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13/09/2012

Richard Millet, "Eloge Littéraire d'Anders Breivik"

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Je voudrais néanmoins rappeler qu'une grande partie de ma réflexion vise à comprendre la concomitance du déclin de la littérature et la modification en profondeur de la population de la France et de l'Europe tout entière par une immigration extra-européenne massive et continue, avec pour éléments intimidants les bras armés du salafisme et du politiquement correct au sein d'un capitalisme mondialisé, c'est-à-dire le risque d'une destruction de l'Europe de culture humaniste, ou chrétienne, au nom même de l'"humanisme" dans sa version "multiculturelle". »

Richard Millet, dans son article, "Pourquoi me tuez-vous ?", publié le 12/09/2012 dans L'Express

 

« Therefore, reality must be suppressed. If the ideology has power, it uses its power to undertake this suppression. It forbids writing or speaking certain facts. Its goal is to prevent not only expression of thoughts that contradict what “must be true,” but thinking such thoughts. In the end, the result is inevitably the concentration camp, the gulag and the grave. »

Anders Breivik, 2083 : A European Declaration of Independence.PDF

 

"Et, avec le temps, l'aspect de cette chose sans nom devenait de plus en plus ignoble, débordante, genre crête de coq purpuracée et plus ou moins déchiquetée et pendante, et, avec la maladie, cela se mit à puruler et à répandre une odeur nauséabonde."

Blaise Cendrars, cité par : Yvette Bozon-Scalzitti, in "Blaise Cendrars", 1977

 

J'ai reçu, hier, mon exemplaire du dernier Richard Millet qui fait tant jaser, "Langue Fantôme" suivi des quelques 17 pages de l' "Eloge Littéraire d'Anders Breivik" qui a provoqué la levée de boucliers de toute la bien-pensance culturo-médiatique franchouillarde ces deux dernières semaines. La meute de la harpie Annie Ernaux exigeant, comme à son habitude, la tête des dissidents, car c'est bien de ça dont il s'agit.

Refermant l'opuscule court et nerveux de Millet je me suis dit : "Tout ça pour ça ?!?!"

Bon, expédions ce qui chagrine tout le monde. Les toutes premières lignes d' "Eloge Littéraire d'Anders Breivik" :

« Au moment d'entreprendre ce qui pourrait être un "Eloge Littéraire d'Anders Breivik", je voudrais qu'on garde à l'esprit que je n'approuve pas les actes commis par Breivik, le 22 juillet 2011, en Norvège. »

Ses détracteurs l'ont-ils lu ? J'en doute fortement. Mais là n'est pas mon propos. C'est d'autre chose que je désire vous entretenir.

Son court essai pamphlétaire est, une fois encore, alourdi par ses postures anticapitalistes et anti-américaines que je n'hésiterais pas à qualifier de "primaires". Cela me surprend toujours de voir des écrivains brillants, et Richard Millet en est un, ne pas chercher à pousser un peu plus loin leurs analyses de la situation mondiale qui est la nôtre. Son analyse de la forme est juste, mais sa perception du fond de l'affaire manque de nuances et de subtilité.
Pour ma part, ni les USA, ni le Capitalisme ne sont à mettre en cause dans l'affaire de la mondialisation globalisante qui concourt à abattre les nations et les identités, mais bel et bien un fond mental qui travaille l'Humanité grosso modo depuis la Chute et l'Exil que des penseurs aussi divers que La Boétie (et ce qu'il dit de la servitude) ou Nietzsche (et ce qu'il dit de "La Mort de Dieu") ont su, au cours des siècles, mettre à jour. Un fond mental qui va en se perpétuant et en s'amplifiant le temps passant. Et je pourrais, bien entendu, mettre en avant les Ecrits Saints et Prophétiques qui soutiennent l'ossature de la Sainte Bible, mais je ne veux pas trop froisser les athées en série.
Ce processus de désagrégation générale travaille le monde entier, les USA comme le monde arabo-musulman compris et les sursauts identitaires ou autres qui président à tout cela sont des sursauts de part et d'autre à travers les cultures du monde, par réflexe, afin de tenter de dire "non" à cette déliquescence pour laquelle on ne parvient pas encore complètement à trouver les mots justes pour dire les maux qui la provoque, le tout mis en lumière par l'hypnose spectaculaire que Debord, Baudrillard ou Muray avaient analysé avec la lucidité qui était la leur. Des symptômes de quelque chose de bien plus profond qui échappe à presque tout le monde, à Richard Millet lui-même qui tient, pourtant, tête avec ses moyens au processus en cours.
Les terroristes musulmans comme certains hommes d'affaires font n'importe quoi, les uns pour préserver leur vieux mode de vie et, même, l'imposer au reste du monde, les autres pour briser toutes les entraves morales quant à la manière de générer de l'argent à des fins purement égoïstes sans soucis des conséquences. Sans oublier, surtout, l'Etat qui nous créé par désir d'apaisement social des monstres économiques comme les Subprimes afin d'offrir l'accession à la propriété à des catégories de personnes incapables de l'assumer financièrement... avec les conséquences que l'on sait pour la suite et qui permettent, dans la foulée, de tout mettre une nouvelle fois sur le dos de ce bon vieux Capitalisme, le bouc-émissaire idéal. Mais tout cela n'est rien. C'est pas grand-chose. C'est de l'ordre de l'épiphénomène si on se penche un peu dessus. Parties visibles du monstrueux iceberg.

