02/01/2011
Patria Nostra
=--=Publié dans la Catégorie "Brèves"=--=
Ah ! Nos chers socialistes et communistes d'aujourd'hui... ont-ils vraiment lu Jean Jaurès dont ils passent leur temps à honorer la mémoire sans même savoir de quoi ils parlent ?
"Je n’ai jamais été un partisan bien vif des idées et des principes du cosmopolitisme. Ils ont quelque chose de trop vague, de trop idéal, malgré certains côtés brillants et spéciaux, je crois que leur effet le plus certain est d’effacer ou de trop amoindrir l’amour de la Patrie et le devoir de la responsabilité civique."
Jean Jaurès, lettre au Congrès de la Paix de Lausanne.
"Je crois que l’existence de patries autonomes est nécessaire à l’humanité. Je crois notamment que la disparition de la France ou sa domestication serve d’une volonté étrangère serait un désastre pour la race humaine, pour la liberté et pour la justice universelle... Voilà ma conception, voilà ma politique. Jamais nous ne livrerons la Patrie. Jamais nous ne demanderons au prolétariat d’être dupe de ceux qui exploitent la Patrie."
Jean Jaurès, lettre à la Dépêche de Toulouse, 1905.
"La vérité c’est que partout où il y a des patries, c’est-à-dire des groupes historiques ayant conscience de leur continuité, toute atteinte à l’intégrité et à la liberté de ces patries est un attentat contre la civilisation."
Jean Jaurès, L’Armée nouvelle.
Terminons par une petite de Heidy... (Oui... parce qu'à présent on dit "Heidy" pour Heidegger, comme on dit "Finky" pour Finkielkraut... c'est affectueux, cherchez pas à comprendre si vous ne savez qu'être choqués...)
"D’après notre expérience et notre histoire humaine, pour autant que je sois au courant, je sais que toute chose essentielle et grande a pu seulement naître du fait que l’homme avait une patrie (Heimat) et qu’il était enraciné dans une tradition."
Heidegger, Ecrits politiques, Paris, Gallimard, 1995, p. 259.
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01/01/2011
Paul Verlaine : Femme et Chatte
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
Elle jouait avec sa chatte,
Et c'était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S'ébattre dans l'ombre du soir.
Elle cachait - la scélérate ! -
Sous ces mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d'agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.
L'autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée,
Mais le diable n'y perdait rien...
Et dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien,
Brillaient quatre points de phosphore.
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Moa : "Bulldozer"
=--=Publié dans la Catégorie "Music..."=--=
L'ex chanteuse du groupe Meldrum, Moa Holmsten... avec son nouveau projet musical de déglinguée underground. Just love it !
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Meldrum : "Purge"
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The CLEFTONES : « See you next year » (1958)
=--=Publié dans la Catégorie "La Chanson du Jour, par The Reverend..."=--=
Le meilleur truc pour passer le cap du réveillon,
c'est de se dire qu'on va revoir ceux qu'on aime l'année prochaine...
See you next year !
Philippe "The Reverend" Nicole (Bassiste-chanteur des défunts King Size et ex-bassiste chez Peter Night Soul Deliverance et chez Margerin)...
02:41 Publié dans La Chanson du Jour, par The Reverend. | Lien permanent | Commentaires (1) | |
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Dusty SPRINGFIELD : « Love Power » (1968)
=--=Publié dans la Catégorie "La Chanson du Jour, par The Reverend..."=--=
Bon, cahier des charges de la chanson de Noël :
Des cloches ?
-Y' en a.
De la joie ?
-Aussi.
De l'âme ?
-Plein.
De l'amour ?
-Ben, ça s'appelle le pouvoir de l'amour...
Il manque quelque chose ?
-Ah oui, une belle image...
Philippe "The Reverend" Nicole (Bassiste-chanteur des défunts King Size et ex-bassiste chez Peter Night Soul Deliverance et chez Margerin)...
02:28 Publié dans La Chanson du Jour, par The Reverend. | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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Cat Power : « The Greatest » (Live, Boston, 2006)
=--=Publié dans la Catégorie "La Chanson du Jour, par The Reverend..."=--=
La dernière fois que je l'ai vu conscient, à la maison, il se traînait déjà sur ses jambes violacées.
Mais il avait tenu à m'offrir quelques uns de ses disques avant que je reparte.
La musique, parmi d'autres choses, nous liait.
Et puis ce fut l'hôpital.
A ce moment là, il se trouvait en unité de soins palliatifs.
Il en était à son énième A.V.C et le diabète le rongeait de l'intérieur.
Un jour, dans un service du côté de Sarcelles, après un bon quart d'heure de délire où il s'imaginait être 40 ans plus tôt et à l'autre bout du département, il avait fini par me lancer : "Fous le camp!".
