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08/01/2007

Vivre et Écrire II

=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires"=--=

« ENIVREZ-VOUS

Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi ? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous !

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise. »


(Les petits poèmes en prose) Charles Baudelaire

Je n'aime pas perdre de temps en matière de lecture... et je ne souhaite plus ouvrir de livre pour simplement me distraire, puis faire un amalgame entre une certaine légèreté que je revendique (et ne confond nullement avec la frivolité) et le Nihilisme qui consiste à être vain... Je ne parviens pas du tout à rester devant un film de série B à la télévision, avec ou sans cacahuètes... avec ou sans bière... et lorsque j'ai besoin de légèreté, quelques biographies simplistes mais intéressantes mises à part ("La Fièvre de la Ligne Blanche" par exemble, par LEMMY KILMISTER, bassiste-chanteur du fabuleux groupe Mötörhead et baroudeur Rock 'n' Rollesque depuis une quarantaine d'années...)



(... ou encore, "Mort aux Ramones", par Dee Dee Ramone, bassiste et compositeur principal pendant les plus belles années du combo Punk The Ramones... Lemmy et Dee Dee, deux cramés de la tête, l'âme écorchée vive et le rire nihisliste comme unique voie de sortie... mais couronnée par quelques superbes chansons dont l'énergie nourricière n'a de cesse de me requinquer depuis les hautes heures sombres et lumineuses de mon adolescence.)



...des lectures "coca-cola" (selon l'expression d'une amie) qui aèrent la tronche, favorisent la purge et contribuent à faire fonctionner les zygomatiques avant l'explosion salvatrice du rire.



Hormis ce genre d'exception, quand j'ai besoin de légèreté, c'est encore vers la littérature que je me tourne : de Djian à D’Ormesson... l'éventail est large... Car simplement me distraire, sans rien apprendre, ce n'est pas du tout ce que j'attends de l'énergie déployée dans la lecture d'un livre. Ce vers quoi j'aspire, par le biais de la littérature, c'est d'être secoué, perturbé, renversé, avant que de pouvoir déployer des ailes... plus fort... plus serein... plus sage. Plus souverain aussi. Si il y a maint styles et moult écrivains, il n'y a, à mes yeux, qu'une seule Littérature... un seul Verbe... avec tout ce que cela peut impliquer en terme symbolique.

Si la définition basique et banale de la littérature de notre abominable époque (comme me le soutenait une de mes connaissances) consiste de plus en plus à ne considérer la littérature uniquement que comme un domaine comprenant les oeuvres écrites à finalité esthétique (pour quelques unes qui surnagent péniblement du lot nauséabond) ou ayant pour but unique de raconter une petite histoire (nombriliste et agrémentée de quelques thèses conspirationnistes étouffantes, excluant du coup tous les écrits comprenant des thèmes philosophiques, politiques, historiques ou religieux) j'en arrive à comprendre très vite pourquoi "Le Diable s'habille en Prada" ou le "Da Vinci Code" sont considérés comme de la Littérature. De la Littérature de gare disent quelques esprits sur la défensive. La littérature de gare, fut un temps, était signé Simenon ou Féval, autrement dit, même la classe populaire lisait quelque chose de palpable, de concret, avec de la consistance. La petite histoire esthétique personnelle, définition tellement basique qui semble sortir d'un Larousse, précisément le type de définition qui ferait se hérisser les pics de n'importe quel écrivain. C'est tellement réducteur, qu'en effet, n'importe quel scribouillard doté d'un peu d'imagination et sachant manipuler quelques phrases peut être catapulté écrivain pour son plus grand bonheur... et pour notre malheur à tous.

Bah, me direz-vous... il y a tellement de choses plus graves ici-bas, sur ce pauvre caillou bleu perdu dans l'infini, qu'à quoi bon se prendre la tête pour une histoire de définition littéraire ? Hmm ? Après tout, mes contemporains ont peut-être raison... je me prends la tête tout seul... je devrais, probablement, me laisser glisser dans l'alcôve universelle, dans l'érection de la Métastructure Machinique à laquelle tout le monde consent sans trop se poser de questions. Surfing is good. Et nous sommes loin du Surfing Bird des Trashmen, repris avec verve et fureur par les Ramones que j'évoquais plus haut. Non, le Surf sauvage, aristocrate et psychédélique a laissé place à un surf idéel, faussement idéal, virtuel et désincarné, déguisé par des artifices qui ne tiennent rien du dandy, mais plutôt de l'autruche s'enfonçant la tête dans le sable et présentant son cul masqué pour une enculade au sens propre et au sens figuré que le "théâtreuh" que nous jouons au quotidien nous empêche de considérer de face. La Vérité pose des problèmes.

