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29/08/2006

Vivre et Écrire...

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=


Écrire pour dire quelque chose qui va plus loin que moi.
La Vision brûle les yeux quand ouverts sur la fissure ils s’effraient à contempler le néant et l’infini.

Je ne désire convertir personne à rien. Si je parviens juste à insuffler un peu d’air vivifiant dans les écoutilles mon cœur en sera comblé comme celui d’un mystique.

Car je vois essentiellement la déchirure en l’Être de l’Homme. L’Être en l’Homme divisé et subdivisé. Anéanti d’avance à peine éclos au monde.

Si, lecteur, tu n’as pas la foi je ne t’en veux guère, moi-même suis sujet aux affres de mon agnosticisme, un pied dans le « Oui », un pied dans le « Non ». Je n’ai pas encore la pertinence d’avoir à choisir entre la bouche d’un revolver et le pied de la croix. Je dois être béni sans même m’en douter.
Car la Foi sauve. Homme si tu es humble et de condition faible, la prière te couronne, ta vie s’en trouve Sanctifiée, et te voilà tenant sur tes jambes, « bipède à station verticale », tes pleurs et tes rires ayant soudain un sens pour faire un pied de nez dépourvu d’orgueil, un pied de nez confiant et espiègle aux angoisses de ton Incarnation. Une lecture de « L’Antéchrist » de Nietzsche le montre très bien et l’éloge qu’il y fait du Christ ne laisse pas indifférent.

Mais si la foi ne t’a pas choisi comme creuset à son feu Christique, qu’est-ce qui te permettra de combattre ton démon et d’assumer pleinement toutes les contradictions initiatiques qu’il te soumettra, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit ?
La guerre qui se livre entre les sens et la raison depuis Moïse abrège la licence et empêche l’Homme d’accéder à un plaisir immédiat. C’est que, Françoise Dolto l’a bien évoqué dans son « Evangile au risque de la psychanalyse », l’Homme (anthropomorphisateur par excellence) se plaît à projeter sur la transcendance toutes ses tares les plus abjectes. Se faire exploser au cri d’Allah akhbar semble être une sinécure à nos temps sombres. Pourtant une lecture raisonnable de la Bible ou du Coran peut apporter le sourire sans interdire l’érection. Les mille femmes du roi Salomon dansent les danses des mille et une nuits. Mais cette guerre des sens empêche l’Homme tout autant de renoncer à ce plaisir que d’accéder à la vérité, tout du moins à sa vérité intérieure pure. Il lui faut passer son âme, son corps (mais c’est là la même chose) au haut degré de l’athanor purificateur, afin de parvenir à s’y retrouver parmi les quatre personnes qu’il est et que nous sommes tous. La personne que nous croyons être, la personne que nous voudrions être, la personne que les autres voient en nous et la personne que nous sommes vraiment. Pour cet acte qui demande une vie entière, seul un regard intransigeant porté à la réalité autorise le dépassement de cette insatisfaction fondamentale.
De plus, coincés dans la basse-cour généralisée (car notre démocrassoullardise nous permet d’avoir un avis sur tout, une opinion sur tout et donc, forcément, d’exprimer notre grande lumière … ce que nous ne manquons jamais de faire) nous ne savons pas si nous devons nous boucher les oreilles en hurlant ou monter le volume de la chaîne hi-fi ( notre époque technologique a quelques avantages) pour noyer le brouhaha lénifiant ambiant dans un silence d’une autre dimension, celui de Mozart ou de Bach.
Le jeu social, minable, édulcoré, mort d’avance, rictus vulgaire, nous abruti par sa prétention à nous distraire et les différentes philosophies qui ont court n’indiquent que les échelons divers du nihilisme dans toute sa glauque splendeur. Les uns se prennent pour Dieu, persuadés que le ciel est vide et que c’est à eux de le remplir, les autres n’ont aucune certitude en rien, mais tous sont excessifs car sans Dieu et sans certitude tout devient possible … surtout le pire. Orgueil scientiste et progressiste d’un côté. Existentialisme morbide et désespéré de l’autre.
Loin de tout manichéisme, homme, si tu n’as pas la foi, considère l’Homme dans son ensemble. N’épargne rien ni personne. Grandeur et décadence. « Requiem » de Mozart et Shoah. C’est une pâte particulière à pétrir, n’est-ce pas ? Il faut prendre acte du partage constitutif de la nature humaine, cette dualité née de l’exil de la chute selon les Saintes Ecritures.

