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15/11/2008

Léo Ferré : Il n'y a plus Rien...

=--=Publié dans la Catégorie "Music..."=--=

Sublime et fascinante dérive poétique...

Léo Ferré
IL N'Y A PLUS RIEN


Écoute, écoute... Dans le silence de la mer, il y a comme un balancement maudit qui vous met le coeur à l'heure, avec le sable qui se remonte un peu, comme les vieilles putes qui remontent leur peau, qui tirent la couverture.

Immobile... L'immobilité, ça dérange le siècle.
C'est un peu le sourire de la vitesse, et ça sourit pas lerche, la vitesse, en ces temps.
Les amants de la mer s'en vont en Bretagne ou à Tahiti...
C'est vraiment con, les amants.

IL n'y a plus rien

Camarade maudit, camarade misère...
Misère, c'était le nom de ma chienne qui n'avait que trois pattes.
L'autre, le destin la lui avait mise de côté pour les olympiades de la bouffe et des culs semestriels qu'elle accrochait dans les buissons pour y aller de sa progéniture.
Elle est partie, Misère, dans des cahots, quelque part dans la nuit des chiens.
Camarade tranquille, camarade prospère,
Quand tu rentreras chez toi
Pourquoi chez toi?
Quand tu rentreras dans ta boîte, rue d'Alésia ou du Faubourg
Si tu trouves quelqu'un qui dort dans ton lit,
Si tu y trouves quelqu'un qui dort
Alors va-t-en, dans le matin clairet
Seul
Te marie pas
Si c'est ta femme qui est là, réveille-la de sa mort imagée

Fous-lui une baffe, comme à une qui aurait une syncope ou une crise de nerfs...
Tu pourras lui dire: "T'as pas honte de t'assumer comme ça dans ta liquide sénescence.
Dis, t'as pas honte? Alors qu'il y a quatre-vingt-dix mille espèces de fleurs?
Espèce de conne!
Et barre-toi!
Divorce-la
Te marie pas!
Tu peux tout faire:
T'empaqueter dans le désordre, pour l'honneur, pour la conservation du titre...

Le désordre, c'est l'ordre moins le pouvoir!

Il n'y a plus rien

Je suis un nègre blanc qui mange du cirage
Parce qu'il se fait chier à être blanc, ce nègre,
Il en a marre qu'on lui dise: " Sale blanc!"

A Marseille, la sardine qui bouche le Port
Était bourrée d'héroïne
Et les hommes-grenouilles n'en sont pas revenus...
Libérez les sardines
Et y'aura plus de mareyeurs!

Si tu savais ce que je sais
On te montrerait du doigt dans la rue
Alors il vaut mieux que tu ne saches rien
Comme ça, au moins, tu es peinard, anonyme, Citoyen!

Tu as droit, Citoyen, au minimum décent
A la publicité des enzymes et du charme
Au trafic des dollars et aux traficants d'armes
Qui traînent les journaux dans la boue et le sang
Tu as droit à ce bruit de la mer qui descend
Et si tu veux la prendre elle te fera du charme
Avec le vent au cul et des sextants d'alarme
Et la mer reviendra sans toi si tu es méchant

Les mots... toujours les mots, bien sûr!
Citoyens! Aux armes!
Aux pépées, Citoyens! A l'Amour, Citoyens!
Nous entrerons dans la carrière quand nous aurons cassé la gueule à nos ainés!
Les préfectures sont des monuments en airain... un coup d'aile d'oiseau ne les entame même pas... C'est vous dire!

Nous ne sommes même plus des juifs allemands
Nous ne sommes plus rien

Il n'y a plus rien

Des futals bien coupés sur lesquels lorgnent les gosses, certes!
Des poitrines occupées
Des ventres vacants
Arrange-toi avec ça!

Le sourire de ceux qui font chauffer leur gamelle sur les plages reconverties et démoustiquées
C'est-à-dire en enfer, là où Dieu met ses lunettes noires pour ne pas risquer d'être reconnu par ses admirateurs
Dieu est une idole, aussi!
Sous les pavés il n'y a plus la plage
Il y a l'enfer et la Sécurité
Notre vraie vie n'est pas ailleurs, elle est ici
Nous sommes au monde, on nous l'a assez dit
N'en déplaise à la littérature

Les mots, nous leur mettons des masques, un bâillon sur la tronche
A l'encyclopédie, les mots!
Et nous partons avec nos cris!
Et voilà!

