21/12/2012
Mahmadou dans ses oeuvres...
=--=Publié dans la Catégorie "Humeurs Littéraires..."=--=
Ah ! Il me faut vous raconter une de mes mésaventures récente sur mon lieu de travail.
Je rappelle aux retardataires que je suis un modeste prolétaire contrairement aux apparences. Magasinier pour une enseigne bien connue de distribution de biens culturels qui en l'état actuel des choses s'attelle à une prochaine métamorphose pour sauver son cul des méandres de la crise et pérenniser nos modestes emplois.
De Septembre à Décembre, c'est l'enfer. Nous connaissons de fortes amplitudes horaires, toujours au volontariat, mais que je ne refuse jamais et dés le mois d'octobre nous attaquons des semaines de 6 jours sur 7.
Pour vous donner une idée, dés le mardi soir je suis aussi fatigué que le vendredi soir en temps normal. Et plus le temps passe moins je suis fait pour ces lamentables conneries. Mais il faut bien bouffer et même si je m'approche de la cinquantaine, je fais contre mauvaise fortune bon coeur.
Notre service n'a pas de "mobylette monte charge" pour aller chercher des utilitaires lourds dont nous avons besoin pour effectuer notre travail (Bacs de stockage, Socles à roulettes... généralement entassés sur des palettes européennes dans l'attente d'être utilisées). Aussi lorsque j'arrive à m'emparer d'un plein chariot élévateur au sein d'un autre service durant 15 ou 20 minutes, j'en profite pour faire la provision de denrées de travail pour le jour en cours et le jour qui s'en vient.
En fin de journée, après avoir chargé la remorque de réassorts de livres, disques et DVD pour les magasins parisiens, il nous faut impérativement bloquer la marchandise en question (qui est servie sur des socles à roulettes) avec une charge lourde, afin que le camion dans son déplacement ne les fasse pas bouger, voire tomber. Nous utilisons pour cela des palettes de bacs gris pliés qui se chargent avec efficience de ce service.
Seulement lorsque on débarque sur son lieu de travail, au moment de la prise de poste et qu'on découvre que les palettes de bacs gris que l'on s'était mis de côté la veille ont disparues, on s'énerve une première fois en se disant, "bon, certains avaient semble-t-il besoin des palettes en questions et se sont servis... que Dieu leur pardonne !" Et on passe à autre chose. Par contre lorsque ça se reproduit une seconde fois, sachant que l'obtention d'un chariot téléporté pour aller dans le fin fond de l'entrepôt chercher les palettes de bacs gris en question équivaut à une Croisade, on commence à fulminer sérieusement, tel un taureau lâché dans le centre le l'arène et prêt à en découdre.
Aussi, et afin que la chose ne se reproduise plus, on s'arme d'un esprit ironique et sévère, laconique et acide, et on rédige une note digne de ce nom pour éloigner les malfaisants.
Cela fait 20 ans que je travaille dans l'entreprise qui est la mienne. Longtemps tout dévoué à une cause musicale, je n'ai jamais cherché à évoluer professionnellement, ne me servant de mon emploi que pour subvenir à mes besoins, consacrant la majeure partie de mon temps à un groupe de Rock... et ce durant un peu plus de 15 ans. Cependant j'ai une certaine réputation à mon travail : il ne faut pas me faire chier et les cadres comme les syndicats se tiennent plutôt en dehors de mon chemin, à l'exception des très rares personnes qui ont compris mon mode de fonctionnement et qui acceptent d'avoir une vie sociale avec moi. Les autres se contentant de tenir leur distance ou de me snober afin de bien me faire comprendre que, socialement, ils me dominent... tout en sachant intimement qu'ils ne pourront JAMAIS tenir tête à la personne que je suis sur le plan des idées, de la culture et... qui ne font que bomber le torse et sortir leurs pics en plastique afin de tenter, maladroitement, de m'impressionner. Mais passons... Là n'est pas le propos.
Je rédige donc un mot en faisant preuve de second degré et de beaucoup d'humour. Note que je m'empresse de coller sur les palettes de bacs que je me mets de côté quotidiennement, comme je vous l'ai expliqué... et j'attends les réactions...
