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17/08/2011

Le monde moderne évolue vers la servitude totalitaire

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Le monde moderne évolue vers la servitude totalitaire aussi sûrement qu’un fleuve va vers la mer, pour la raison très simple qu’un monde de mécanique doit devenir lui-même une mécanique, et une mécanique si compliquée, aux engrenages si nombreux et si délicats, que la présence d’un homme libre dans cette machinerie paraîtra tôt ou tard aussi menaçante qu’à l’intérieur du système solaire une planète soustraite par quelque miracle aux lois de la gravitation universelle.

Le monde moderne évolue vers le totalitarisme et il traîne après lui des troupeaux d’hommes qui croient le conduire alors qu’il les emporte. Les hommes ont fabriqué les machines, c’est entendu, ils sont donc, en un sens, les auteurs de la civilisation des machines. Mais c’est par esprit de lucre et de spéculation qu’ils se sont mis à multiplier les machines, beaucoup plus que par la passion du confort, car la passion du confort ne leur est nullement naturelle, comme on leur fait croire. Elle n’est entretenue en eux que par un immense effort, chaque jour plus gigantesque, de propagande et de publicité. C’est bien pourquoi, dès que se taisent un seul moment les voix innombrables qui jour et nuit, portées par les ondes, travaillent leur conscient et leur subconscient, ils ne rêvent que de camping au bord des fleuves, de nuits passées sous la tente, de forêts vierges ou de glaciers vertigineux, bleus comme le ciel. Ils ont multiplié les machines, et la multiplication des machines pose chaque jour de nouveaux problèmes plus difficiles à résoudre, dont chacun marque une étape vers le paradis exécrable où la liberté ne sera plus qu’une anomalie monstrueuse, un phénomène pathologique, où la liberté d’un seul individu devra être considérée comme une menace redoutable pour la collectivité tout entière.

Peut-être serait-il possible d’aller encore plus profond, de découvrir par exemple, que ce qui nous a le plus dangereusement déçus n’était pas le fait brutal de notre défaite de 1940, mais que cette défaite ait eu pour nous le sens fatal, augural, d’une décadence autrement grave, autrement irréparable que la décadence militaire. La machinerie nous a pris notre terre, la machinerie nous l’a rendue, nous avons été conquis par la machinerie, libérés par la machinerie, tout se passe comme si nous étions dans le monde de la machinerie une chose inerte, un poids mort. Si cette civilisation est valable, sommes-nous condamnés à rester ainsi à sa traîne, car aucun homme doué de bon sens ne saurait croire que notre retard puisse se rattraper, que nous serons capables de rivaliser demain avec d’énormes constructions économiques usurpant le nom de nations et auprès desquelles le Grand Reich lui-même paraîtra sans doute un jour singulièrement humain ? »

Georges Bernanos, Français, si vous saviez...

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