Il n'y a plus rien... plus, plus rien

Je suis un chien?
Perhaps!
Je suis un rat
Rien

Avec le coeur battant jusqu'à la dernière battue

Nous arrivons avec nos accessoires pour faire le ménage dans la tête des gens:
"Apprends donc à te coucher tout nu!
"Fous en l'air tes pantoufles!
"Renverse tes chaises!
"Mange debout!
"Assois-toi sur des tonnes d'inconvenances et montre-toi à la fenêtre en gueulant des gueulantes de principe

Si jamais tu t'aperçois que ta révolte s'encroûte et devient une habituelle révolte, alors,
Sors
Marche
Crève
Baise
Aime enfin les arbres, les bêtes et détourne-toi du conforme et de l'inconforme
Lâche ces notions, si ce sont des notions
Rien ne vaut la peine de rien

Il n'y a plus rien... plus, plus rien

Invente des formules de nuit: CLN... C'est la nuit!
Même au soleil, surtout au soleil, c'est la nuit
Tu peux crever... Les gens ne retiendront même pas une de leur inspiration.
Ils canaliseront sur toi leur air vicié en des regrets éternels puant le certificat d'études et le catéchisme ombilical.
C'est vraiment dégueulasse
Ils te tairont, les gens.
Les gens taisent l'autre, toujours.
Regarde, à table, quand ils mangent...
Ils s'engouffrent dans l'innommé
Ils se dépassent eux-mêmes et s'en vont vers l'ordure et le rot ponctuel!

La ponctuation de l'absurde, c'est bien ce renversement des réacteurs abdominaux, comme à l'atterrissage: on rote et on arrête le massacre.
Sur les pistes de l'inconscient, il y a des balises baveuses toujours un peu se souvenant du frichti, de l'organe, du repu.

Mes plus beaux souvenirs sont d'une autre planète
Où les bouchers vendaient de l'homme à la criée

Moi, je suis de la race ferroviaire qui regarde passer les vaches
Si on ne mangeait pas les vaches, les moutons et les restes
Nous ne connaîtrions ni les vaches, ni les moutons, ni les restes...
Au bout du compte, on nous élève pour nous becqueter
Alors, becquetons!
Côte à l'os pour deux personnes, tu connais?

Heureusement il y a le lit: un parking!
Tu viens, mon amour?
Et puis, c'est comme à la roulette: on mise, on mise...
Si la roulette n'avait qu'un trou, on nous ferait miser quand même
D'ailleurs, c'est ce qu'on fait!
Je comprends les joueurs: ils ont trente-cinq chances de ne pas se faire mettre...
Et ils mettent, ils mettent...
Le drame, dans le couple, c'est qu'on est deux
Et qu'il n'y a qu'un trou dans la roulette...

Quand je vois un couple dans la rue, je change de trottoir

Te marie pas
Ne vote pas
Sinon t'es coincé

Elle était belle comme la révolte
Nous l'avions dans les yeux,
Dans les bras dans nos futals
Elle s'appelait l'imagination

Elle dormait comme une morte, elle était comme morte
Elle sommeillait
On l'enterra de mémoire

Dans le cocktail Molotov, il faut mettre du Martini, mon petit!

Transbahutez vos idées comme de la drogue... Tu risques rien à la frontière
Rien dans les mains
Rien dans les poches

Tout dans la tronche!

- Vous n'avez rien à déclarer?
- Non.
- Comment vous nommez-vous?
- Karl Marx.
- Allez, passez!

Nous partîmes... Nous étions une poignée...
Nous nous retrouverons bientôt démunis, seuls, avec nos projets d'imagination dans le passé
Écoutez-les... Écoutez-les...
Ça rape comme le vin nouveau
Nous partîmes... Nous étions une poignée
Bientôt ça débordera sur les trottoirs
La parlote ça n'est pas un détonateur suffisant
Le silence armé, c'est bien, mais il faut bien fermer sa gueule...
Toutes des concierges!
Écoutez-les...

Il n'y a plus rien

Si les morts se levaient?
Hein?

