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19/12/2011

Václav Havel

=--=Publié dans la Catégorie "Musique : Rêve Vénitien..."=--=

 


Venice en 1993 : de gauche à droite, Eric James Guillemain (Chant), Franck Schaack (Batterie), Jean-Marc Geoffroy (Basse), Nebojsa Ciric (Guitares)

Au retour d'une excursion familiale, écrire, vite fait, une bafouille sur Václav Havel dont j'ai appris la mort, à 3h00/4h00 du matin peut sembler étrange... mais laissez-moi vous narrer rapidement la raison de mon choix, cette surprenante nécessité, cette urgence.

C'était à la fin de l'hiver 1993, au tout début du printemps. Entre le 18 mars de cette année et le 27 Mars, le groupe VENICE était en tournée en République Tchèque. En consultant les dates de concert du groupe...

18/03/93 Teplice (République Tchèque), Rock Club Knak
19/03/93 Prague(République Tchèque), Rock Club U Zovfalcu
20/03/93 Plzen (République Tchèque), Rock Club Divadlo Pod Lampou (enregistrement du concert en 16 pistes et mixage dans les jours qui suivent)
25/03/93 Koprivnick (République Tchèque), Rock club Nora
26/03/93 Zlin (République Tchèque), Rock Club Spusa
27/03/93 Jihlava (République Tchèque), Avangarda music club

...j'ai pu me remémorer un épisode marrant et difficile à croire de notre tournée, pourtant totalement authentique.


Entre le concert du 20 mars et celui du 25, nous avions eu 1 journée d'obligation artistico-professionnelle et 3 jours de libres. La journée d'obligation avait consisté à mixer le concert du 20 Mars. Concert redoutable, un des meilleurs que Venice ait jamais donné, dans une petite salle pleine à craquer, en ébullition, avec un public hystérique et des jolies filles cent fois plus "rock and roll" que toutes les rockeuses blasées franchouillardes réunies. Ce concert n'a jamais vu le jour officiellement à cause de la voix d'Eric qui était, simplement, 36 niveaux en dessous de tout. Le froid tchèque lui avait entamé les cordes vocales et malgré le fait qu'il ait donné, lui aussi, un de ses meilleurs concerts, nous avions pris la décision de ne pas sortir cet enregistrement afin de ne pas véhiculer une mauvaise image du groupe. Cela étant dit, nous avons toujours soupçonné le tourneur qui nous avait organisé cette série de concerts de l'avoir sorti dans notre dos et sans notre consentement. Si ça se trouve, il doit exister sur le marché "underground" tchèque un concert de VENICE qui fait son petit bonhomme de chemin et qui nous la met profond dans l'cul. Ce qui, personnellement, m'amuse beaucoup car j'ai une âme de pirate.
Les autres jours, nous les avions passés à nous balader dans Prague, en quête du Golem de Gustav Meyrink. Eric et moi-même, tout particulièrement, étions presque en lévitation et savourions chaque instant de notre présence au sein de cette Mittel Europa marquée par l'Histoire. Une charmante "road manageuse", nommée Abigail, nous accompagnait dans notre douce errance et nous servait de guide et de traductrice. Un soir, alors que nous étions en quête de quelque ripaille pour notre modeste bourse, nous atterrîmes dans une sorte de taverne enfumée, dans le vieux Prague, loin du centre ville. Une grande table accueillit notre dérive nocturne et c'est avec satisfaction que nous nous apprêtions à boire et manger. Je décidais d'aller aux toilettes pour me laver les mains et grande fut ma surprise de me retrouver face à un mastard de plus de deux mètres, taillé comme une armoire à glace, avec une oreillette et un costard de chez Smalto, planté devant les chiottes à faire la sentinelle. Il m'arrêta, me considéra dans les yeux, baragouina un truc en tchèque dans sa manche et me laissa passer. J'étais fatigué et je ne désirais pas en savoir d'avantage. J'allais pisser et me laver les mains (Dieu merci l'endroit était propre) et je retournais m'asseoir auprès de mes frères d'armes. Je ne désirais pas inquiéter la tablée et ne parlais pas de cette curieuse aventure. Une sorte de vigile devant les toilettes d'une taverne populaire de Prague, ma foi... pourquoi pas ?
Nous passâmes notre commande et conversions de choses et d'autres lorsque le maître de maison approcha et s'entretint avec notre chère guide, Abigail, qui aussitôt nous fit une traduction de ce qu'il avait dit : le Président de la République Tchèque, 
Václav Havel, était dans une pièce du fond, juste à côté des chiottes ! Il allait sortir d'ici à quelques instants et il nous fallait demeurer calmes et ne pas faire de mouvement brusques ou hausser la voix le temps de la dizaine de mètres qu'il allait parcourir pour sortir dehors car ses gardes du corps étaient un peu nerveux. Ceci expliquait le grand baraqué planté devant les WC. Durant la tyrannie communiste, cette taverne était un haut lieu de la résistance à la racaille rouge au pouvoir et Vaclav Havel avait pour habitude d'y venir souvent lorsque, dissident, il tentait de mettre au point diverses stratégies pour tenir tête aux dirigeants qui suçaient Moscou qui enculait les peuples des pays satellites. Le communisme étant mort, et bien que Václav Havel soit devenu président, il n'avait pas perdu l'habitude de venir consulter ses amis intellectuels restés dans l'ombre, éminences grises avec lesquelles il levait encore la coupe, probablement pour se détendre, aussi, les nerfs du stress qu'engendrait la fonction qui était la sienne.
Au bout de trois, quatre minutes, en effet, 
Václav Havel, sorti de derrière un rideau, encadré par ses gardes du corps qui parlaient tous aux manches de leurs vestes. Il s'avança, souriant, nous salua de la main et nous répondîmes aussi de la tête ou de la main, discrètement, tandis que les habitués des lieux se comportaient comme si de rien n'était. Dehors, une voiture de 10 mètres aux vitres teintées s'arrêta, et en deux temps trois mouvements, tout ce beau monde s'engouffra à l'intérieur et disparu de notre champ de vision.

Non encore remis de cet épisode surprenant, Abigail en rajouta une couche en nous décrivant le Président Václav Havel, une bière à la main, vêtu d'un long pull de hippie, en train de danser au milieu d'une foule hétéroclite dans la boîte de nuit Rock "Le Bunker", encadré par quatre gardes du corps en costard cravate en train de danser aussi, mais avec la main sur le calibre et avec l'oeil en alerte !

Le lendemain nous visitâmes la Palais présidentiel et je laissais une lettre adressée au Président, écrite en serbe (afin de lui afficher ma solidarité slave en même temps que française) pour lui dire combien l'épisode de la taverne nous avait surpris puis amusés et que nous étions prêts à venir jouer gratuitement, à sa demande, à Prague si il fallait, un jour, défendre cette jeune démocratie sortie des griffes communistes. Nous y joignions une cassette du groupe, ainsi qu'un press-book et n'y pensions plus.

Quelques semaines plus tard, de retour en France, nous recevions une réponse du secrétaire de Václav Havel,  réponse adressée à mon nom, dans laquelle nous apprenions que le président avait écouté notre musique et qu'il l'avait apprécié et qu'il nous remerciait pour notre geste et notre soutien.

Je ne suis pas naïf, bien entendu, je me doute bien qu'il peut s'agir d'une réponse type et que probablement Václav Havel n'avait pas eu ni le temps ni l'envie d'écouter notre musique... mais... je veux rêver un peu, pour mon bon plaisir, et me dire que peut-être, allez savoir, parfois, pour se détendre, Václav Havel se mettait la cassette de ce groupe français qui était venu jouer dans son pays où, quatre années plus tôt, il eut été impossible de le faire pour raison de sûreté d'état !

Pour le reste, sa politique, son positionnement sur l'échiquier mondial, je n'y connais rien et m'en tamponne un peu, partant du principe qu'un dissident politique tenant tête aux communistes, faisant cinq années de prison pour cette raison, se faisant censurer pour son travail littéraire par les chiens de gardes stalino-brejneviens et se réclamant pour sa lutte de Jan Patočka et de Martin Heidegger, admirant le grand Frank Zappa (au point de lui confier des missions culturelles une fois au pouvoir) ne peut qu'avoir ma sympathie une fois pour toute... qu'on se le dise !



 

Songeant à Václav Havel...

podcast

Sur cette version de "Psalm of the Sower" : Eric James Guillemain (Chant), Mourad Baali (bruitages avec Basse), Nebojsa Ciric (Guitare acoustique)

04:35 Publié dans Musique : Rêve Vénitien... | Lien permanent | Commentaires (5) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

Belle anecdote NEBO, ce président fut également je crois le premier à inviter les rolling stones et les recevoir personnellement. Bonne fêtes de Noël à toi et tes proches.

Écrit par : La fouine | 19/12/2011

Nous sommes allés boire une mousse dans le bar préféré de Vaclav, à Prague, où il amenait le Chi.

Écrit par : Tietie007 | 01/03/2013

Superbe, cette histoire!

Écrit par : XP | 02/03/2013

Merci XP ! Histoire totalement authentique, sans le moindre rajout de faits dans ce que j'ai écrit. J'en garde encore un chaleureux souvenir.

Écrit par : Nebo | 02/03/2013

Belle histoire, superbe voix .

Écrit par : malik | 02/03/2013

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