25/11/2006
Conserver les yeux ouverts... sur la lumière.
=--=Publié dans la Catégorie "Ô Mort... Ô Mort..."=--=
Nous nous souviendrons, un jour, de ces états. Le Corps aura ses exigences. Il demandera des comptes à grands coups de « qu’en dis tu vieil abruti ou vieille garce ? », et nous n’aurons plus que nos spasmes pour éprouver une mémoire enfouie refaisant quelque peu surface selon sa convenance. Des chansons liées à des situations, des phrases marquantes, des mots perdus, des non-dits, des souffrances éteintes. Belles cicatrices. Nous nous souviendrons comme des enfants nostalgiques et il nous faudra faire face au flux et, relevant la tête, regarder devant plutôt que derrière.
À Vencane (Ventchané), en Serbie, s'est déroulé la liturgie pour les 40 jours de la mort de ma petite mamie, puis pour les six mois. En Avril prochain ce sera l'année complète cloturant le deuil. Les Rituels organisent tout, inquiètent, finissent par apaiser. J’allume souvent un cierge. Le cierge, là, se consumant lentement à mes côtés, c’est un peu de ma grand-mère qui est là, de sa lumière, de son amour, de toute cette tendresse que je n’ai jamais reçu de personne d’autre avec autant de délicatesse en même temps que de gratuité.
« La lumière est douce et il plaît aux yeux de voir le soleil. » (L’Ecclésiaste, 11,7)
Le feu de chaque cierge est l’expression d’une prière silencieuse montant vers Dieu. À partir du moyen-âge on voit s'élaborer progressivement une symbolique de la lumière lors des cérémonies chrétiennes. La joyeuse lumière vivifiante du matin de Pâques. La lumière rappelle la résurrection de Jésus qui est « la lumière véritable qui éclaire tout homme » (Jean1,9). Une lampe allumée près du tabernacle (ce petit coffre fermant à clef, placé sur l’autel ou à proximité, et abritant les hosties consacrées) en signale la présence lumineuse.
Maintenir allumées chez soi en permanence des lampes ou bougies devant des icônes du christ, des Saints ou de Marie est une habitude très ancienne par laquelle on symbolise la prière de tous ceux qui vivent dans le foyer en question ainsi que leur volonté de vivre sous l’attention de Dieu.
Jésus a dit : « Je suis la lumière du monde », aussi c’est une manière pour nous de dire, à notre tour : « Seigneur éclaire-nous d’avantage afin que nous ne nous écartions pas de ta voie. Seigneur, Dieu Unique, en t’offrant cette lumière, nous t'offrons l'amour, la persévérance et la ténacité, l’abnégation et le don de soi de tous ceux et celles qui nous ont orientés vers toi. Tu donnes la lumière et à présent elle te revient, car tout vient de toi. »
À la nuit tombante, il peut nous sembler que nous passons au royaume des ténèbres. Mais la lumière, en resurgissant à chaque aube, nous éveille à un jour nouveau, elle prend part à l’Esprit Saint de Dieu, à son action créatrice, à ses miracles, à la vie, au salut, à la connaissance.
La lumière, dés la Genèse, apparaît comme ce qui fait être et advenir les choses, comme si la Lumière mettait de l’Ordre au sein du « tohu bohu ». Par la suite, la Lumière se propage continuellement, tout au long du récit Saint, comme un Principe à la fois bienfaisant et joyeux qui réjouit le cœur du juste face aux épreuves.
Lorsque, à l’aurore, la lumière perce la nuit, la menant progressivement vers l’éclat du matin, elle fait émerger les aspects cachés, clarifie et détaille l’envergure et la mesure du monde, sa consistance, sa substance, ses couleurs, ses chatoiements, sa brillance. Tout est, soudainement, déplacement, course, évolution, mouvement et vie. Tout se prépare à accueillir l'homme, comme aux premiers matins du monde. C’est une signification spirituelle par laquelle nous nous trouvons conviés chaque matin à refaire l'expérience de l’éveil d’Adam. Pauvres de nous. Pauvre de moi.
Mais la Lumière, évoquée ici, n’est pas celle du soleil, ni de la lune. Elle est Souveraine en comparaison aux luminaires du jour et de la nuit. Souveraine par la grâce du Souverain de l’univers, elle est sa juste esclave émancipatrice. Elle est l’habit de Dieu, le miroitement de sa Majesté et de sa Gloire. Elle l’escorte et le suit. Les Psaumes l’attestent. De même, l’ancienne Alliance indique que la Loi et la Connaissance sont la lumière du peuple de Yahvé. Aux temps messianiques, Dieu lui-même sera la lumière de son peuple, sa tente sera plantée au milieu des hommes. Les ténèbres n’auront plus aucune emprise sur les élus. À son tour, par la nouvelle Alliance, Jésus affirme : « Je suis la lumière du monde, qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres mais aura la lumière de vie. » (Jean 8,12)
Les chrétiens, par le miracle de la lumière pascale, deviennent eux-mêmes « lumière du monde » et leur devoir est désormais de « briller comme des foyers de lumière dans ce monde ». La lettre aux Philippiens dit : « Vous deviendrez inaccusables et limpides – enfants de Dieu sans défaut parmi une génération qui sinue et qui se tord, dans laquelle vous brillez comme des astres dans l’univers. Vous tenez bon au langage de vie », ou selon une autre traduction : « afin que vous soyez irréprochables et purs, des enfants de Dieu irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse et corrompue, parmi laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie » (Philippiens 2,15-16)
Chez les Égyptiens de l’antiquité, à la mort du corps physique, 40 jours sont nécessaires pour que l'âme soit totalement délivrée. Le corps dit « éthérique » met 40 jours, selon la tradition, pour se délayer dans l'univers. Tant que les atomes, corpuscules, molécules, particules qui le composent n'ont pas réintégré l’athanor, le creuset de la nature, la conscience du défunt demeure attachée, selon les cas plus ou moins intimement, au monde de son incarnation. Ainsi une cérémonie religieuse était célébrée 40 jours après un décès afin de faciliter la délivrance définitive de la conscience du défunt.
