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25/12/2011

N’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m’adresser, je déclare ici en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments.

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

TESTAMENT DU ROI LOUIS XVI
Ecrit de sa main à la Tour du Temple le 25 décembre 1792

 

« Au nom de la très Sainte Trinité, du Père, du fils et du Saint Esprit. Aujourd’hui vingt-cinquième de décembre mil sept cent quatre vingt douze. Moi, Louis, XVIème du nom, Roi de France, étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille dans la Tour du Temple à Paris, par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, même depuis le onze du courant avec ma famille. De plus impliqué dans un Procès dont il est impossible de prévoir l’issue à cause des passions des hommes, et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune loi existante, n’ayant que Dieu pour témoin de mes pensées, et auquel je puisse m’adresser. Je déclare ici en sa présence, mes dernières volontés et mes sentiments.

Je laisse mon âme à Dieu mon créateur, et je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d’après ses mérites, mais par ceux de Notre Seigneur Jésus Christ qui s’est offert en sacrifice à Dieu son Père, pour nous autres hommes, quelque indignes que nous en fussions, et moi le premier.

Je meurs dans l’union de notre sainte Mère l’Église Catholique, Apostolique et Romaine, qui tient ses pouvoirs par une succession non interrompue de Saint Pierre auquel Jésus-Christ les avait confiés. Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le Symbole et les commandements de Dieu et de l’Église, les Sacrements et les Mystères tels que l’Église Catholique les enseigne et les a toujours enseignés. Je n’ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d’expliquer les dogmes qui déchirent l’Église de Jésus-Christ, mais je m’en suis rapporté et rapporterai toujours, si Dieu m’accorde vie, aux décisions que les supérieurs Ecclésiastiques unis à la Sainte Église Catholique, donnent et donneront conformément à la discipline de l’Église suivie depuis Jésus-Christ. Je plains de tout mon coeur nos frères qui peuvent être dans l’erreur, mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en Jésus-Christ suivant ce que la charité Chrétienne nous l’enseigne.

Je prie Dieu de me pardonner tous mes péchés, j’ai cherché à les connaître scrupuleusement, à les détester et à m’humilier en sa présence, ne pouvant me servir du Ministère d’un Prêtre Catholique. Je prie Dieu de recevoir la confession que je lui en ai faite, et surtout le repentir profond que j’ai d’avoir mis mon nom, (quoique cela fut contre ma volonté) à des actes qui peuvent être contraires à la discipline et à la croyance de l’Église Catholique à laquelle je suis toujours resté sincèrement uni de coeur. Je prie Dieu de recevoir la ferme résolution où je suis, s’il m’accorde vie, de me servir aussitôt que je le pourrai du Ministère d’un Prêtre Catholique, pour m’accuser de tous mes péchés, et recevoir le Sacrement de Pénitence.

Je prie tous ceux que je pourrais avoir offensés par inadvertance (car je ne me rappelle pas d’avoir fait sciemment aucune offense à personne), ou à ceux à qui j’aurais pu avoir donné de mauvais exemples ou des scandales, de me pardonner le mal qu’ils croient que je peux leur avoir fait.

Je prie tous ceux qui ont de la Charité d’unir leurs prières aux miennes, pour obtenir de Dieu le pardon de mes péchés.
Je pardonne de tout mon coeur à ceux qui se sont fait mes ennemis sans que je leur en aie donné aucun sujet, et je prie Dieu de leur pardonner, de même que ceux qui par un faux zèle, ou par un zèle mal entendu, m’ont fait beaucoup de mal.
Je recommande à Dieu, ma femme, mes enfants, ma Soeur, mes Tantes, mes Frères, et tous ceux qui me sont attachés par les liens du sang, ou par quelque autre manière que ce puisse être. Je prie Dieu particulièrement de jeter des yeux de miséricorde sur ma femme, mes enfants et ma soeur qui souffrent depuis longtemps avec moi, de les soutenir par sa grâce s’ils viennent à me perdre, et tant qu’ils resteront dans ce monde périssable.

Je recommande mes enfants à ma femme, je n’ai jamais douté de sa tendresse maternelle pour eux ; je lui recommande surtout d’en faire de bons Chrétiens et d’honnêtes hommes, de leur faire regarder les grandeurs de ce monde ci (s’ils sont condamnés à les éprouver) que comme des biens dangereux et périssables, et de tourner leurs regards vers la seule gloire solide et durable de l’Éternité. Je prie ma soeur de vouloir bien continuer sa tendresse à mes enfants, et de leur tenir lieu de mère, s’ils avaient le malheur de perdre la leur.