Pourtant, le rôle de la Littérature, et de l'Art en général, par extension, est des plus simple. Il consiste à dire la Vérité, à regrouper en faisceaux communs les forces éclatées pour honorer l'Intelligence, faire voler en éclats les masques de l'autruche, et si l'artifice culturel nous distingue tous du troglodyte moyen il ne doit pas être utilisé pour nous masquer nos rides : notre passage ici-bas est bel et bien éphémère. Il faut disséquer. Sans crainte. Mais les craintes sont grandes. Et le poids de la Vie considérable.

Les coups que je reçois, à force de dévoiler le fond de mes pensées, dans ce Blog comme dans la Vie réelle, me laissent toujours perplexe car je trouve les coups en question, les justifications, les arguments, inutiles. Pourquoi ? Parce qu'en ce qui me concerne l'affaire est entendue : je sais ce qui est de la Littérature et ce qui n'en est pas. Point. Je sais, indiscutablement, ce qui est de la Pensée et ce qui n'en est pas. Mais envers et contre tout on cherche à me convaincre... de quoi ? D'être futile et vain. « Le péché n’est pas que les locomotives soient mécaniques, il est que les hommes le soient. » G. K. Chesterton

Et ça me fatigue de plus en plus la justification ad nauseam que je vais finir par me dissimuler. J’ai quelques talents de comédien. Je sais, aussi, acquiescer et sourire bêtement. La résistance passe d’abord par l’acte qui consiste à sauver sa peau en passant inaperçu. Dois-je cacher mes élans ? Arrêter de sortir mes grandes phrases, mes théories pleines d'emphase, mon souffle parfumé ou fétide ? Je vais me planquer. Je vais enfin dire des banalités, ça finira par en rassurer plus d’un et, ainsi, peut-être parviendrai-je par rentrer dans le rang de leur estime. Pour vivre heureux, il faut savoir planquer son cul. C'est ça ? Et pour vivre caché il faut parvenir à être heureux pour puiser la force adéquate en soi qui met à l'écart par le biais du masque qui cache sans rien révéler. Un peu d'hypocrisie ne me fera pas de mal, un peu d'hypocrisie orientée selon mon plein vouloir et non par cette moraline puante qui caractérise tellement notre époque de lâches.

Mais la vérité est autre. Laissez-moi soupirer.

Je me lève tous les matins vers 7h30 et je suis incapable de me coucher avant 1h30/2h00 du matin. Le travail de magasinier vaut son pesant d'insomnies. Je rêve de traverser toutes les nuits du monde, passer de l'autre côté de la ténèbres. « Break on through to the other side ! » Pendant que les écrans des Mac et PC scintillent de leur banalités tellement vaines, je termine « Carnet de nuit » de Sollers... « L'évangile de Nietzsche » de Sollers encore (avec, entre autre, un magnifique chapitre consacré à Venise, ce qui enchante le guitariste du groupe VENICE que je suis)... et je poursuis ma descente Cancérigène vers l'antidote salvateur en lisant lentement « Grande Jonction » de Maurice G. Dantec. C'est mon affaire, voyez-vous ? Le pire c'est que j'en souris, même lorsque c'est amer, alors qu'à 20 ans j'en aurais pleuré de dégoût. Et il me faudrait lire le « Da Vinci Code » et ses théories fumeuses pour bonnes femmes puritaines en pleine descente de névrose ou en pleine montée d’hystérie… parce que ça les rassure de se dire que Jésus aurait baisé Marie-Madeleine, aurait vécu « normalement », comme un homme avec une bite ? Oui, ça les rassure de se persuader que Jésus ait laissé une descendance, féminine par dessus le marché. Notre époque est spécialisée dans le tassement, le rabaissement. La Guillotine selon d'autres moyens. Impossible de leur faire comprendre que Jésus avait, sûrement, des érections parfaites (ce n’est rien de le dire) mais que le fond du problème n’était pas là, même circoncis et Juif par sa mère, sa situation dépasse le Freudisme de Prisunic.
« Virgina Madre, filia del tuo filio » écrivait Dante dans sa « Divine Comédie », ce qui n’arrange pas les choses pour les dégarnis du bulbe. « Vierge Mère, fille de ton fils ». De quoi méditer quelque temps au lieu de se complaire dans la vulgarité rassurante, ne fut-elle que, prétentieusement, « romanesque ».