Cependant il ne faut pas intervertir ce qu'on appelle l'énergie « éthérique » avec le corps « éthérique ». L’énergie « éthérique » s’est complètement retirée du physique dans les trois jours qui suivent le décès.
Curieuses résonances avec la mort du Christ et sa résurrection au troisième jour avant sa montée auprès de son Père le quarantième.
Ces choses que j'évoque ne sont pas des professions de Foi. Je me construis comme je peux. J’avance à tâtons dans le Labyrinthe. Mon pouls est calme. Je souris même sans me forcer. Le Corps d’une femme dans la lumière feutrée se repose après l’amour. Son épiderme, subtilement, palpite. Le duvet sur sa peau chante. La croupe appelle. Paupières muettes. Souffle serein. Je considère l’écran du I-Mac sans émotion vive. Un verre de Sauternes. Une bouffée de tabac. Des pensées tranquilles. La Conscience de la menace, c’est tout. Tout autour de ce Jardin à l’écart, dans cette chambre calme, le Monde entier gronde comme un dragon pourrissant.
Sans perdre de vue la Ténèbres, conserver les yeux ouverts... sur la lumière.
« Une fois que l’esprit a assigné sa place à la mort, il guérit, en un sens supérieur de ce terme : il reconnaît en sa vie un chemin qui reçoit tout son sens. C’est dans l’univers, non dans l’individu, qu’elle a son domaine. Là, la mort est sa servante, et non sa souveraine. » Ernst Junger
________________________________________________________________
Bande son du moment : "Come What(ever) May" par Stone Sour
Lecture du moment : ...pas de lecture particulière... butinages divers...
Citation du jour : « C'était à la fois d'une grande simplicité, et très solennel. L'authentique solennité des moments qui se clouent à la voûte du ciel, ces moments où tout s'efface devant le surgissement de rituels antiques, que l'on croyait oubliés, mais qui sont restés d'autant plus vivants dans les profondeurs de notre mémoire.» Maurice G. Dantec (Grande Jonction)
Humeur du moment : Brave
03:25 Publié dans Ô Mort... Ô Mort... | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : 29-Ô Mort... ô mort... : Conserver les yeux ouverts... sur la lu | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Je cherchais un peu d'organique.J'en ai trouvé dans ce texte.Vous êtes donc un humain.
Écrit par : Barbarian | 03/01/2007
De l'organique? Je ne vois que ça partout sur ce blog mais de manière très subtile,presque cachée.Vous êtes un expert dans l'art de la fugue et votre groupe musical est de premier ordre.Comment se fait-il que vous ne soyez pas connus?
Écrit par : Franck | 05/01/2007
Barbarian... oui, il m'arrive même d'être "humain, trop humain"... mais je me soigne.
Franck... mon groupe musical n'est pas connu car le buziness a ses raisons que la raison ignore... en attendant, il suffit de se rendre sur notre site ( www.venice-music.com ) pour écouter des extraits, télécharger des titres gratuits... et éventuellement nous commander nos albums qui sont livrés en temps et en heure pour une somme modique (10€ le CD ou 18€ les deux... dans un cas, comme dans l'autre : port compris !)
L'Organique est partout dans ce que je vis par l'écriture... mais le physique ne se doit pas de couper la liaison avec quelque chose que je ne nommerais pas, pour l'instant, l'Esprit Saint (bien que la tentation soit très grande)... avec ce quelque chose qui me fait me dresser et regarder vers le haut, plutôt que vers le bas et vers le labyrinthe de mon nombril... le Corps, l'Organique... fondation née d'un souffle et porteuse de ce souffle à son tour. Le Souffle qui vivifie ou qui tue ?
Bien à Vous...
@)>-->--->---
Écrit par : Nebo | 07/01/2007
Bon ben comme bien souvent impossible d'écouter vos oeuvres, un module déficient ou je ne sais quoi...
Écrit par : Barbarian | 09/01/2007
Moi ça fonctionne. C'est des fichiers mp3 qu'il faut écouter sous I-Tunes ou Winamp. C'est simple, non ? Lequel des 2 albums me conseillez-vous?
Écrit par : Franck | 09/01/2007
Merci pour cette fine écriture.
Écrit par : Aurore | 29/03/2008
Les commentaires sont fermés.