Une autre fois, j'ai vu cet homme qui avait passer sa vie à soigner les gens en tant que médecin, tenter d’appeler une infirmière, avec une drôle de voix cassée et faible qui se voulait puissante et polie à la fois, comme un petit gars dans le besoin : « Madame ! Madame ! »
C'était insupportable.
Trimballé de service en service, de neurologie en réanimation, il en était désormais rendu à un corps percé de tuyaux d'alimentation et d'évacuation.
L'horrible horreur.
Enfin, je l'ai vu une dernière fois, à l'hôpital.
« Comment ça va ? » lui demandais je bêtement.
« Tout doux, tout doux » me répondit il, gentiment, dans un souffle.
« Fais attention sur la route », c’est la dernière phrase qu’il m’a adressée.
Et puis, je n'attendais plus rien que l'attente de la mort.
Pour que la vie continue. Et le spectacle aussi.
C'est à dire pour moi, de la musique, des répétitions, et des concerts.
Le jour où l'on m'annonça sa mort, je voulais faire écouter un morceau dont j'étais fou à celui qui fut le pouls, le beat, et donc la vie des dernières années du groupe dont je faisais alors partie: the drummer. (En écrivant ces lignes, je pense à ce titre étrange d'un album d'Ellington : "A drum is a woman"...)
Pour le convaincre de la beauté de cette chanson, je l'entraînais dans une danse étrange, et à posteriori macabre, qui fut interrompue par la sonnerie du téléphone.
La musique toujours, résonnait dans la pièce lorsque j'appris l'issue fatale.
He was the greatest.
A mon père...
P.S. : bizarrement, j'écris ces lignes le jour anniversaire de la mort de Lennon, qui composa en 1973, "I'm the greatest!"...
Philippe "The Reverend" Nicole (Bassiste-chanteur des défunts King Size et ex-bassiste chez Peter Night Soul Deliverance et chez Margerin)...
01:59 Publié dans La Chanson du Jour, par The Reverend. | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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Willie Dixon: « I Ain't superstitious » (1970)
=--=Publié dans la Catégorie "La Chanson du Jour, par The Reverend..."=--=
Bon, alors devinez quoi, ce matin à 8h35, je reçois un message de Willie Dixon.
Willie Dixon ?
Willie Dixon !
Le type qui tient la contrebasse sur la moitié des standards enregistrés chez Chess ?
Celui qu'ont pillé les deux gus de Led Zeppelin pour composer "Whole lotta love" ?
Lui même.
Rendez-vous compte, grâce à un simple réseau social, j'ai la chance de recevoir un message de ce gars.
J'vous jure, c'est écrit dans ma boite Outlook :
"Willie Dixon t'a envoyé un message." (Ouais, parceque dans le réseau social on se tutoie, c'est plus cool, pis sinon, ça serait pas social, tu vois.)
Donc, Willie Dixon m'écrit, et en plus vous savez quoi ?
Il m'invite au lancement de son site web !
Vachement sympa, je trouve.
Le plus fort, c'est qu'il est mort, Willie.
Dead, trépassé, bouffé par les vers depuis un bout de temps.
Mais le réseau social repousse la mort.
Le réseau social relie les morts aux vivants.
Le réseau social, c'est mortel.
Philippe "The Reverend" Nicole (Bassiste-chanteur des défunts King Size et ex-bassiste chez Peter Night Soul Deliverance et chez Margerin)...
01:44 Publié dans La Chanson du Jour, par The Reverend. | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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Bettye Lavette : « No time to live » (2010)
=--=Publié dans la Catégorie "La Chanson du Jour, par The Reverend..."=--=
L'éternité, c'est maintenant...
Philippe "The Reverend" Nicole (Bassiste-chanteur des défunts King Size et ex-bassiste chez Peter Night Soul Deliverance et chez Margerin)...
01:33 Publié dans La Chanson du Jour, par The Reverend. | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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28/12/2010
Joe Jackson... Anthrax... : Got the time...
=--=Publié dans la Catégorie "Music..."=--=
Joe Jackson : Got the time
Les gars d'Anthrax connaissent leurs "classics"...
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Hélie de Saint Marc : L'Honneur de Vivre
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
A mon jeune Cousin NIKOLA...
« QUE DIRE A UN JEUNE DE 20 ANS »
« Quand on a connu tout et le contraire de tout,
quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie,
on est tenté de ne rien lui dire,
sachant qu’à chaque génération suffit sa peine,
sachant aussi que la recherche, le doute, les remises en cause
font partie de la noblesse de l’existence.
Pourtant, je ne veux pas me dérober,
et à ce jeune interlocuteur, je répondrai ceci,
en me souvenant de ce qu’écrivait un auteur contemporain :
"Il ne faut pas s’installer dans sa vérité
et vouloir l’asséner comme une certitude,
mais savoir l’offrir en tremblant comme un mystère".
