29/01/2011
Le Bourgeoisisme
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« Le bourgeoisisme lui-même, en tant qu'état humain qui subsiste à perpétuité, n'est pas autre chose qu'une aspiration à la moyenne entre les innombrables extrêmes et antipodes de l'humanité. Prenons pour exemple une de ces paires de contrastes telle que le saint et le débauché, et notre comparaison deviendra immédiatement intelligible. L'homme a la possibilité de s'abandonner entièrement à l'esprit, à la tentative de pénétration du divin, à l'idéal de la sainteté. Il a également la possibilité inverse de s'abandonner entièrement à la vie de l'instinct, aux convoitises de ses sens, et de concentrer tout son désir sur le gain de la jouissance immédiate. La première voie mène à la sainteté, au martyre de l'esprit, à l'absorption en Dieu. La seconde mène à la débauche, au martyre des sens, à l'absorption en la putrescence. Le bourgeois, lui, cherche à garder le milieu modéré entre ces deux extrêmes. Jamais il ne s'absorbera, de s'abandonnera ni à la luxure ni à l'ascétisme ; jamais il de sera un martyr, jamais il ne consentira à son abolition : son idéal, tout opposé, est la conservation du moi ; il n'aspire ni à la sainteté, ni à son contraire, il ne supporte pas l'absolu, il veut bien servir Dieu, mais aussi le plaisir ; il tient à être vertueux, mais en même temps à avoir ses aises. Bref, il cherche à s'installer entre les extrêmes, dans la zone tempérée, sans orage ni tempêtes violentes, et il y réussit, mais au dépens de cette intensité de vie et de sentiment que donne une existence orientée vers l'extrême et l'absolu. On ne peut vivre intensément qu'aux dépens du moi. Le bourgeois, précisément, n'apprécie rien autant que le moi (un moi qui n'existe, il est vrai, qu'à l'état rudimentaire). Ainsi, au détriment de l'intensité, il obtient la conservation et la sécurité ; au lieu de la folie en Dieu, il récolte la tranquillité de la conscience ; au lieu de la volupté, le confort ; au lieu de la liberté, l'aisance ; au lieu de l'ardeur mortelle, une température agréable. Le bourgeois, de par sa nature, est un être doué d'une faible vitalité, craintif, effrayé de tout abandon, facile à gouverner. C'est pourquoi, à la place de la puissance, il a mis la majorité ; à la place de la force, la loi ; à la place de la responsabilité, le droit de vote. »
Herman Hesse, Le Loup des Steppes
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Commentaires
Passage contenu dans "Le traité du Loup des Steppes" (livret dans le livre)....Toute cette description du bourgeois est exclusivement tendue vers une interessante demonstration qui précise à un moment vers la fin du texte : "L'idéal disparate et enchevêtré de tous les loups des steppes se réalise dans la sphère imaginaire de l'humour : Il devient possible non seulement d'accepter à la fois le débauché et le saint, de rapprocher les pôles opposés, mais aussi d'intégrer le bourgeois dans cette affirmation. (...)
La suite est du pur Herman Hesse....Pour admirateurs only.
Écrit par : orpheus64 | 30/01/2011
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