Je prie ma femme de me pardonner tous les maux qu’elle souffre pour moi, et les chagrins que je pourrais lui avoir donnés dans le cours de notre union, comme elle peut être sûre que je ne garde rien contre elle si elle croyait avoir quelque chose à se reprocher.
Je recommande bien vivement à mes enfants, après ce qu’ils doivent à Dieu qui doit marcher avant tout, de rester toujours unis entre eux, soumis et obéissants à leur mère, et reconnaissants de tous les soins et les peines qu’elle se donne pour eux, et en mémoire de moi. Je les prie de regarder ma soeur comme une seconde mère.

Je recommande à mon fils, s’il avait le malheur de devenir Roi, de songer qu’il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens, qu’il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément tout ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j’éprouve. Qu’il ne peut faire le bonheur des Peuples qu’en régnant suivant les Lois, mais en même temps qu’un Roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son coeur, qu’autant qu’il a l’autorité nécessaire, et qu’autrement, étant lié dans ses opérations et n’inspirant point de respect, il est plus nuisible qu’utile.

Je recommande à mon fils d’avoir soin de toutes les personnes qui m’étaient attachées, autant que les circonstances où il se trouvera lui en donneront les facultés, de songer que c’est une dette sacrée que j’ai contractée envers les enfants ou les parents de ceux qui ont péri pour moi, et ensuite de ceux qui sont malheureux pour moi. Je sais qu’il y a plusieurs personnes de celles qui m’étaient attachées, qui ne se sont pas conduites envers moi comme elles le devaient, et qui ont même montré de l’ingratitude, mais je leur pardonne, (souvent, dans les moment de troubles et d’effervescence, on n’est pas le maître de soi) et je prie mon fils, s’il en trouve l’occasion, de ne songer qu’à leur malheur.

Je voudrais pouvoir témoigner ici ma reconnaissance à ceux qui m’ont montré un véritable attachement et désintéressé. D’un côté si j’étais sensiblement touché de l’ingratitude et de la déloyauté de gens à qui je n’avais jamais témoigné que des bontés, à eux et à leurs parents ou amis, de l’autre, j’ai eu de la consolation à voir l’attachement et l’intérêt gratuit que beaucoup de personnes m’ont montrés. Je les prie d’en recevoir tous mes remerciements ; dans la situation où sont encore les choses, je craindrais de les compromettre si je parlais plus explicitement, mais je recommande spécialement à mon fils de chercher les occasions de pouvoir les reconnaître.

Je croirais calomnier cependant les sentiments de la Nation, si je ne recommandais ouvertement à mon fils MM de Chamilly et Hue, que leur véritable attachement pour moi avait portés à s’enfermer avec moi dans ce triste séjour, et qui ont pensé en être les malheureuses victimes. Je lui recommande aussi Cléry des soins duquel j’ai eu tout lieu de me louer depuis qu’il est avec moi. Comme c’est lui qui est resté avec moi jusqu’à la fin, je prie MM de la Commune de lui remettre mes hardes, mes livres, ma montre, ma bourse, et les autres petits effets qui ont été déposés au Conseil de la Commune.

Je pardonne encore très volontiers à ceux qui me gardaient, les mauvais traitements et les gênes dont ils ont cru devoir user envers moi. J’ai trouvé quelques âmes sensibles et compatissantes, que celles-là jouissent dans leur coeur de la tranquillité que doit leur donner leur façon de penser.

Je prie MM de Malesherbes, Tronchet et de Sèze, de recevoir ici tous mes remerciements et l’expression de ma sensibilité pour tous les soins et les peines qu’ils se sont donnés pour moi.

Je finis en déclarant devant Dieu et prêt à paraître devant Lui, que je ne me reproche aucun des crimes qui sont avancés contre moi. »

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24/12/2011

Paul Celan : "Dans la lanière de prière blanche"

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« Le Seigneur de cette heure

était

une créature d’hiver, c’est

pour lui plaire

qu’est arrivé ce qui est arrivé –

ma bouche en grimpant s’est accrochée avec les dents, une fois encore

quand elle t’a cherchée, toi, trace de fumée,

là-haut,

silhouette de femme,

toi en voyage vers mes

pensées de feu dans le gravier noir

au-delà des mots de fission à travers

lesquels je t’ai vue marcher, haut

perchée sur tes jambes avec

ton opiniâtre tête aux lèvres

lourdes

sur le corps

tenu vivant par mes

mains

mortellement précises.