A mon jeune interlocuteur,
je dirai donc que nous vivons une période difficile
où les bases de ce qu’on appelait la Morale
et qu’on appelle aujourd’hui l’Ethique,
sont remises constamment en cause,
en particulier dans les domaines du don de la vie,
de la manipulation de la vie,
de l’interruption de la vie.
Dans ces domaines,
de terribles questions nous attendent dans les décennies à venir.
Oui, nous vivons une période difficile
où l’individualisme systématique,
le profit à n’importe quel prix,
le matérialisme,
l’emportent sur les forces de l’esprit.
Oui, nous vivons une période difficile
où il est toujours question de droit et jamais de devoir
et où la responsabilité qui est l’once de tout destin,
tend à être occultée.
Mais je dirai à mon jeune interlocuteur que malgré tout cela,
il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine.
Il faut savoir,
jusqu’au dernier jour,
jusqu’à la dernière heure,
rouler son propre rocher.
La vie est un combat
le métier d’homme est un rude métier.
Ceux qui vivent sont ceux qui se battent.
Il faut savoir
que rien n’est sûr,
que rien n’est facile,
que rien n’est donné,
que rien n’est gratuit.
Tout se conquiert, tout se mérite.
Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.
Je dirai à mon jeune interlocuteur
que pour ma très modeste part,
je crois que la vie est un don de Dieu
et qu’il faut savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît
comme l’absurdité du monde,
une signification à notre existence.
Je lui dirai
qu’il faut savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves,
cette générosité,
cette noblesse,
cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde,
qu’il faut savoir découvrir ces étoiles,
qui nous guident où nous sommes plongés
au plus profond de la nuit
et le tremblement sacré des choses invisibles.
Je lui dirai
que tout homme est une exception,
qu’il a sa propre dignité
et qu’il faut savoir respecter cette dignité.
Je lui dirai
qu’envers et contre tous
il faut croire à son pays et en son avenir.
Enfin, je lui dirai
que de toutes les vertus,
la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres
et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres,
de toutes les vertus,
la plus importante me paraît être le courage, les courages,
et surtout celui dont on ne parle pas
et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse.
Et pratiquer ce courage, ces courages,
c’est peut-être cela
"L’Honneur de Vivre" »
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« Les adolescents d’aujourd’hui ont peur d’employer des mots comme la fidélité, l’honneur, l’idéal ou le courage. Sans doute ont-ils l’impression que l’on joue avec ces valeurs – et que l’on joue avec eux. Ils savent que leurs aînés se sont abîmé les ailes. Je voudrais leur expliquer comment les valeurs de l’engagement ont été la clef de voûte de mon existence, comment je me suis brûlé à elles, et comment elles m’ont porté. Il serait criminel de dérouler devant eux un tapis rouge et de leur faire croire qu’il est facile d’agir. La noblesse du destin. humain, c’est aussi l’inquiétude, l’interrogation, les choix douloureux qui ne font ni vainqueur ni vaincu.
Que dire à un cadet ? Peut-être, avec pudeur, lui glisser dans la paume de la main deux ou trois conseils : mettre en accord ses actes et ses convictions ; pouvoir se regarder dans la glace sans avoir à rougir de lui-même ; ne pas tricher, sans doute la plus difficile, pratiquer et tâcher de concilier le courage et la générosité ; rester un homme libre.
J’ai toujours essayé de récupérer les débris de mon existence pour faire tenir debout mon être intérieur. Même en prison et réprouvé, j’ai cherché à être heureux.
Un ami m’a dit un jour : "tu as fait de mauvais choix, puisque tu as échoué". Je connais des réussites qui me font vomir. J’ai échoué, mais l’homme au fond de moi a été vivifié.
Je tiens le courage en haute estime car il me semble contenir toutes les autres vertus.
Je crains les êtres gonflés de certitudes. Ils me semblent tellement inconscients de la complexité des choses … Pour ma part, j’avance au milieu d’incertitudes. J’ai vécu trop d’épreuves pour me laisser prendre au miroir aux alouettes.
Ai-je toujours été fidèle ? Ai-je toujours agi selon l’honneur ? J’ai essayé, sans jamais y parvenir entièrement, d’être digne des autres et de la vie. Je ne connais pas de vérité tranquille. Je veux ajouter de la vie aux années qui me restent, témoigner de tout ce qui dure, retrouver la vérité de l’enfant que j’ai été. Simplement essayer d’être un homme. »
Toute une vie
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« Il y a eu un avant : ce jeune homme bravache et courageux à sa manière, policé et ironique, tellement inconscient et adolescent que j’étais en ce matin de septembre où j’ai franchi les trois porches successifs du camp de Buchenwald. Il y a eu un après : ces peaux rasées, ces mains fouillant dans les poches à la recherche de miettes de pain absentes, ces petits pas hésitants, ces visages prématurément ridés, les regards de bêtes affolées… j’ai eu un moment de recul et d’effroi. »
« Avant mon séjour dans les camps de concentration, je pensais que le pire venait d’ailleurs. J’ai trouvé le pire chez les autres, mais aussi en moi. Ce n’est pas l’abandon des siens qui est le plus dure à vivre, mais la déchéance de l’homme en soi. C’est la tristesse des déportés.