Nous étions combien?
Ça ira!

La tristesse, toujours la tristesse...

Ils chantaient, ils chantaient...
Dans les rues...

Te marie pas Ceux de San Francisco, de Paris, de Milan
Et ceux de Mexico
Bras dessus bras dessous
Bien accrochés au rêve

Ne vote pas

0 DC8 des Pélicans
Cigognes qui partent à l'heure
Labrador Lèvres des bisons
J'invente en bas des rennes bleus
En habit rouge du couchant
Je vais à l'Ouest de ma mémoire
Vers la Clarté vers la Clarté

Je m'éclaire la Nuit dans le noir de mes nerfs
Dans l'or de mes cheveux j'ai mis cent mille watts
Des circuits sont en panne dans le fond de ma viande
J'imagine le téléphone dans une lande
Celle où nous nous voyons moi et moi
Dans cette brume obscène au crépuscule teint
Je ne suis qu'un voyant embarrassé de signes
Mes circuits déconnectent
Je ne suis qu'un binaire

Mon fils, il faut lever le camp comme lève la pâte
Il est tôt Lève-toi Prends du vin pour la route
Dégaine-toi du rêve anxieux des biens assis
Roule Roule mon fils vers l'étoile idéale
Tu te rencontreras Tu te reconnaîtras
Ton dessin devant toi, tu rentreras dedans
La mue ça ses fait à l'envers dans ce monde inventif
Tu reprendras ta voix de fille et chanteras Demain
Retourne tes yeux au-dedans de toi
Quand tu auras passé le mur du mur
Quand tu auras autrepassé ta vision
Alors tu verras rien

Il n'y a plus rien

Que les pères et les mères
Que ceux qui t'ont fait
Que ceux qui ont fait tous les autres
Que les "monsieur"
Que les "madame"
Que les "assis" dans les velours glacés, soumis, mollasses
Que ces horribles magasins bipèdes et roulants
Qui portent tout en devanture
Tous ceux-là à qui tu pourras dire:

Monsieur!
Madame!

Laissez donc ces gens-là tranquilles
Ces courbettes imaginées que vous leur inventez
Ces désespoirs soumis
Toute cette tristesse qui se lève le matin à heure fixe pour aller gagner VOS sous,
Avec les poumons resserrés
Les mains grandies par l'outrage et les bonnes moeurs
Les yeux défaits par les veilles soucieuses...
Et vous comptez vos sous?
Pardon.... LEURS sous!

Ce qui vous déshonore
C'est la propreté administrative, écologique dont vous tirez orgueil
Dans vos salles de bains climatisées
Dans vos bidets déserts
En vos miroirs menteurs...

Vous faites mentir les miroirs
Vous êtes puissants au point de vous refléter tels que vous êtes
Cravatés
Envisonnés
Empapaoutés de morgue et d'ennui dans l'eau verte qui descend
des montagnes et que vous vous êtes arrangés pour soumettre
A un point donné
A heure fixe
Pour vos narcissiques partouzes.
Vous vous regardez et vous ne pouvez même plus vous reconnaître
Tellement vous êtes beaux
Et vous comptez vos sous
En long
En large
En marge
De ces salaires que vous lâchez avec précision
Avec parcimonie
J'allais dire "en douce" comme ces aquilons avant-coureurs et qui racontent les exploits du bol alimentaire, avec cet apparat vengeur et nivellateur qui empêche toute identification...
Je veux dire que pour exploiter votre prochain, vous êtes les champions de l'anonymat.

Les révolutions? Parlons-en!
Je veux parler des révolutions qu'on peut encore montrer
Parce qu'elles vous servent,
Parce qu'elles vous ont toujours servis,
Ces révolutions de "l'histoire",
Parce que les "histoires" ça vous amuse, avant de vous intéresser,
Et quand ça vous intéresse, il est trop tard, on vous dit qu'il s'en prépare une autre.
Lorsque quelque chose d'inédit vous choque et vous gêne,
Vous vous arrangez la veille, toujours la veille, pour retenir une place
Dans un palace d'exilés, entouré du prestige des déracinés.
Les racines profondes de ce pays, c'est Vous, paraît-il,
Et quand on vous transbahute d'un "désordre de la rue", comme vous dites, à un "ordre nouveau" comme ils disent, vous vous faites greffer au retour et on vous salue.

