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11/07/2011

Intensification

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

Volé sur le Blog d'élite ILYS...

« Les vacances ne sont pas du tout une alternative à la congestion et à la promiscuité des villes et du travail. Au contraire : on cherche l’évasion dans une intensification des conditions de vie ordinaire, dans une aggravation délibérée : plus loin de la nature, plus près de l’artifice, de l’abstraction, de la pollution totale, stress, forcing, concentration, monotonie bien supérieur à la moyenne – tel est l’idéal de la distraction populaire. Personne ne songe à se retirer de l’aliénation, mais à s’y enfoncer jusqu’à l’extase. Ça, c’est les vacances. Et le bronzage joue comme preuve surnaturelle de cette acceptation des conditions de la vie normale.

(…)

L’été on entend les chiens hurler le soir, on voit les insomniaques soigner leurs plantes verte en pleine nuit, on lit dans les yeux ternes et brûlants cette euphorie angoissée caractéristique des journées plus longues, du soleil implacable, de cette extraversion de la chaleur qui pousse à une jouissance physique pure et sans objet, et qui correspond pour beaucoup à une situation proche du suicide. Ceux qui restent dans la ville ont des airs de funambule. Ils savent qu’en l’absence des autres ils assurent l’intérim de la socialité, à peu près comme ils arrosent les géraniums de leur voisin en son absence – mais tous assument cependant un rôle historique et théâtral : les uns celui d’abandonner la cité vers on ne sait quel exode de plaisir, les autres celui de veiller sur le décor. En fait c’est un jeu de catastrophe. La ville joue son exode, elle se vide sans avoir été bombardée elle se livre à ses esclaves (les immigrés) dans une saturnale éphémère.

(…)

L’angoisse propre au loisir de la Côte. Trop de beautés naturelles artificiellement rassemblées. Trop de villas, trop de fleurs. Villegiatura, Nomenklatura : même combat. Même privilège artificiel, qu’il soit celui de la bureaucratie politique ou de la luxuriance du mode de vie. Nature pourrie par le loisir, expurgée de toute barbarie, écœurante de facilité – jour peut-être ce climat de rêve, cette canicule de luxe exploseront en un incendie de forêt définitif. »

Jean Baudrillard, Cool Memories I

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