Mais encore faudrait-il, pour regarder bien en face la monstrueuse réalité, ne pas détourner la tête et consentir à sa sphère. Or, partout, où que nous tournions la tête, notre attention est happée par le veau d’or et ses hordes. Images. Flashs. Affiches. Radios. Magazines. Publicités constantes. Propagandes débilitantes. Discothèques. Techno-parades. Gay-prides. La plage à Paris. Commémorations diverses. Communautarismes larvés. Ordinateurs qui crépitent. Play-stations. Mangas. Télé-réalité totalement irréelle. Reportages télévisés bidonnés. Politiciens en voie de décomposition qui poursuivent, néanmoins, leur exécrable règne. Bon peuple, bas peuple, triste peuple qui s’offusque, qui manifeste, fini par se réjouir. Peuple inexistant. Spectateurs et, éventuellement, figurants, mais, en tout cas, hypnotisés et consentants à la servitude, volontaires pour la viande hachée. Pseudo littérature sur les étalages comme des yaourts. Films d’avant-garde pornographiques avec gros plans sur le sang qui gicle, gros plans sur les visages crispés, gros plans sur la famille souriante, gros plans sur les poitrines opulentes et les culs redondants, gros plans sur la bienséance du bien qui finit toujours par triompher (à Hollywood), et, même s’il perd (cinéma européen) ce n’est que pour mieux asseoir sa sémantique supériorité.
Car quand on interdit avec une telle violence doucereuse mais efficiente à la pensée de s’abandonner à elle-même, elle n’est plus en mesure de découvrir l’inanité et la vanité de l’existence. Nombreux sont les obstacles qui empêchent la pensée d’embarquer sur le « Bateau ivre ».

Un égoïsme sans nom s’empare d’à peu près tout le monde. Un amour de soi (qui n’en n’est pas un en vérité) fait son office selon des valeurs inversées que depuis l’auteur de Zarathoustra celui qui veut bien s’en donner la peine connaît. L’homme en venant à ne concentrer toute son attention que sur lui-même fera réfléchir le miroir selon les modalités qui lui conviennent. La menace engloutissante du néant ne lui apparaîtra nullement. L’imagination nous fait prendre des vessies pour des lanternes. « L’imagination au pouvoir » clamait un beau slogan de mai 1968. Eh bien nous y sommes ! Elle est bel et bien au pouvoir l’imagination, mais lorsque les bulldozers de la bêtise lui sont passés dessus (comme je le disais plus haut), elle est pieça, raplapla, ramolie. Pauvre de sa propre absence elle nous fait croire tout et n’importe quoi et attribue à tout et n’importe qui des qualités inexistantes. Ainsi meublons-nous de manière fictive le vide de notre condition post-moderne.
A présent, un égoïste imbu de lui-même et plein d’imagination sait toujours se divertir … à sa juste mesure, bien entendu. En compagnie d’autres égoïstes emplis d’imagination aussi. Et tous ces égoïstes exorcisent quotidiennement la mort qu’ils savent, pourtant, inévitable. Au sens étymologique, se divertissant ils « se détournent de quelque chose ». De quoi ? d’eux-mêmes bien sûr ! Un jeu. Un hobby. Un travail personnel qu’on souhaitait accomplir et nous voilà accaparés par notre envie de tenir, de gagner, de s’exprimer, de réussir. Une collection de pins ou de carte téléphoniques ? Une maquette de bateau pirate ? Une tour Eiffel de deux mètres de haut avec des allumettes ? Un puzzle ? Franchir les nouvelles étapes du dernier jeu sur PC ? Aller danser ensemble ? Ça vous dit ? Surtout ne pas invoquer ni même évoquer le silence, le calme, le repos.

« Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l'ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l'âme en secret
Sa douce langue natale.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.

Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s'endort
Dans une chaude lumière.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté. »


« Les Fleurs du Mal » sont un Souverain Bien.




Ces choses-là sont insupportables puisqu’elles permettent la réflexion, l’introspection (même gauche) et les tourments qui s’en suivent.

Ecrire pour dire quelque chose qui va plus loin que moi. Envers et contre tout, seul contre tous. Écrire consiste à faire émerger la vérité qui est toujours l’effleurement de la réalité par le logos et la représentation qui en découle, le discours qui en jaillit. C’est là la seule préoccupation qui compte, l’essentielle exigence. Même passée au prisme personnel, la vérité émerge vraiment lorsqu’elle touche à l’universel par ce qu’elle ose affirmer en perturbant le grand sommeil. Car la vérité, toujours, affirme. Elle se définit par sa permanence et, de ce fait, ne se confond pas avec la relativité et l’inconstance des opinions humaines. Si la condition humaine est toujours à peindre, si les subterfuges qui voilent cette condition sont à démasquer, écrire consiste aussi à plonger dans la fange non pour s’en vanter mais bien parce que la grandeur de l’être humain (qui le distingue de tout autre animal) se trouve dans cette capacité à méditer sur ses actes et sa condition si misérable soit-elle.

Noblesse et bassesse. Cathédrales et génocides. Entre l’ange et la bête nous nous frayons tant bien que mal, notre sinueux chemin. Jungle épaisse. Machette sanglante. Mygales, serpents, et hyènes. Et derrière la rivière, les marais, les lianes, les ronces jonchées de cadavres … soudain … la clairière ensoleillée et le temple.

Si tu crois en Dieu, lecteur, tu surmonteras les contradictions, sinon … seul le mouvement, la chasse (plus que le gibier ou la cible), l’avancée te permettront de vivre ton paradoxe.

Tu peux parier ou non sur l’issue, peu importe, mais il te faut rire et danser au-dessus du volcan.
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Bande son du moment : « Home (2006)» par The Gathering

Lecture du moment : … Pas de Lecture…

Citation du jour : « Ne pas railler, ne pas déplorer, ne pas maudire, mais comprendre. » Baruch SPINOZA


Humeur du moment : Combatif