Dis à tes

doigts qui t’accompagnent

jusqu’aux gouffres, combien

je t’ai connue, combien je t’ai

poussée loin dans les profondeurs, où

mon rêve le plus amer

a de cœur couché avec toi, dans le lit

de mon inarrachable nom. »

Paul Celan, Renverse du souffle

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22/12/2011

L’opinion des foules tend donc à devenir de plus en plus le régulateur suprême de la politique

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«  L’opinion des foules tend donc à devenir de plus en plus le régulateur suprême de la politique. Elle arrive aujourd’hui à imposer des alliances, comme nous l’avons vu pour l’alliance russe, presque exclusivement sortie d’un mouvement populaire.

C’est un symptôme bien curieux de voir de nos jours papes, rois et empereurs, se soumettre au mécanisme de l’interview, pour exposer leur pensée, sur un sujet donné, au jugement des foules. On a pu dire jadis que la politique n’était pas chose sentimentale. Pourrait-on le dire actuellement encore en la voyant prendre pour guide les impulsions de foules mobiles ignorant la raison, et dirigées seulement par le sentiment ?

Quant à la presse, autrefois directrice de l’opinion, elle a dû, comme les gouvernements, s’effacer devant le pouvoir des foules. Sa puissance certes est considérable, mais seulement parce qu’elle représente exclusivement le reflet des opinions populaires et leurs incessantes variations. Devenue simple agence d’information, elle renonce à imposer aucune idée, aucune doctrine. Elle suit tous les changements de la pensée publique, et les nécessités de la concurrence l’y obligent sous peine de perdre ses lecteurs. Les vieux organes solennels et influents d’autrefois, dont la précédente génération écoutait pieusement les oracles, ont disparu ou sont devenues feuilles d’informations encadrées de chroniques amusantes, de cancans mondains et de réclames financières. Quel serait aujourd’hui le journal assez riche pour permettre à ses rédacteurs des opinions personnelles, et quelle autorité ces opinions obtiendraient-elles prés de lecteurs demandant seulement à être renseignés ou amusés et qui, derrière chaque recommandation, entrevoient toujours le spéculateur ? La critique n’a même plus le pouvoir de lancer un livre ou une pièce de théâtre. Elle peut nuire mais non servir. Les journaux ont tellement conscience de l’inutilité de toute opinion personnelle, qu’ils ont généralement supprimé les critiques littéraires, se bornant à donner le titre du livre avec deux ou trois lignes de réclame, et dans vingt ans, il en sera probablement de même pour la critique théâtrale.

Epier l’opinion est devenue aujourd’hui la préoccupation essentielle de la presse et des gouvernements. Quel effet produira tel événement, tel projet législatif, tel discours, voilà ce qu’il faut savoir. Ce n’est pas facile car rien n’est plus mobile et plus changeant que la pensée des foules. On les voit accueillir avec des anathèmes ce qu’elles avaient acclamé la veille. »

Gustave Le Bon, Psychologie des foules, 1895

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21/12/2011

Nous autres français

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« "Nous autres français, par exemple, nous sommes Romains par la langue, Grecs par la civilisation, Juifs par la religion" écrit Renan dans "l'islam et la science". Soit. Et si cet assemblage était un miracle civilisationnel auquel rien ne pouvait s'ajouter sans le faire déchoir. »

Richard Millet, Fatigue du sens

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20/12/2011

Les femmes, ce sexe dur et froid

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« C’est Véronique qui m’a prêté ces Lettres à Casanova, et c’est également elle qui m’a apporté hier, à la piscine, le fragment d’un livre sur le maréchal de Richelieu paru en 1791, Véritable vie privée du maréchal de Richelieu, une plaquette parue au Mercure de France en 2004 et que j’ai commencé à lire ce matin.

L’auteur, anonyme, écrit à propos d’une maîtresse du duc de Richelieu : "Son amant alors était tout pour elle ; le mari qu’elle avait tant aimé avait perdu les charmes qui l’embellissaient, le temps de la séduction était passé, et l’on sait qu’il ne peut revenir." Cette observation sur la manière dont, chez une femme, s’évanouit le désir est très fine, très juste. J’ai dès ma jeunesse été frappé par ce refroidissement sans remède qui fait qu’une femme qui, quelques semaines auparavant, se livrait dans mes bras aux plus voluptueuses folies refuse après la rupture de m’accorder ne fut-ce qu’un baiser. J’ai décrit cela dans Ivre du vin perdu, et je l’ai expérimenté des dizaines de fois. C’est une disposition spécifiquement féminine. Un homme, lui, n’agit pas de la sorte : revoyant une ex-maîtresse, même s’il ne l’aime plus, même s’il l’a oubliée, il peut, si cette femme est encore belle, éprouver pour elle une bouffée de désir, avoir envie de recoucher, ne serait-ce qu’une foi, avec elle.