Depuis deux cent ans, vous prenez des billets pour les révolutions.
Vous seriez même tentés d'y apporter votre petit panier,
Pour n'en pas perdre une miette, n'est-ce-pas?
Et les "vauriens" qui vous amusent, ces "vauriens" qui vous dérangent aussi, on les enveloppe dans un fait divers pendant que vous enveloppez les "vôtres" dans un drapeau.

Vous vous croyez toujours, vous autres, dans un haras!
La race ça vous tient debout dans ce monde que vous avez assis.
Vous avez le style du pouvoir
Vous en arrivez même à vous parler à vous-mêmes
Comme si vous parliez à vos subordonnés,
De peur de quitter votre stature, vos boursouflures, de peur qu'on vous montre du doigt, dans les corridors de l'ennui, et qu'on se dise: "Tiens, il baisse, il va finir par se plier, par ramper"
Soyez tranquilles! Pour la reptation, vous êtes imbattables; seulement, vous ne vous la concédez que dans la métaphore...
Vous voulez bien vous allonger mais avec de l'allure,
Cette "allure" que vous portez, Monsieur, à votre boutonnière,
Et quand on sait ce qu'a pu vous coûter de silences aigres,
De renvois mal aiguillés
De demi-sourires séchés comme des larmes,
Ce ruban malheureux et rouge comme la honte dont vous ne vous êtes jamais décidé à empourprer votre visage,
Je me demande comment et pourquoi la Nature met
Tant d'entêtement,
Tant d'adresse
Et tant d'indifférence biologique
A faire que vos fils ressemblent à ce point à leurs pères,
Depuis les jupes de vos femmes matrimoniaires
Jusqu'aux salonnardes équivoques où vous les dressez à boire,
Dans votre grand monde,
A la coupe des bien-pensants.

Moi, je suis un bâtard.
Nous sommes tous des bâtards.
Ce qui nous sépare, aujourd'hui, c'est que votre bâtardise à vous est sanctionnée par le code civil
Sur lequel, avec votre permission, je me plais à cracher, avant de prendre congé.
Soyez tranquilles, Vous ne risquez Rien

Il n'y a plus rien

Et ce rien, on vous le laisse!
Foutez-vous en jusque-là, si vous pouvez,
Nous, on peut pas.
Un jour, dans dix mille ans,
Quand vous ne serez plus là,
Nous aurons TOUT
Rien de vous
Tout de nous
Nous aurons eu le temps d'inventer la Vie, la Beauté, la Jeunesse,
Les Larmes qui brilleront comme des émeraudes dans les yeux des filles,
Le sourire des bêtes enfin détraquées,
La priorité à Gauche, permettez!

Nous ne mourrons plus de rien
Nous vivrons de tout

Et les microbes de la connerie que nous n'aurez pas manqué de nous léguer, montant
De vos fumures
De vos livres engrangés dans vos silothèques
De vos documents publics
De vos règlements d'administration pénitentiaire
De vos décrets
De vos prières, même,
Tous ces microbes...
Soyez tranquilles,
Nous avons déjà des machines pour les révoquer

NOUS AURONS TOUT

Dans dix mille ans.

 

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Commentaires

Nebo j'ai écouté ça un soir sur l'autoroute lancé vers Bordeaux avec bifurcation sur Agen, les loupiottes des voitures éclairaient le bas côté et les rails de béton et de ferraille, il pleuvait, j'ai eu comme un frisson. Je vous conseille une certaine version de Ni Dieu, ni Maître, vous verrez que le monégasque est un drôle d'oiseau anarchiste, il devait lui rester du monothéisme dans le coffre

Écrit par : pkkafternoon | 20/11/2008

@ Tous

Quelqu'un pourrait-il m'expliquer:

1-la signification de la chanson "la mémoire et la mer" (chanson à clef?)

2-la signification de la phrase "ta (t'as?) Pépé qui fait le toit". Pépé, c'était son singe, mais faire le toit, ça consisten en quoi?

Écrit par : xp | 20/11/2008

Il m'énerve, là, Ferré.

Je l'imagine écrire ça puis se contraindre à le dire quasi mot-pour-mot à chaque fois qu'il remonte en scène, puis le ranger dans sa sacoche, avec le sentiment du travail bien fait.

