12/12/2012
La tyrannie d'une hérédité
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« Hérédité, milieu. Il existe sans doute peu d'alternatives aussi fécondes et lourdes de conséquences que celle-ci. Le débat est certes d'abord biologique. L'être vivant n'est en somme qu'une certaine formule héréditaire livrée durant toute son existance aux caresses et aux agressions des milieux qu'il traverse. (...)
La sagesse serait sans doute de désamorcer la polémique en posant par principe que l'homme se déduit à 100 % de son hérédité et à 100 % de son milieu. L'homme passse par l'homme, a écrit Pascal. Peut-être pourrait-on exprimer cette même idée par ces 200 % dont le paradoxe mesurerait la part de la liberté. (...)
Les parents fournissent à l'enfant aussi bien son hérédité que le milieu de ses premières années, exerçant ainsi sur lui une influence redoublée – pour le meilleur et pour le pire. Des parents anxieux lèguent à leurs enfants un naturel anxieux, mais en outre ils les font grandir dans l'atmosphère anxieuse qu'ils entretiennent dans la maison. Cette duplication du poids des parents sur les enfants, désastreuse dans le cas de l'alcoolisme par exemple, devient au contraire bénéfique dans celui d'une famille toute entière douée pour la musique. Mais pour une famille de musiciens, combien il y a-t-il d'alcooliques ? (...)
Il n'empêche que la sujétion de l'homme à son milieu paraît beaucoup moins pesante que la tyrannie d'une hérédité. On peut changer le milieu où l'on vit, on peut aussi changer de milieu, mais qui brisera jamais la courbure d'une hérédité, ce dessin tatoué au plus intime de la cellule vivante ? »
Michel Tournier, Le Vent Paraclet
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