Selon Philippe Sollers :

« Effets du "spectaculaire intégré" :

1. Ils ont tous tendance à dire la même chose en même temps, au point que le phénomène paraîtrait mystérieux s'il n'était purement technique. Comprendre : Pavlovien...

2. La perception rétinienne est hypertrophiée (somnambulisme inversé), d'où l'importance de la perception physique, immédiate et quantitative. La grande affaire : grossi ou maigri ?

3. Dévalorisation sans précédent de l'activité intellectuelle et littéraire. »


(Carnet de Nuit)

Oui. Ils, elles, se posent des questions banales. Ils, elles, dorment debout. Le sommeil qui les possède les rassure. Le gouffre est une abomination qu’ils ne souhaitent nullement affronter et cette attitude est l’abomination de l’abomination, ce qui est pire. Pourtant j’ai croisé parmi eux, parmi elles, des esprits brillants, intelligents mais qui ont fini par s’aplatir, par rendre les armes. Mais « même les élus seront séduits » affirment les Évangiles. Ces résonances sont bien singulières. « Parce que tu n'es ni froid ni brûlant, mais tiède, je te vomirai de ma bouche » affirme le Seigneur. Résonnances bien singulières, en effet.

Car la Littérature c’est une autre histoire, voyez-vous. Toujours de Sollers : « Chaque fois, les phrases se sont mises à fonctionner avant que je sois là, ou plutôt leur espace, leur air. J'ai continué, ce qui veut dire : garder le commencement, sans cesse. » Le Verbe nous rend esclave. Esclave Joyeux et Souverain.

La littérature, comme toute création artistique (oui je sais, c'est une histoire de prétendants présomptueux) est une affaire qui nous mets en contact direct avec le réel (qui n'est pas la réalité), avec le réel de l'Être. Mais le réel en question, par strates progressives se trouve d'abord bousculé sens dessus dessous avant que d'être... transcendé... même si c'est à un niveau d'immanence insoupçonnable par les somnambules. (Voir plus haut). L'Homme (terme, ici, générique) est confronté à la même rengaine éternelle que nous connaissons tous : Je viens d'où ? Je vais où ? Qu'est-ce que je branle ici ? À quoi qu'ça sert tout ce cirque individuel ou collectif ? Usons donc d'un peu de Style. « Ton Style c'est ton cul ! » gueulait Léo Ferré, un peu énervé, je dois dire, le vieil anar. On cherche à mettre en scène, donc, par la manière la plus évidente à nos yeux, on cherche à représenter ce pauvre Réel qui nous fait tourner en rond comme des loups affamés dans une cage. Style et Stylet ont la même racine étymologique, voyez-vous, et un Stylet n'est jamais qu'un poignard à petite lame aiguë. Mais c'est aussi, en zoologie, la partie saillante et effilée de certains organes. Autrement dit, la littérature a toujours consisté à mettre à nu, à montrer le fond des choses, à révéler les aspects rugueux et les angles tranchants du Réel de notre Être confronté à la réalité.

Expression sur un support d'un sentiment qui s'impose par lui-même, la littérature pose des questions, tente des réponses, élabore un équilibre précieux qui autorise l'émergence de valeurs nouvelles. Tout le reste, vain ou pas, c'est du blah-blah, même si ça en soulage plus d'un de se trouver "cool" et "détendu". User du Stylet, amis, c'est trouver le point de rupture qui donne le souffle de l'évocation, fait grandir la force de ce souffle, accouche d'une structure particulière, d'une musique dans la langue, offre la perspective d'un point de vue, dessine une synesthésie (Trouble sensoriel caractérisé par le fait qu’un seul stimulus entraîne plusieurs perceptions... ainsi on se met à entendre la peinture, à sentir les mots, à toucher les idées... la musique devient sculpture... une symphonie devient une peinture épique... etc...). Voyez ou revoyez « Les Illuminations » de Rimbaud... par exemple... ou méditez, longuement, sur les « Correspondances » de Baudelaire.