Nous n’avions plus de larmes. Les appels au secours dans la nuit restaient sans réponse. L’agonie et les cauchemars, le sifflement des poumons à bout de course, les excréments vidés dans les gamelles ou à même les châlits, tant certains étaient exténués, les corps purulents sans le moindre pansement faisaient partie de notre quotidien. Nous étions des sacs d’os prononçant à peine dix mots par jour.
La pendaison, dans l’imagerie SS, représentait l’exemplarité, l’ordre implacable. La sentence était toujours exécutée avec solennité, devant tous les pyjamas rayés. Plus les SS étaient démonstratifs et moins nous étions impressionnés. Cela ne me faisait même plus d’effet. Arrivé à un tel stade, on ne pense plus. "Je vis encore cet instant", me disais-je, et puis cet autre. Ne pas avoir peur de la mort était le premier commandement du déporté. Sinon, il trébuchait aussitôt tant elle planait autour de nous."Un pendu, me disais-je, et puis cet autre".
Un homme nu, battu, humilié, reste un homme s’il garde sa propre dignité. Vivre, ce n’est pas exister à n’importe quel prix. Personne ne peut voler l’âme d’autrui si la victime n’y consent pas. La déportation m’a appris ce que pouvait être le sens d’une vie humaine : combattre pour sauvegarder ce filet d’esprit que nous recevons en naissant et que nous rendons en mourant.
Toute une vie
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« L’Histoire est un orage de fer, qui hache les hommes comme du bois sec. Après, il faut recueillir les cendres, comprendre, raconter. Les hommes croient trop souvent qu’ils peuvent s’affranchir de ce devoir - oublier serait si facile ! -, mais le passé finit tôt ou tard par revenir à la surface. C’est un poids dans la conscience, un fantôme insaisissable, qui empêche de vivre : il étend, jour après jour, une ombre sur l’avenir. Chaque fois que j’ai dû rencontrer les enfants de mes camarades morts en terre lointaine, j’ai pu sentir leur désarroi. J’ai correspondu avec nombre d’entre eux. J’essaie de retrouver dans ma mémoire des traces de présence, des gestes, des attitudes, un regard. Mais je me sens impuissant et démuni. Les mots sont pauvres quand il faut combler l’absence. Lorsqu’un ami mourait à nos côtés, nous pensions que la vie s’arrêtait net, comme un moteur d’avion qui cale en plein vol ou une plante qu’on arrache de la terre. En fait, une cruche se brisait : des larmes et des parfums se répandaient sur le sol, dont je sais aujourd’hui qu’ils coulent longtemps encore à l’intérieur des enfants. »
« Je me souviens d’une nuit en pays thaï, après un parachutage. L’ennemi avait décroché au bout d’une journée de combat. Nous étions éreintés. Je n’avais pas dormi plus de quatre heures en trois jours. Je suis tombé dans un sommeil sans rêve ni réveil. Quand je suis revenu à moi, le matin s’était levé. Une légère brume tapissait le sol, à la hauteur du mauvais bat-flanc sur lequel j’avais dormi. Immobile, j’ai ouvert les yeux. Des enfants, à demi nus, se sont approchés de moi. Ils m’ont dévisagé, avec de grands yeux étonnés, qui ne cillaient pas en rencontrant les miens. Ils m’apportaient un bol de soupe. Derrière eux, un énorme buffle, sorti tout droit de la préhistoire, avançait lentement, dodelinant de la tête, dédaigneux, comme s’il inspectait son domaine personnel. La joie déferlait en moi, en ondes puissantes. Je ne pouvais pas la contrôler. J’avais l’impression de naître à nouveau. C’était une joie d’une force animale - et pourtant tellement humaine. Un nouveau jour se levait. J’avais failli ne jamais le connaître. On avait voulu me tuer. J’avais sans doute tué d’autres hommes. De l’autre côté de la montagne, des soldats pleuraient leurs camarades, tués par ma faute. Des vies, peut-être admirables, s’étaient arrêtées. Des familles étaient endeuillées pour toujours. L’horreur de la guerre était passée, à laquelle ni moi ni eux ne pouvions rien. La vie suivait son cours éternel, sans se soucier de nous. »
Les sentinelles du Soir
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