Rien que pouvoir prononcer ce discours deux fois, avec la même musique, est un crime contre la révolution.
L'Art est libéral, Monsieur Ferré. Plus on plait, plus on gagne. Je préférais lorsque vous disiez "mettons notre muse au balcon". Au moins c'était honnête.

Ferré. Vivre de déconstruire. Vivre de déconstruire, c'est pourtant y avoir bâti sa maison, il me semble!
Que c'est hypocrite, que c'est malhonnête... Il aurait vécu selon ses propres principes, il serait mort avant que d'être né, le grand homme. Il me fait rire à aimer la nature et à cracher contre le mariage. Alors que même les fils de pute dans son genre sont toujours le produit d'un mariage. Marié durant cinquante ans ou l'espace d'un orgasme, qu'est-ce que cela change? Qu'est ce que ça change, monsieur Ferré, hein, surtout lorsqu' "il n'y a plus rien"?

Vous avez encore vécu trop longtemps pour prétendre être à ce point anticonformiste. Le seul rebelle, Monsieur, c'est l'idiot, c'est l'autiste. Car celui qui veut refuser d'obéir à toutes les règles, celui qui refuse les codes, il finit à l'asile, monsieur. Il est fondamentalement incompris. Il désapprend à parler. Et les codes le rattrapent, l'obsèdent, le torturent malgré lui. Parce que c'est sa nature, ce sont les lois de la nature qui se vengent! Les codes le rattrapent et se moquent de lui. Le premier costard-cravatte en vitrine devient pour lui une merveille inaccessible... Il prend des secrétaires pour des déesses. Et il peut bien leur cracher son mauvais vin sur les chaussures en bas des marches du Palais, cela ne cache pas son jeu. Le marginalisé est désormais incapable, même dans sa haine, d'exprimer autre chose que de l'amour. Il aime intensément ce qu'il ne sera plus jamais : un fauve ou un mouton, c'est-à-dire un homme bien intégré dans le genre animal. Il ne déteste plus que lui-même, l'autiste à qui la beauté cruelle du monde ne se rappelle plus que pour le torturer.
Pour celui qui les a maltraitées, les conventions sociales se transforment peu à peu en La Merveille. Les convention sociales qui te semblent à toi, Ferré, les plus vulgaires, elle deviennent le Graâl, pour celui qui en est venu, au nom de Nietzsche, de Jésus, par bétise, ou par pureté, à leur tourner le dos.

Alors vois-tu, Ferré. Avec ta bonne soupe populo-sordide qui conforte les adolescents dans ce qu'ils possèdent de plus vaniteux et de plus laid, qui les affermit dans ce pourquoi le premier des simples pharisien a le pouvoir de les démonter, avec cette soupe qui bien davantage que tu ne l'a servie, - n'oublie rien d'où tu es - t'a nourri le premier ; tu me fais rire, Ferré. Tu me fais frire.

Écrit par : Millie | 20/11/2008

@Millie

Vous ne croyez pas di bien dire: il était marié, pour que sa femme puisse toucher ses droits d'auteur à sa mort. Pa de jugement moral, juste un constat.

Écrit par : xp | 20/11/2008

XP, ce n'était pas pépé, mais Pépée, une guenon... une pépée quoi... qui avait l'habitude de se casser et de monter sur le toit et d'aller foutre le bordel chez les voisins. La première femme de Ferré, Madeleine, une vraie conne apparemment, a fait abattre Pépée et tous les animaux de Léo...

"La mémoire et la mer" a été écrite en Bretagne, dans la période bretonne de Léo, quand installé avec Madeleine en Bretagne, il passait des heures et des heures à regarder l'Océan. Ses analogies et correspondances entre le sexe féminin et la mer sont nombreux dans tout ce qu'il a écrit. Je n'écoute plus Ferré comme dans ma jeunesse, parce que... j'ai vieilli peut-être... et suis sorti de ma coquille d'anarchiste intransigeant, j'ai eu d'autres rencontres littéraires, philosophiques, amicales... mais j'aime particulièrement le souffle qu'il y a dans cette période qu'il entame après 1968, quand il se met à faire des textes fleuves, et qu'il orchestre lui-même (souvent avec l'orchestre symphonique de Milan) ses musiques qui deviennent de plus en plus puissantes et "classieuses" aurait dit Gainsbourg.