Par contre, son texte court fait mouche en un autre domaine qui me semble imparable. Sur un plateau de télévision je l'ai entendu dire une fois que ce qui faisait la Grèce Antique c'est qu'Homère avait écrit "L'Iliade" ou "L'Odyssée", et ça, cela me semble juste et non négociable. Si les historiens, archéologues, philologues et anthropologues nous font accéder à des données quant à la manière de vivre et de propager leurs civilisations des populations anciennes ou présentes, ceux qui nous transmettent les symboles, les mythes et la Poiesis de ces peuples en question ce sont les écrivains. La Littérature. De "L'épopée de Gilgamesch"aux fulgurantes obsessions de Philip K. Dick, la Littérature dit ce qu'est le monde, ce qu'est la vie et participe même à son élaboration. Elle est, alors, victorieuse. Or, que constate Richard Millet ? Il constate que ce qu'on nomme "Littérature" aujourd'hui n'est plus qu'une longue agonie, une défaite, un refus de voir le monde tel qu'il est afin d'en tirer la substantifique moelle, mais une stratégie niaise et propagandiste contre des fantasmes et des fantômes (dont la fameuse "Extrême-Droite" mise à toutes les sauces), alors que la Littérature est un art bien plus délicat et complexe qui admet les ambiguïtés de l'âme humaine, les transformant en ingrédients nécessaires à son processus d'émergence, ne refusant pas de se servir d’un matériau difficile et tabou afin de provoquer un impact moral en posant des questions et en grattant les plaies que l'Humanité tend à oublier sous des couches épaisses de pansements qui, à la longue, ne font que puruler les blessures endormies.

Les auteurs d'aujourd'hui, dans leur très grande majorité, ne font que se tirer sur l'élastique, pardonnez-moi l'expression. Ils refusent de disséquer la réalité et de plonger leur nez dans la merde. A ce difficile travail sur le monde et sur soi ils préfèrent la berceuse prévisible des idéaux socialo-humanitaristes, enflés de posture anti-fasciste, car le fascisme est désormais dans absolument tout ce qui va contre leurs lénifiantes postures idéologiques. Ce que suggère Richard Millet, entre les lignes, c'est que ces écrivains ne sont écrivains que d'appellation. C'est le titre dont ils ont l'audace de s'affubler car ils écrivent des "succès", mais ils ne savent plus faire d'authentiques états des lieux et participent, de ce fait, à l'endormissement général avec leurs gros tirages éditoriaux et à la déliquescence sociétale, morale et identitaire des nations que plus personne, à part quelques valeureux franc-tireurs, n'ose interroger.

Et c'est là, à mon avis, que se trouve la véritable raison des Annie Ernaux, Tahar Ben Jelloun & co, de leur attaque contre Richard Millet. Inconsciemment ils ont très bien compris que c'est leur statut d'écrivain qu'il attaque avec un style qui leur manque, à eux, et ce malgré le fait que cet ironique "Eloge Littéraire d'Anders Breivik" ait été écrit rapidement, un peu maladroitement, mais avec l'angoisse au ventre quant à la vision que sa conscience lui donne du monde qui va vers le gouffre vers lequel il va.