Le Style, la langue, les mots qui finissent par guérir les maux, c'est là la première réponse immédiate à la situation dont je parlais quelques lignes au-dessus, car l'action qui est en cours dans cette curieuse incarnation Verbale (le Logos n'en finit plus de s'incarner et s'incarner encore et encore) permet une autre perception de la situation en question. Cette action est la Littérature en personne : un rapport profond avec la texture même du Réel qui nous fait pénétrer par des portails d'Or et d'Ivoire dans un Royaume que peu comprennent. Un peu comme avec la musique : on joue une seule note, au piano ou à la guitare, un simple "la"... et si l'oreille est sensible, on entend soudain la quinte (mi)... la tierce (majeure ou mineure, selon notre état d'esprit... do... ou do#). La Réalité banale du "la"donnera une chansonnette... si on perce son réel (ô vives harmoniques) on devient un artiste... car harmonisations et orchestrations qui en découlent ne se peuvent d'être banales, même si elles sont parfois simples. Il s'agit bien de CAPTIVER, CHARMER, CONQUÉRIR, ÉMERVEILLER, ENSORCELER, ENVOÛTER, FASCINER, RAVIR, SÉDUIRE, SUBJUGUER, SAISIR... non pas le lecteur mais la réalité qui, explosant, mène au RÉEL. À la question « que peut-on faire ? » y'a-t-il une réponse universelle ? : AGIR. La Littérature c'est le Verbe qui ne se prostitue pas... mais qui agit... « SOIT ! »... et celà EST !

Et pour agir, il faut se donner les moyens du langage. Il faut se doter d'une réponse car notre condition l'exige. Ce n'est pas, comme le croyait Sartre, une Action sur la réalité, mais c'est une action sur le Réel de notre Être, sur le Réel de l'ÊTRE en tant que tel. Le Réel de l'Être changeant... la perception de la réalité devient vivable. Il paraît que nous sommes faits à l'Image de Dieu. Que de stupeurs en perspective. Il me faudrait m'amuser à vous expliquer la "naissance" de Dieu... le Tsimtsoum... et le sens de Bereshit... mais vous avez GOOGLE
, soyez débrouillards un peu, ça ne vous fera pas un deuxième trou au cul... en tout cas ça risque de contribuer à vous nettoyer le sphincter... Je m'adresse ici à quelques détracteurs qui se reconnaîtront.

Il faut une constitution forte pour affronter la médiocrité ambiante, grandissante, conquérante, aux hordes gigantesques. Légion. C’est que Nous sommes dans un hôpital psychiatrique généralisé, organisé selon le schéma objectif d’un camp concentrationnaire. Actifs dans notre sommeil. Actifs pour le sommeil. La prise de Conscience, en semblable circonstance, est une balle d’argent pénétrant notre cervelle. Une Croix et son chemin qui mène vers le Golgotha.

« Cette douleur plantée en moi comme un coin, au centre de ma réalité la plus pure, à cet emplacement de la sensibilité où les deux mondes du corps et de l'esprit se rejoignent, je me suis appris à m'en distraire par l'effet d'une fausse suggestion.
L'espace de cette minute que dure l'illumination d'un mensonge, je me fabrique une pensée d'évasion, je me jette sur une fausse piste indiquée par mon sang. Je ferme les yeux de mon intelligence, et laissant parler en moi l'informulé, je me donne l'illusion d'un système dont les termes m'échapperaient. Mais de cette minute d'erreur il me reste le sentiment d'avoir ravi à l'inconnu quelque chose de réel. Je crois à des conjurations spontanées. Sur les routes où mon sang m'entraîne il ne se peut pas qu'un jour je ne découvre une vérité. »


Antonin Artaud (à André Gaillard) - Fragments d'un Journal d'Enfer (1926)