"La marée je l'ai dans le cœur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite sœur
De mon enfant et de mon cygne
Un bateau ça dépend comment
On l'arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années lumières et j'en laisse
Je suis le fantôme Jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baiser
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts du sable de la mer


Rappelle-toi ce chien de mer
Que nous libérions sur parole
Et qui gueule dans le désert
Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là
Avec ses poumons de flanelle
Quand il pleure de ces temps-là
Le froid tout gris qui nous appelle
Je me souviens des soirs là-bas
Et des sprints gagnés sur l'écume
Cette bave des chevaux ras
Au ras des rocs qui se consument
Ô l'ange des plaisirs perdus
Ô rumeur d'une autre habitude
Mes désirs dès lors ne sont plus
Qu'un chagrin de ma solitude


Et le diable des soirs conquis
Avec ses pâleurs de rescousse
Et le squale des paradis
Dans le milieu mouillé de mousse
Reviens fille verte des fjords
Reviens violon des violonades
Dans le port fanfarent les cors
Pour le retour des camarades
Ô parfum rare des salants
Dans le poivre feu des gerçures
Quand j'allais géométrisant
Mon âme au creux de ta blessure
Dans le désordre de ton cul
Poissé dans les draps d'aube fine
Je voyais un vitrail de plus
Et toi fille verte
Mon spleen

Les coquillages figurant
Sous les sunlights cassés liquides
Jouent de la castagnette tant
Qu'on dirait l'Espagne livide
Dieu des granits ayez pitié
De leur vocation de parure
Quand le couteau vient s'immiscer
Dans leur castagnette figure
Et je voyais ce qu'on pressent
Quand on pressent l'entrevoyure
Entre les persiennes du sang
Et que les globules figurent
Une mathématique bleue
Dans cette mer jamais étale
D'où me remonte peu à peu
Cette mémoire des étoiles


Cette rumeur qui vient de là
Sous l'art copain où je m'aveugle
Ces mains qui me font du fla-fla
Ces mains ruminantes qui meuglent
Cette rumeur me suit longtemps
Comme un mendiant sous l'anathème
Comme l'ombre qui perd son temps
A dessiner mon théorème
Et sous mon maquillage roux
S'en vient battre comme une porte
Cette rumeur qui va debout
Dans la rue aux musiques mortes
C'est fini la mer c'est fini
Sur la plage le sable bêle
Comme des moutons d'infini
Quand la mer bergère m'appelle"


Je ne saurais quoi vous dire de flamboyant à propos de cette chanson qu'il convient d'écouter encore et encore avant d'en être imprégné au point de plonger dans son univers syllabique particulier.

Toute la chanson est une suite ininterrompue de clefs dont on n'a pas toutes les serrures à notre disposition, si je puis dire. Il s'est fait plaisir le Léo, histoire que ça jase et qu'il y ait, j'imagine, des malins pour dire que c'était là de l'écriture facile car automatique. Mais Léo détestait l'écriture automatique. Il partait du principe que ni l'écriture automatique ni l'orthographe ne faisaient le talent. "L'Orthographe c'est con et c'est d'un haut panache".

Par exemple, ce fantôme de Jersey, qui est-il ? Et bien ça n'est même pas une légende locale, ou quoi que ce soit de surnaturel. Le fantôme Jersey est juste un putain de phénomène naturel, une ligne brumeuse que l'on peut voir au loin quand on se trouve sur l'île Du Guesclin et qu'on regarde en direction de l'île de Jersey, et qui fait penser à une émanation fantômatique de l'île anglo-normande en question.

La mer agit-elle sur le poète, ici, comme la madeleine sur Proust ? Le ramenant vers l'antre originelle de chair dont nous sortons tous à l'heure de notre naissance et dans laquelle nous avons poussés comme en une alcôve océanique durant 9 mois ? La fascination que nous avons, nous les hommes qui n'avons pas encore viré notre cuti, pour la vulve féminine vient-elle de là ? A voir... Peut-être trouverez vous, XP, un peu d'éclaircissement ici :

http://leoferre.hautetfort.com/

... mais faut aller fouiller. Je n'en n'ai pas l'énergie. La saison à la FNAC me mine redoutablement.