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« Non que Breivik ait accompli le geste surréaliste le plus simple qui consiste, selon Breton, "revolver aux poings à descendre dans la rue et à tirer au hasard, tant qu’on peut, dans la foule" ; il n’a pas davantage pris Cioran au pied de la lettre à propos de ce désir d’extermination qu’inspire à tout homme sensé le fait de se trouver dans la rue. Deux énoncés, celui de Breton et celui de Cioran, dont on n’a pas assez remarqué qu’ils entrent en relation sur l’arrière-fond des guerres et des génocides du XXe siècle, avec l’écho de la condamnation par Adorno de la culture "après Auschwitz".
L’extermination comme motif littéraire : voilà l’injustifiable, et dont la question, posée indirectement (et sans doute involontairement) par Breivik à la surpopulation mondiale et au désastre écologique, redouble celles de la dénatalité européenne et de la rupture d’homogénéité de sociétés comme la norvégienne, la finlandaise, la suédoise, la danoise, la néerlandaise, tout pays ou ce qu’on appelle pudiquement les populistes sont entrés dans les gouvernements. Nous qui mesurons chaque jour l’inculture des indigènes tout comme l’abime qui nous sépare des populations extra-européennes installées sur notre sol, nous savons que c’est avant tout la langue qui en fait les frais, et avec elle la mémoire, le sang, l’identité. Donnerons-nous pour autant raison à Breivik, sous le prétexte que ses victimes n’étaient que de jeunes travaillistes, donc de futurs collaborateurs du nihilisme multiculturel ? Non : dans la perfection de l’écriture au fusil d’assaut, il y a quelque chose qui le mène au-delà du justifiable — ce qui pourrait être, néanmoins, une des définitions, restreintes, de la littérature, en même temps que la négation de celle-ci.
Le nombre, le multiculturalisme, l’horizontalité, le vertige de la fatigue ou de la perte du sens, ou encore ce que Renaud Camus appelle la "décivilisation", avec le "grand remplacement" qui en est le corollaire : voilà bien la défaite de la littérature. Et il est remarquable que, par-delà les considérations sur les nébuleuses d’une extrême droite dont on ne sait d’ailleurs pas tout à fait ce qu’elle est, sinon un fantasme du socialisme mondial, un journaliste du "Nouvel Observateur" ait noté, l’été 2011, que les célèbres auteurs de thrillers scandinaves n’avaient pas "prévu" Breivik, eux pourtant si prompts à dénoncer les prétendus complots néo- ou archéo-nazis menaçant ces sociétés dont on sait fort bien ce qui les ronge en réalité. Peut-être "expliquent"-ils Breivik. Ces écrivains, évidemment de gauche, ces vigilants, ces naïfs ne voient en général que ce qu’ils veulent voir ; les Davidsen, les NesbØ, les Mankell et le défunt auteur de "Millenium" sont aveugles, ou se crèvent les yeux, quand ils ne donnent pas dans la propagande, comme dans "Faux-Semblants", du Norvégien Kjell Ola Dahl, où Oslo est présentée comme capitale multiculturelle, avec ses immigrés extra-européens et ses quartiers bigarrés, si chers aux Bobos français : on y voit par exemple un commissaire de police, norvégien de souche, prendre le prénom de Mustafa pour épouser une immigrée musulmane, et une de ses collègue déambuler en s’émerveillant vers le quartier de Grobarlandslein : "Lena aimait se fondre dans la foule qui fourmillait entre les immeubles colorés, avec des apports d’architecture étrangère, comme le minaret dans Akerbergersvein. Seuls manquaient les appels à la prière du Muezzin pour compléter la touche exotique." Vision lénifiante d’un "exotisme" à domicile, derrière lequel on se refuse à considérer que le chant du Muezzin sonnerait la mort de la chrétienté, donc la fin de nos nations. Dans cette décadence, Breivik est sans doute ce que méritait la Norvège et ce qui attend nos sociétés qui ne cessent de s’aveugler pour mieux se renier, particulièrement la France et l’Angleterre ; loin d’être un ange exterminateur, ni une bête de l’Apocalypse, il est tout à la fois bourreau et victime, symptôme et impossible remède. Il est l’impossible même, dont la négativité s’est déchaînée dans le ciel spirituel de l’Europe.