C’est une sacrée affaire, je vous le dis, une fois la balle d’argent illuminant les neurones que de parvenir à porter au lecteur le diamant salvateur qui sera sensé l’illuminer à son tour. Cristal. Feu qui consume sans brûler. L’écrivain, également lecteur, procède de par ses mots, malgré lui souvent, au dénombrement, à l’énumération, au recensement de tout ce que la Littérature se doit de tenir comme promesse pour clamer la Présence du Réel. La Langue est expérimentation alternative, réalisme, classicisme, Romantisme, Futurisme, mais elle veut passer le Temps et porter une œuvre par-delà la mort de l’auteur. Son souffle est de tous les temps, de toutes les époques passée et à venir. Le but est de porter cette illumination vers un seul individu peut-être qui se sentira dépositaire et transmetteur à son tour. La Langue veut le frisson, les fièvres, la scission du désespoir qui sème un champ particulier pour des moissons d’espoir. La fiction parvient, c’est là sa singularité, à rendre efficace dans les synapses du lecteur exalté la perception du Réel, à la rendre active. Blanchot : « Le mot agit, non pas comme une force idéale, mais comme une puissance obscure, comme une incantation qui contraint les choses, les rend réellement présentes hors d’elles-mêmes. » Car le Verbe ne qualifie pas cette piteuse action qui consiste à parloter et palabrer entre une coupe de champagne et un boudoir, ou à scribouiller une petite histoire pour nous persuader que le diable s’habille en Prada, ce dont je n’ai jamais douté. J’ajoute même qu’il a un sourire d’enfant innocent, le Diable, pendant qu’il tue. Le conte, la fable, l’illusion, la chimère, l’invention dialectique, le mirage qu’élabore l’écrivain, est RÉEL. Le RÉEL est de la sphère de l’entendement, de la raison, de la pensée, de l’intellect, de la raison, de l’esprit, de l’âme du monde pour ne pas dire de l’Univers. Mais il s'INCARNE. Le RÉEL n’est pas du domaine fini et arrêté, uniquement social, des phénomènes quotidiens, des évènements et situations banals « à la p’tite semaine ». Si les faits sociaux peuvent être un point de départ, il ne convient pas uniquement de les décrire, il faut aller se vautrer un peu dans le fumier, mettre son nez dans les plaies de la chair et de l’âme pour découvrir que l’Univers entier est peut-être une Pensée jouissante. Car décrire la réalité sociale ce n’est rien d’autre que se confronter à l’opacité des symptômes. Surface. Aspect. Dehors. Apparence. Brisures. Obscénité dont personne ne voit la pornographie sous-jacente. Réécoutez l’album « Pornography » de Cure.

« A hand in my mouth
A life spills into the flowers
We all look so perfect
As we all fall down
In an electric glare
The old man cracks with age
She found his last picture
In the ashes of the fire
An image of the queen
Echoes round the sweating bed
Sour yellow sounds inside my head
In books
And films
And in life
And in heaven
The sound of slaughter
As your body turns

But it's too late
But it's too late

One more day like today and I'll kill you
A desire for flesh
And real blood
I'll watch you drown in the shower
Pushing my life through your open eyes

I must fight this sickness
Find a cure
I must fight this sickness »


Revenons à nos moutons. Plus qu’une formulation argumentée, logique, raisonnée de la réalité, la Littérature est la projection visible, et par la même occasion : transmission, d’un contenu, d’une essence, mieux : d’une quintessence. Elle nous fait pénétrer dans le nœud des questions. Elle devient une arme pour combattre.

« I must fight this sickness
Find a cure
I must fight this sickness »


La Littérature ouvre au Royaume caché des évidences indicibles qui font de nous ce que nous sommes. Ce qui est indubitable et manifeste, concret et effectif, tangible, sensible, substantiel se dévoile, se divulgue, apparaît, consume. Car la Vérité peut être mortelle. Lorsque l’auteur parvient à toucher le nerf à vif, le point sensible, il fait se coïncider la pulsion de Mort et la Vie lumineuse dans ce qu’elle a de plus noble, de plus altier. Elle révèle l’union des deux antinomies qui se conjuguent en nous depuis la nuit des temps en une bataille Sainte et nécessaire pour nous accoucher à nous-même de cet excédent de force captée, de cette surcharge d’énergie, ce surcroît de volonté. Et la liesse va de pair avec le désespoir sublime. Euphorie. Allégresse. Jubilation. Ivresse. Or, il faut s’enivrer, tout est là.

Nabokov, cité par Sollers dans son « Carnet de Nuit » : « Dans une oeuvre d'imagination de premier ordre le conflit n'est pas entre les personnages, mais entre l'auteur et le lecteur. »

Je vous souhaite donc de bonnes guerres... ou de tristes paix... vous êtes libres de choisir.