Millie !!! Que vous arrive-t-il ? Vous avez vos règles ? Pas d'inquiétude... ça va passer. Vous serez à nouveau belle et fraîche et reconsidérerez vos propos un peu emportés. Mais je ne vous en veux point. Il vous faut vider encore quelques bouteilles et accomplir quelques heures de vol supplémentaires. Bisous, bisous vilaine fille.

pkkafternoon... Léo Ferré à 14 ans, composait une messe pour troix voix, et à 24 ans un "Ave Maria" pour l'anniversaire de sa soeur. Adulte, il fut franc-maçon, sur le tard je crois me souvenir. Et il ne fut pas au Grand Orient (athée) ni à la Grande Loge nationale française (croyants), mais à la Grande Loge de France, ou croyants et athées collaborent ensemble à leurs travaux dits "philosophiques".

Bien à vous tous...

Écrit par : Nebo | 20/11/2008

Vous n'avez rien compris, Nebo!
Je faisais du Ferré. ^^

Il est magnifique, ce poème : la Mémoire et la Mer. Magnifique, à pleurer. :)

Écrit par : Millie | 20/11/2008

Vicieuse, par dessus le marché... décidément...

Quand tu rends visite au jeunes filles n'oublie pas ton fouet... disait, de mémoire, une vieille femme à Zarathoustra dans l'oeuvre de Nietzsche...

Écrit par : Nebo | 20/11/2008

Quoi, elle était pas belle ma posture "anti-Ferré"?

C'est vicieux que de ne pas vouloir être seulement le disciple de ses maîtres?

- Mais oui, le fouet, absolument. C'est tout un art...
Pour que la mer ne reprenne pas ses droits. ;)

Écrit par : Millie | 20/11/2008

Moi aussi,j'adore cette chanson. Et je suis d'autant plus fasciné - et amusé, aussi - par tous ces mots que je ne comprend pas dans ce poème.

Pour info:

"Chez Léo, tout est bidon"

J.Brel, cité par... Ferré himself.

"Brassens non plus ne m'aimait pas. Il était sous l'influence de René Fallet qui me dédestait".

(Toujours Ferré, dans la même interview, vers la fin de sa vie, qui semblait encore en aoir sacrément les boules).

Écrit par : xp | 21/11/2008

M'étonnerait que Brassens ait été à cepoint sous l'influence de quelqu'un. Enfin,peut-être que j'idéalise.

"Le complexe de panoplie que l'on oublie à la buvette, c'est l'Homme" -quand même, ça titille les étoiles...

Avec les blogs va...Tout s'en va!

Écrit par : Restif | 21/11/2008

Oui. Cette chanson est dans son genre atrocement belle... Du coup, votre blog me sert de juke box.

Écrit par : Pascal | 21/11/2008

tant mieux, estimé Pascal, c'est fait pour ça...

Écrit par : Nebo | 21/11/2008

Humain
tout simplement humain
c'est à dire peuplé à l'intérieur de tous les démons qui squattent l'âme des vrais humains.

Les autres
à coup d'ajax ou de politicmenkorrect
ils ont taillé dans le vif
et ils peuvent dire fièrement
"moi môssieur" je ne suis pas raciste
ou encore
"Ferré dépensait l'argent qu'il gagnait" (ce qui est proprement un scandale ... non ?)

Qu'en faisons nous de ce poème à visée d'action ?

Dans un cadre sur le piano
c'est joli
et ça sonne bien avec tous ces violons.

Je crois que l'un des habitants de la boite en calcium du grand poète
aurait bien voulu qu'on n'en fasse quelquechose
quelquechose qui bouge un peu
ce rien
et nous fasse traverser au-delà

Alors ...
y aurait vraiment plus rien
rien que des spectateurs ?

Écrit par : le bateleur | 07/12/2008

de ferré quelques sommets superbes à contempler, pas de doute. La mémoire et la mer en est un. Mais l'homme était moins lisse, moins généreux, plus abrupt dans ses jugements, plus sale dans son ame que Brel. De ferré écouter la période "électrique" du début 70 et les versions données du "chien " sur scène.

Écrit par : jean marc | 07/12/2008

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