27/03/2006
L'Amour...
=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=
Très souvent je vomis sur l’Amour. Je n’aime pas ce que l’on nomme ainsi. Cela n’y ressemble pas. C’est de la comédie névrotique. « Quand je vois un couple, je change de trottoir ! » gueulait Léo Ferré. Et pourtant,
l’Homme se complait à l’appeler ainsi. « Amour. Amour. Amour. » L’Homme se complait à s’y vautrer comme un porc dans la boue. Entêtante Cécité de l’âme et du Corps. Aberration. Égarements. Folie. Aussi : blocage, censure, inhibition. Parfois : suicide. Connerie. Des infamies s’organisent dans l’ombre. Assassinats, homicides. Forfaits d’égocentriques. « Amour. Amour. Amour. » Crétineries en tout genres. Et on a la sottise audacieuse : on nomme cela « l’Amour » ! On clame la fusion. On attache sa moitié comme une proie prise au piège. Comme un gibier consentant, soumis. C’est le coût à débourser. Faites-vous une raison. Tout le monde vit ainsi : papa, maman, mamie, papi et les voisins aussi. Re-schématisez le schéma. Abaissez votre couenne en la raidissant comme il se doit. C’est tout ce qu’on attend de vous !
L’Amour ce n’est pas ça. L’Amour jaillit de rencontres qui redéploient constamment le désir vers des sphères nouvelles. Il n’y a pas de larmes. Ou alors elles sont de joie.
Même la bible affirme en 1 Corinthiens 13 : 4,8 :
« L'amour est longanime et bon. L'amour n'est pas jaloux, il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil, ne se conduit pas avec indécence, ne cherche pas son propre intérêt, ne s'irrite pas. Il ne tient pas compte du mal subi. Il ne se réjouit pas de l'injustice, mais se réjouit avec la vérité. Il supporte tout, espère tout, endure tout. L'amour ne passe jamais. »
La morale est perverse et castratrice. Aussi destructrice que la luxure qu’elle prétend circonscrire et contenir.
La morale se drape toujours d’un très vaste bien fantasmé.
Les morales monothéistes en cours ont scellé les livres Saints à leur convenance en projetant sur Dieu la floraison morbide de l’hystérie humaine trop humaine. Cela a donné d’innombrables contempteurs du corps voyant le diable derrière chaque érection.
Il faut se tracer un chemin de souffre et de feu dans la jungle des fièvres humaines pour préserver son Amour intact, celui qui rafraîchit à l’eau et enivre de vin, donne le goût du miel et non l’aigreur dévastatrice du cyanure.
Le couronnement de l’Amour donne sens à toute la Vie. Merveille des merveilles, cela donne sens au monde entier. Le Corps se doit d’exulter des hosannas à n’en plus finir. L’Incarnation s’élève et le sang trace un fleuve de rythmes que seuls les amants comprennent. Les amants savent pourquoi et pour qui ils existent. Leur voyage toujours recommencé est un délice des sens, des idées et des pensées, des épidermes qui se cherchent dans le silence crépusculaire, dans l’apparence transpercée de l’aurore où émergent déjà les vestiges oubliés de l’avenir.
« Le désir fait sortir de soi. Il fait sortir de l'ici de l'espace. Il fait sortir de l'"idem" du corps séxué. Deux fragments de temps polarisent tout à coup, soulevant la relation en extase. Dans les deux cas la polarité se renforce au point de faire axe. Cet Axe et cette tension orientent. Le désir se tend et brise le mur du temps par une soudaine réciprocité (car le temps, étant irréversibilité, se brise dans la réversion soudaine de lui-même). Chaque pôle s'accroît si étrangement. C'est le "co-ire" sexuel. "Ire" veut dire en latin "aller". Aimer consiste en une co-errance d'un instant. » Pascal QUIGNARD (ABÎMES)
Par l’Amour, un monde vient au monde à chaque fois par le sourire de Dieu, et ce Dieu est inconnu, ce Dieu est si proche et si lointain, mais ce Dieu est très bien connu des amants qui s’aiment librement d’un spasme serein. Ils ne le formulent pas autrement qu’avec leurs caresses, avec leurs mots, avec leurs yeux. L’Amour authentique est succession de paradoxes, n’en soyez pas surpris. Ouvert, il ne demande pas de comptes, ne réclame rien que la joie d’être aimé et d’aimer en retour. L’Amour écrit les amants dans l’histoire du monde. La trame de la réalité les accueille dans son mystère de nuit nacrée. C’est l’autre qui nous accouche de nous-même.
L’Autre a mille et une faces tout comme l’Amour a mille et un visages. Le faux amour, lui, n’en a qu’un seul, celui de la possessivité tourmentée qui torture. Parce qu’est multiple l’Amour, il expérimente et cherche à rayonner. Il peut butiner et papillonner tant que l’Autre n’est pas un objet mais une histoire qui donne le sourire ou apporte l’inquiétude. Son origine est l’origine de toutes choses. Son origine est l’origine de tout désir voulant venir au monde. Son émanation est une danse de l’Être, un chant de l’Être, un envol de l’Être toujours recommencés. C’est pour ça que l’Amour est subversif, violent, novateur, insurrectionnel, libérateur. L’Amour ne remplace aucune personne par une autre personne. L’Amour autorise d’aimer et d’être aimé par toutes les personnes qui conviennent avec le cœur, avec le Corps, cette raison supérieure (Nietzsche), avec l’athanor de l’intelligence. L’Amour libère et sacre chaque instant de notre vie. L’Amour est une extension de soi vers les autres.
« Des mets exquis, du bon vin, la compagnie de personnes choisies et, surtout, bien affectueuses, constituent une alimentation qui élève un homme bien portant au plus haut degré de perfection. » Giacomo CASANOVA
La raison seule ne peut être en mesure d’édifier l’existence et elle ne détermine le corps qu’avec modération. L'amour fonde véritablement notre être par la Folie Lumineuse. L’autre nous invite, en vérité, à être libre en éprouvant les antinomies, les incohérences d'une liberté bien différente d'une liberté uniquement morale, d’une dépendance (puisque l’Amour nous lie aussi) ou d'une indépendance relative. L’Amour fait rompre le pain en douce compagnie. L’Amour fait déployer nos ailes.
Si vous ne déployez pas vos ailes, ce n’est pas de l’Amour.
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Bande son du moment : Placebo "Meds" (2006)
Lecture du moment : Paideia, la formation de l'homme grec, de Werner Jaeger
Citations du jour : « Ainsi j'arrive, moi aussi, à ce principe dans ce qui touche aux hautes spéculations philosophiques : tous les gens mariés sont suspects. » Friedrich Nietzsche
et
« Pour comprendre qu’être jaloux charnellement est une idiotie, il faut avoir été libertin. » Cesare Pavese
Humeur du moment : En retraite
22:25 Publié dans Humeurs Littéraires | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : 09-Humeurs Littéraires : L'Amour... | | del.icio.us | | Digg | Facebook