Nous sommes faibles et tendres, prompts à nous enflammer, nous les hommes.

Les femmes, ce sexe dur et froid. »

Gabriel Matzneff, Carnets noirs

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19/12/2011

Moïse arrête tes conneries

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Arte : Stig Dagerman, 1946 - un automne allemand

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Si vous ne l'avez pas vu sur ARTE, à regarder... bien entendu. Les questions qui dérangent...

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Václav Havel

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Venice en 1993 : de gauche à droite, Eric James Guillemain (Chant), Franck Schaack (Batterie), Jean-Marc Geoffroy (Basse), Nebojsa Ciric (Guitares)

Au retour d'une excursion familiale, écrire, vite fait, une bafouille sur Václav Havel dont j'ai appris la mort, à 3h00/4h00 du matin peut sembler étrange... mais laissez-moi vous narrer rapidement la raison de mon choix, cette surprenante nécessité, cette urgence.

C'était à la fin de l'hiver 1993, au tout début du printemps. Entre le 18 mars de cette année et le 27 Mars, le groupe VENICE était en tournée en République Tchèque. En consultant les dates de concert du groupe...

18/03/93 Teplice (République Tchèque), Rock Club Knak
19/03/93 Prague(République Tchèque), Rock Club U Zovfalcu
20/03/93 Plzen (République Tchèque), Rock Club Divadlo Pod Lampou (enregistrement du concert en 16 pistes et mixage dans les jours qui suivent)
25/03/93 Koprivnick (République Tchèque), Rock club Nora
26/03/93 Zlin (République Tchèque), Rock Club Spusa
27/03/93 Jihlava (République Tchèque), Avangarda music club

...j'ai pu me remémorer un épisode marrant et difficile à croire de notre tournée, pourtant totalement authentique.


Entre le concert du 20 mars et celui du 25, nous avions eu 1 journée d'obligation artistico-professionnelle et 3 jours de libres. La journée d'obligation avait consisté à mixer le concert du 20 Mars. Concert redoutable, un des meilleurs que Venice ait jamais donné, dans une petite salle pleine à craquer, en ébullition, avec un public hystérique et des jolies filles cent fois plus "rock and roll" que toutes les rockeuses blasées franchouillardes réunies. Ce concert n'a jamais vu le jour officiellement à cause de la voix d'Eric qui était, simplement, 36 niveaux en dessous de tout. Le froid tchèque lui avait entamé les cordes vocales et malgré le fait qu'il ait donné, lui aussi, un de ses meilleurs concerts, nous avions pris la décision de ne pas sortir cet enregistrement afin de ne pas véhiculer une mauvaise image du groupe. Cela étant dit, nous avons toujours soupçonné le tourneur qui nous avait organisé cette série de concerts de l'avoir sorti dans notre dos et sans notre consentement. Si ça se trouve, il doit exister sur le marché "underground" tchèque un concert de VENICE qui fait son petit bonhomme de chemin et qui nous la met profond dans l'cul. Ce qui, personnellement, m'amuse beaucoup car j'ai une âme de pirate.
Les autres jours, nous les avions passés à nous balader dans Prague, en quête du Golem de Gustav Meyrink. Eric et moi-même, tout particulièrement, étions presque en lévitation et savourions chaque instant de notre présence au sein de cette Mittel Europa marquée par l'Histoire. Une charmante "road manageuse", nommée Abigail, nous accompagnait dans notre douce errance et nous servait de guide et de traductrice. Un soir, alors que nous étions en quête de quelque ripaille pour notre modeste bourse, nous atterrîmes dans une sorte de taverne enfumée, dans le vieux Prague, loin du centre ville. Une grande table accueillit notre dérive nocturne et c'est avec satisfaction que nous nous apprêtions à boire et manger. Je décidais d'aller aux toilettes pour me laver les mains et grande fut ma surprise de me retrouver face à un mastard de plus de deux mètres, taillé comme une armoire à glace, avec une oreillette et un costard de chez Smalto, planté devant les chiottes à faire la sentinelle. Il m'arrêta, me considéra dans les yeux, baragouina un truc en tchèque dans sa manche et me laissa passer. J'étais fatigué et je ne désirais pas en savoir d'avantage. J'allais pisser et me laver les mains (Dieu merci l'endroit était propre) et je retournais m'asseoir auprès de mes frères d'armes. Je ne désirais pas inquiéter la tablée et ne parlais pas de cette curieuse aventure. Une sorte de vigile devant les toilettes d'une taverne populaire de Prague, ma foi... pourquoi pas ?
Nous passâmes notre commande et conversions de choses et d'autres lorsque le maître de maison approcha et s'entretint avec notre chère guide, Abigail, qui aussitôt nous fit une traduction de ce qu'il avait dit : le Président de la République Tchèque, 
Václav Havel, était dans une pièce du fond, juste à côté des chiottes ! Il allait sortir d'ici à quelques instants et il nous fallait demeurer calmes et ne pas faire de mouvement brusques ou hausser la voix le temps de la dizaine de mètres qu'il allait parcourir pour sortir dehors car ses gardes du corps étaient un peu nerveux. Ceci expliquait le grand baraqué planté devant les WC. Durant la tyrannie communiste, cette taverne était un haut lieu de la résistance à la racaille rouge au pouvoir et Vaclav Havel avait pour habitude d'y venir souvent lorsque, dissident, il tentait de mettre au point diverses stratégies pour tenir tête aux dirigeants qui suçaient Moscou qui enculait les peuples des pays satellites. Le communisme étant mort, et bien que Václav Havel soit devenu président, il n'avait pas perdu l'habitude de venir consulter ses amis intellectuels restés dans l'ombre, éminences grises avec lesquelles il levait encore la coupe, probablement pour se détendre, aussi, les nerfs du stress qu'engendrait la fonction qui était la sienne.
Au bout de trois, quatre minutes, en effet, 
Václav Havel, sorti de derrière un rideau, encadré par ses gardes du corps qui parlaient tous aux manches de leurs vestes. Il s'avança, souriant, nous salua de la main et nous répondîmes aussi de la tête ou de la main, discrètement, tandis que les habitués des lieux se comportaient comme si de rien n'était. Dehors, une voiture de 10 mètres aux vitres teintées s'arrêta, et en deux temps trois mouvements, tout ce beau monde s'engouffra à l'intérieur et disparu de notre champ de vision.

