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05/05/2012

Mohammed Iqbal et la défense de l'Ego

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

J'ai déjà eu l'occasion d'évoquer les développements audacieux du philosophe, poète et réformateur de l'Islam Mohammed Iqbal via le livre que lui a consacré Abdennour Bidar, "L'Islam face à la Mort de Dieu", mais voici que je souhaite y revenir un court instant pour appuyer une ou deux choses.

Toujours, donc, dans le livre d'Abdennour Bidar, "L'Islam face à la mort de Dieu", d'abord une citation de Mohamed Iqbal, surprenante et, à sa lecture, on comprend que les imams, muftis et autres mollahs de notre temps (et de tout temps, à vrai dire) méprisent le soufisme :

« Les champs d'expérience les plus importants, examinés du point de vue de la synthèse, révèlent, comme base ultime de toute expérience, une volonté créatrice rationnellement dirigée que nous avons trouvé des raisons de décrire comme ego. Afin de mettre en relief l'individualité de l'Ego ultime, le Coran lui donne le nom d'Allah. » (Mohhamed Iqbal - Reconstruire III)

Relisez donc cette citation et comment elle se termine : "Afin de mettre en relief l'individualité de l'Ego ultime, le Coran lui donne le nom d'Allah." On voit bien, ici, les liens fondamentaux qui peuvent exister entre les diverses intuitions mystiques, tant juives que chrétiennes et musulmanes, si on entend par "musulmanes", en se faisant un peu violence, certes, autre chose que la soumission à un Démiurge écrasant qui n'apporte qu'une simple législation en guise de spiritualité, ou plutôt pseudo-spiritualité faisant bander le barbu qui se laisse pousser la barbe et porte la djelaba comme au temps du Prophète afin de se donner l'assurance d'être sur la bonne voie. Un bon totalitarisme fantasmant une Oumma massive et archaïque où seul compterait la lecture littérale et poussiéreuse de la parole du Prophète. Je mesure surtout l'effort intellectuel et spirituel pour des esprits libres de ne pas se réduire à ce sinistre écueil lorsqu'on parcours les sourates et qu'elles sont ce qu'elles sont. Je songe quand même aux kabbalistes qui affirment, au grand scandale des juifs orthodoxes, qu'il est du devoir de l'Homme de participer à la Création Divine en, disent-ils, "faisant Dieu".

Et Abdennour Bidar poursuit :

« Il est temps ici d'explorer plus en profondeur cette proposition. Elle a en effet des implications verigineuses dont nous n'avons encore rien dit, mais qu'il faut explorer pour bien réaliser à quels confins peut nous conduire la pensée de Mohammed Iqbal. Elle signifie que le mot "Allah", que la culture islamique n'arrive toujours pas à comprendre autrement qu'au sens littéral d'un Dieu transcendant à l'homme, n'est en réalité que le nom de l'homme parfait. Allah est notre soi pure. L'Homme n'est pas destiné à la vocation à laquelle le réduit la tradition religieuse et mystique de l'islam. »

Ici, dans son commentaire, Abdennour Bidar place presque dans le même sac la tradition de l'islam comme sa face mystique. Cela suggère qu'il estime que Mohammed Iqbal est allé au-delà. En tout cas il est allé suffisamment loin pour inquiéter et les uns et les autres et je suppose qu'il jouit encore d'une forte réputation dans son pays d'origine essentiellement pour avoir fait partie des penseurs qui ont pensé la future création du Pakistan. Je doute bien, cependant, qu'il ait voulu du Pakistan tel qu'il est après avoir écrit les choses qu'il a écrites.

Bidar termine : « A cette religion qui le condamne à rester le serviteur de Dieu, et à la mystique "soufie" qui lui commande de faire disparaître son "moi" dans l'océan du divin, Iqbal rétorque QUE LA VIE SPIRITUELLE N'EST NI SOUMISSION NI DISPARITION. ELLE EST ACCES A NOTRE PROPRE EGO CREATEUR. » (C'est moi qui souligne !)

Allez prêchez ça dans le monde musulman d'aujourd'hui, de la Mauritanie à l'Indonésie et jusqu'en Chine. Grosses rigolades en perspective !

C'est avec un certain amusement, pour ne pas dire avec un amusement certain, que je réalise combien ici Abdennour Bidar par l'entremise de Mohammed Iqbal tente, sur la voie tracée par ce saint homme que fut Hallaj, de réformer leur religion de façon drastique. Le combat est d'emblée rude et je doute que malgré la bonne volonté d'intellectuels du calibre de Bidar il parvienne à son but.

La différence avec le Christianisme est énorme en comparaison, pour une simple raison : Dieu, dans le Christianisme, par Jésus Christ, s'est fait Homme afin de permettre à ce dernier de devenir Dieu. Postulat de base de la mystique Orthodoxe Chrétienne, par exemple, inscrite dés les exégèses des pères de l'Eglise, chez Saint-Athanase, 4ème siècle de notre ère, et dans le cheminement des herméneutiques qui y furent consacrées. Ce qui explique l'essor considérable que notre civilisation judéo-chrétienne a pu prendre en comparaison à la civilisation arabo-musulmane dont le triste état parle pour lui-même et qui n'a jamais su faire autre chose que nier l'individu en le fondant dans un ensemble dont il se devait de ne devenir qu'un simple rouage. A des lieux de ce que commente avec grand intérêt Abdennour Bidar.
En cherchant à réhabiliter "l'Ego créateur", Mohammed Iqbal veut redonner une place centrale à l'individu parce que son bon sens d'être humain lui indique bien secrêtement que sa société est sclérosée et que, tout musulman qu'il est, son intime conviction lui interdit de l'accepter.

Je terminerai par une citation de Clément d'Alexandrie, un des Pères de l'Eglise (150-220) qui annonce : « Baptisés, nous sommes illuminés ; illuminés, nous sommes faits fils ; faits fils, nous sommes rendus parfaits ; "je", disait-il, "dis vous êtes des dieux et des fils de la plus grande Lumière, vous tous." Cette oeuvre a beaucoup de noms ; elle est appelée cadeau (grâce), illumination, perfection, baptême... la volonté parfaite donne ce qui est parfait. »

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