements obligatoires, à la patrie, à la solidarité, à la paix. Les dernières visions du monde ont été décrochées des murs. Le doute est devenu une maladie. Les incrédules préfèrent se taire. L’ironie se fait toute petite. La négativité se recroqueville. La mort elle-même n’en mène pas large, elle sait qu’elle n’en a plus pour longtemps sous l’impitoyable soleil de l’Espérance de Vie triomphante. »
Philippe Muray, "Les dieux sont tombés sur la terre" in L'Empire du Bien
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
Les cons !
06:30 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (0) | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
Salon des "Beuveries"...
05:05 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (0) | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
01/03/2024
Dans les nuages
=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=
Cité par Philippe Muray en exergue de "L'Empire du Bien"...
15:16 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (0) | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
Une Vie, une œuvre : Philippe Muray (1945-2006)
07:00 Publié dans Lectures, Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (0) | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook
Salon de l'agriculture...
05:05 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (0) | |
del.icio.us |
|
Digg |
Facebook