Un autre écrivain norvégien, Gunnar Staalesen, plus subtil lui, plus ironique, surtout, plus écrivain peut-être, car ancien philologue, a intitulé l’un de ses romans, dont le héros est un détective désenchanté : "la nuit tous les loups sont gris". Breivik est l’un de ces désenchantés devenu un loup solitaire et gris. Breivik a quelque chose de gris. C’est en cela qu’il aurait pu être écrivain. Le journaliste du "Nouvel Observateur", ayant constaté l’aveuglement des contemporains, croit trouver l’origine de Breivik dans le grand Knut Hamsun, dont on sait qu’il fut ouvertement nazi et fini ses jours à l’asile, comme Breivik y finira peut-être les siens. "La faim" reste un livre extraordinairement moderne et brûlant de ce qui dévore le narrateur, tout comme "Pan", merveilleux livre sur le désir. Le même journaliste va jusqu’à s’en prendre à l’ "Edda", c’est-à-dire au fondement de la culture scandinave, ce qui ferait de Breivik la réincarnation dérisoire du loup Fendrir, fils du dieu ase Loki et meurtrier du dieu Odin que Snorri Sturluson décrit "la gueule hirsute, la mâchoire inférieure contre la terre, la supérieure contre le ciel". On est bien là dans un autre délire, lequel sert néanmoins le Nouvel Ordre mondial : celui qui tend à taxer de fasciste toute interrogation sur la pureté, l’identité, l’origine, et qui, à bout d’arguments, finit par récuser ce que nous sommes : notre culture, par exemple, la "Chanson de Roland", bientôt effacée de notre héritage car décrétée politiquement incorrecte et raciste, comme l’ "Edda" des nordiques, et avec elle ce qui nous permet encore de nommer et que le Nouvel Ordre moral est en train d’éradiquer : la littérature. »

Richard Millet, Eloge littéraire d’Anders Breivik

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15:07 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (8) | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Commentaires

C'est Alain Finkielkraut qui, une fois encore, a dit les mots les plus censés sur l'affaire Millet (il vient de démissionner du comité de lecture Gallimard.)

Écrit par : Paglop77 | 14/09/2012

Rectif: les mots les plus sensés.

Écrit par : Paglop77 | 14/09/2012

je le trouve vraiment pas convaincant, Millet, dans la mesure ou je ne vois pas chez lui un seul point de vue, une seule idée, qu'on ne peut pas trouver ailleurs sur Desouche, chez Renaud Camus, bref, chez n'importe quel autre réac...

Ca me semble un inventaire à la Prévert de toutes les idées de droite, sans colonne vertebrale... Le remplacement de la population, la langue, la mort de la littérature... J'ai beau chercher, je ne vois pas le rapport. Et j'ai l'impression que lui non plus.

Écrit par : XP | 15/09/2012

Attention XP... ^^ ... tu vas finir par rentrer dans une crispation et une posture vis-à-vis de ces écrivains comme n'importe quel gocho vis-à-vis de Millet ou R. Camus.

Hu hu hu hu !

Je te taquine, je te taquine, ne me tape pas sur la tête... ^^

Moi je dis qu'il faut débroussailler "by all necessary means"... et je pense que Millet a parfaitement raison sur la mort de la Littérature, du moins, pour être TRES PRECIS, la Littérature telle qu'on l'a connue jusqu'à présent. Je pense que c'est important de dresser un inventaire de ce que nous sommes en train de perdre, même si il n'est pas conscient que nous gagnerons peut-être quelque chose et que nous sommes probablement dans une période de transition. Et que toutes les périodes de transition sont des périodes creuses dans lesquelles des gestations s'activent, dans les profondeurs, sans que nous en soyons véritablement conscients.

L'exemple qu'il donne, avec les auteurs de Thrillers Scandinaves, est d'excellente facture, si j'puis dire, quant à la mort de la Littérature qui n'a plus de vision, ne participe plus ni à l'analyse ni à la construction de la Réalité et encore moins à l'exploration du Réel de l'Être. Je pense que c'est essentiel. La Littérature ne se doit pas de juste raconter une petite histoire, d'y intégrer quelques nombriliques notions égotistes et de les associer à la bien-pensance.

Mais peut-être suis-je un vieux réactionnaire poussiéreux, cela peut être parfaitement possible. ;-)

Écrit par : Nebo | 15/09/2012

N'ayant pas encore pu me procurer un exemplaire de son "Eloge" - il est en rupture de stock chez les distributeurs suisses -, j'ai lu chez le même éditeur "Intérieur avec deux femmes", le récit d'un voyage en Hollande servi par une langue magnifique où Millet revient sur les thèmes qui l'obsèdent (ou le hantent) mais sans la provoc' et le scandale. Malheureusement, la plupart de ses ennemis ne le liront pas, mais à qui la faute ?

Écrit par : Paglop77 | 15/09/2012

Une question me taraude: comment un écrivain aussi intelligent et aussi au fait des mœurs et des réactions du microcosme littéraire parisien a-t-il pu espérer l'ouverture d'un vrai grand débat sur l'état de la langue et celui de la civilisation occidentale avec cet Eloge ?

Écrit par : Paglop77 | 17/09/2012

Oui... il s'est tiré une balle dans le pied... bon, pas encore dans la tête... mais stratégiquement c'est, en effet, naze !

Écrit par : Nebo | 17/09/2012

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