Non encore remis de cet épisode surprenant, Abigail en rajouta une couche en nous décrivant le Président Václav Havel, une bière à la main, vêtu d'un long pull de hippie, en train de danser au milieu d'une foule hétéroclite dans la boîte de nuit Rock "Le Bunker", encadré par quatre gardes du corps en costard cravate en train de danser aussi, mais avec la main sur le calibre et avec l'oeil en alerte !

Le lendemain nous visitâmes la Palais présidentiel et je laissais une lettre adressée au Président, écrite en serbe (afin de lui afficher ma solidarité slave en même temps que française) pour lui dire combien l'épisode de la taverne nous avait surpris puis amusés et que nous étions prêts à venir jouer gratuitement, à sa demande, à Prague si il fallait, un jour, défendre cette jeune démocratie sortie des griffes communistes. Nous y joignions une cassette du groupe, ainsi qu'un press-book et n'y pensions plus.

Quelques semaines plus tard, de retour en France, nous recevions une réponse du secrétaire de Václav Havel,  réponse adressée à mon nom, dans laquelle nous apprenions que le président avait écouté notre musique et qu'il l'avait apprécié et qu'il nous remerciait pour notre geste et notre soutien.

Je ne suis pas naïf, bien entendu, je me doute bien qu'il peut s'agir d'une réponse type et que probablement Václav Havel n'avait pas eu ni le temps ni l'envie d'écouter notre musique... mais... je veux rêver un peu, pour mon bon plaisir, et me dire que peut-être, allez savoir, parfois, pour se détendre, Václav Havel se mettait la cassette de ce groupe français qui était venu jouer dans son pays où, quatre années plus tôt, il eut été impossible de le faire pour raison de sûreté d'état !

Pour le reste, sa politique, son positionnement sur l'échiquier mondial, je n'y connais rien et m'en tamponne un peu, partant du principe qu'un dissident politique tenant tête aux communistes, faisant cinq années de prison pour cette raison, se faisant censurer pour son travail littéraire par les chiens de gardes stalino-brejneviens et se réclamant pour sa lutte de Jan Patočka et de Martin Heidegger, admirant le grand Frank Zappa (au point de lui confier des missions culturelles une fois au pouvoir) ne peut qu'avoir ma sympathie une fois pour toute... qu'on se le dise !



 

Songeant à Václav Havel...

podcast

Sur cette version de "Psalm of the Sower" : Eric James Guillemain (Chant), Mourad Baali (bruitages avec Basse), Nebojsa Ciric (Guitare acoustique)

04:35 Publié dans Musique : Rêve Vénitien... | Lien permanent | Commentaires (5) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook