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01/05/2006

Sens dessus dessous

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=

 

L’intime floraison, cachée par cent mille désastres. Ses dessous remuants. Les défaire c’est une affaire. Je parle de ses dessous, me comprenez-vous ? Là où son souffle recherche avec une nihiliste constance le cache-cache qui lui semble salvateur. La surface est limpide, pourtant, un œil exercé ne s’y laisse pas prendre. Les masques sont de mauvaise facture et elle les porte si mal. La surface ne devient profondeur que lorsqu’on affirme une élection de dandy. Ce n’est pas son cas. Elle fait l’autruche et son rire est presque toujours nerveux. L’apparence peut, en certaines occasions, se retourner comme un gant, selon la pensée du jour et les affres du moment, et révéler le point nodal de la douleur aiguë qui se dissimule et se terre dans le constant brouillon du réseau nerveux.



Elle les brode, ses dessous, les fabule, les invente, cherche à donner le change, se trompe elle-même en nous trompant nous, s’auto persuade du bien fondé de ses déterminations, se mène elle-même en bateau, mystifie ses fausses dorures et ses leurres avec emphase, s’abuse en nous jouant du pipeau, se berne en mettant ses convictions en berne (c’est qu’elles ont le teint pâle ses convictions). Mais je suis un vieux d’la vieille. Je ne suis pas dupe. Trop d’heures de vols et de multiples atterrissages forcés.



Les dessous se dégrafent et s’enlèvent pour des palpations palpitantes. Ses dessous à elle ne s’enlèvent pas. Même nue, elle les conserve comme une barrière de marbre épais et ce marbre a la masse de sa désolante affection. Mille ans de dérives tripales. Il lui faudrait, pourtant, tailler dans le vif de sa merde et purger ses impures souffrances. Ne pas se tromper sur sa coulisse c’est reconnaître un peu la fumée qui y divague. Il faut faire poindre et percer à jour. Il faut se souvenir, sinon, le Corps finit par commémorer ce qui lui importe malgré nous. L’Inconscient est Roi.

J’ai dégrafé ses dessous, au sens propre, au sens figuré, voilà ce qui n’est jamais passé pour sa raison encore trop adolescente. J’ai fini par la laisser batailler seule avec ses dessous inassumés, qu’elle se démerde avec comme elle peut.

Pourtant, naïf, parfois, j’ai rêvé de la dénuder jusqu’à sa moelle intime, avec mes caresses, ma langue, en fait : mes mots. La débarrasser de ses maux. Illuminer ses obscures cavernes où mille fantômes l’assaillent quand elle s’y perd. Mais elle tient tête, ne me laisse deviner que l’essentielle flétrissure et referme les portails d’ivoires. Déséquilibrée.

Ses dessous sont sales et sens dessus dessous, sens déçu dessus dessous et dans les moindres alvéoles disparates de ses recoins, surtout le matin quand elle les veut affriolants. Elle entretient leur souillure en détournant la tête de ce qu’elle se devrait de regarder bien en face, dans l’orbite faisandée des cadavres exquis qui, eux, la contemple sans cesse. C’est son antinomie qu’elle conteste. Son absurde paradoxe. Elle se refuse, c’est simple et clair, à connaître la cause, le mobile, la raison, l’explication, la justification première, le lieu du contraire/inverse/opposé de son contresens vivant et incarné qui la somme de se soumettre. Ses démons se pouffent de tant de cachotteries, tandis que, croyant avoir réglé son mystère, elle réajuste ses dessous devant les miroirs de ses illusions multiples. Il suffirait d’un geste, certes douloureux, pour déboutonner le corset trop serré qui maintient et étaye le mirage de son être, l’intime hallucination de ce qu’elle croit et envisage avec une innocence très coupable. Après… elle n’aurait plus qu’à déployer ses ailes. Mais elle préfère tripatouiller sa dentelle sensible et demeurer sans cible. Faux-monnayeur va. Le bidonnage a triste figure. Si elle savait que c’est sous le voile de tous les dessous qu’elle se devrait d’aller saisir les perspectives du dessus, les contenus signifiants, les sentiments signifiés. Elle préfère, pauvre d’elle, avec son âme fragile et douce comme de la soie, chiffonner son bas de Soi.
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Bande son du moment : Baroque Bordello : « Via » et « Paranoiac Songs »

Lecture du moment : « Paideia, la formation de l’homme grec » de Werner Jaeger

Citation du jour : « Illusions : affecter d'en avoir eu beaucoup. Se plaindre de ce qu'on les a perdues. » Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues

Humeur du moment : Serein et posé.