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Bande son du moment : « Last of the Independents » par The Pretenders

Lecture du moment : En parallèle : « Grande Jonction » et « American Black Box » de Maurice G. Dantec

Citation du jour : « O Vierge mère, et fille de ton Fils, humble et plus haute qu'aucune créature, terme fixé d'un Éternel Conseil, c'est par Toi que fut l'humaine nature si ennoblie, que son grand Ouvrier ne dédaigna de se faire son oeuvre. En tes entrailles se ralluma l'amour dont la chaleur en l'éternelle paix a fait germer cette céleste fleur. Tu es ici pour nous, brûlant flambeau de charité ; et, parmi les mortels, là-bas, Tu es d'espoir fontaine vive. Dame, Tu es si grande et si puissante, que qui veut grâce, et à Toi ne recourt, il veut que son désir vole sans ailes. » (Alighieri Dante, La Divine Comédie, traduite par André Perate, Librairie de l'art Catholique, Paris, chapitre XXXIII)


Humeur du moment : Stimulé

Commentaires

Beau sens des mots. Grande culture. vous m'impressionnez.

Écrit par : Franck | 09/01/2007

Un jour j'ai eu ce commentaire
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?

"Allez à l'écart, réfugiez-vous dans l'ombre. Et ayez votre masque et votre subtilité, afin d'être pris pour un autre-ou un peu craint. Et n'oubliez pas le jardin, le jardin à grille d'or"... " Tout esprit profond a besoin d'un masque; bien plus, autour de tout esprit profond se forme sans cesse un masque, grâce à l'interprétation toujours fausse, parce que PLATE, de chaque parole qu'il dit, de chaque chose qu'il fait, de chaque signe de vie qu'il donne ."


Ecrit par : . | dimanche, 03 septembre 2006

Publié dans Aller à l'écart | Lien permanent




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Break on through to the other side !
Lou Reed non ?


Bon courage.

Écrit par : Isabelle | 09/01/2007

Tiens hier j'ai acheté La Divine Comédie, j'ai rangé un carton dans lequel est planquée une photo de moi avec Joe et DeeDee, et j'ai trouvé que d'Ormesson avait la même voix de vieille femme que Souchon mais de plus beaux yeux.
Et j'ai pensé aussi qu'^tre écrivain demandait une certaine forme de ...heuhhh...bravitude ?
Celle de savoir piétiner les autres sous peine de l'être soi même.
Ce commentaire est en lien direct avec votre post, à chacun sa quintessence et les extraits essentiels qui vont avec.

Écrit par : Barbarian | 10/01/2007

Franck... merci... les imperfections, ça et là, sont dues à la spontanéité verbale, car croyez-le ou non... je ne fais que m'installer devant l'écran et... j'écris.

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Isabelle... :-)

"You know the day destroys the night
Night divides the day
Try to run
Try to hide
Break on through to the other side
Break on through to the other side
Break on through to the other side, yeah

We chased our pleasures here
Dug our treasures there
But can you still recall
The time we cried
Break on through to the other side
Break on through to the other side

Yeah!
C'mon, yeah

Everybody loves my baby
Everybody loves my baby
She get(s high)
She get(s high)
She get(s high)
She get(s high)

I found an island in your arms
Country in your eyes
Arms that chain
Eyes that lie
Break on through to the other side
Break on through to the other side
Break on through, oww!
Oh, yeah!

Made the scene
Week to week
Day to day
Hour to hour
The gate is straight
Deep and wide
Break on through to the other side
Break on through to the other side
Break on through
Break on through
Break on through
Break on through
Yeah, yeah, yeah, yeah
Yeah, yeah, yeah, yeah, yeah"

Jim Morrison - The Doors

Votre commentaire... on dirait du Nietzsche... il avait compris que le jeu des masques permet de cacher ou d'afficher (au fin lecteur psychologue) ce qui nous affirme comme singularité... en découle des choses comme celle-là : "Mes personnages sont des personnes. Personae. En latin, des masques. C'est pour cela qu'ils sont plus réels que n'importe quel portrait psychologique." Maurice G. Dantec "American Black Box"

À méditer...

merci pour les encouragements...

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Barbarian,

La seule "bravitude" (sacrée Ségolène !) qui vaille pour un écrivain est de déployer une stratégie de lui seul connu, juste pour être en mesure de respirer... et ensuite... le recours aux catacombes... ou "Le recours aux forêts"... voir ou revoir l'oeuvre du même nom d'Ernst Jünger... en tout cas nullement de piétiner les autres... il faut savoir, au moment de la perfide insulte, de la gifle sur la joue droite, tendre la joue gauche... comme nous y invite un certain Jésus... "mais avec un dédain aristocratique" aime à rajouter Maurice G. Dantec.

Bien à Vous...

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Écrit par : Nebo | 10/01/2007

Les commentaires sont fermés.