"Aux petits malins qui n'ont pas assez d'huile de coude pour se retirer les pouces du cul et aller se chercher leurs bacs eux-mêmes, sachez que je vous ai à l'oeil. Si je vous attrape, je vous clouerai sur une planche et je vous regarderai sécher. Je me réjouis d'avance."
Et je signe de mon diminutif, Nebo, connu de tous.
Je colle les mots sur mes piles de bacs vers 13h00. Je commence mes horaires à midi.
Vers le milieu de l'après-midi, mon attente est comblée.
Ma responsable directe, appelons-la "MN", m'appelle sur mon téléphone de poste pour me demander de venir sur le lieu de l'outrage et du délit ! Je me précipite pour trouver deux noirs redoutablement remontés contre ma personne et singulièrement énervés. Le plus grand et le plus costaud prend aussitôt la parole, avec un accent à découper au couteau et s'ensuit un échange, entre lui et moi, sous le regard médusé de ma responsable et des siens que je vais tenter, au mot prêt de vous retranscrire ici le plus fidèlement possible. Appelons-le Mahmadou !
Mahmadou : C'est pas bien ce mot que t'as écrit !
Moi : Cher monsieur, il semblerait que vous n'ayez pas le sens de l'humour, ni celui de l'ironie, je vous demande cependant de bien avoir l'amabilité de me vouvoyer car nous n'avons élevé ni les poules ni les chèvres ensemble.
Mahmadou : Chacun son point de vue. Pour moi tes propos sont inadmissibles et je te dirais "tu" si j'en ai envie.
Moi : Et bien adonnons-nous à un inventaire détaillé : qu'est-ce qui vous a à ce point dérangé dans ma note cinglante ?
Mahmadou : Saint quoi ?
Moi : Cinglante.
Mahmadou : Est-ce que tu réalises que si nous étions dehors je te casserais la gueule ?
Moi : Je réalise surtout que devant les personnes de votre sorte je ne baisserai jamais les yeux. Jamais.
Mahmadou : Franchement, "huile de coude", "pouces dans le cul", ce ne sont pas des choses que l'on doit dire à l'endroit de ses collègues salariés !
Moi : Cher môssieur, sâchez que vous aurez beau chercher en Grandes Surfaces ou en Pharmacie vous ne trouverez nulle part de l'huile de coude en bouteille... quant aux pouces dans l'cul, c'est au sens figuré... non au sens propre. Connaissez-vous la différence entre sens figuré et sens propre ?
Mahmadou : ???? !!!! ????
Moi : C'est comme pour se faire enculer, au sens propre ça peut être très agréable, au sens figuré ça ne l'est jamais ! Et j'ai un anus qui est sensible... au sens propre comme au sens figuré !
Mahmadou : !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ???? !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
(Il me jette une boule de papier et commence à gronder ! Ma Responsable, MN, s'interpose entre lui et moi.)
Moi : Si vous ne vous sentez pas concerné par ma note cinglante, je ne vois pas pourquoi vous vous mettez dans un tel état ?!! A moins que ce soit vous qui m'ayez substitué mes piles de bacs ou alors que vous sachiez qui l'a fait.
(A ce moment l'autre noir regarde ses chaussures en se mordant les lèvres.)
Mahmadou : En tant que représentant du personnel je ne puis tolérer que l'on s'adresse ainsi à ses collègues de travail. Clouer sur une planche !!! C'est quand même fort de café !
Moi : "Représentant du personnel" ?!!! MAIS IL FALLAIT COMMENCER PAR Là !!! Le voilà-t-y pas qui s'sent investi d'une mission presque divine, une sainte croisade. De quoi justifier ses galons. Eh ! Môssieur, vous représentez qui vous voulez, mais pas moi... je n'ai pas voté pour vous et votre clique de staliniens mal baisés.
Mahmadou : Quoi ???!!!!
Moi : Si vous étiez un poivron ou un piment, je puis imaginer que je vous aurais volontier cloué sur une planche pour vous laisser sécher en plein soleil, mais comme vous êtres un homme, je ne puis m'imaginer vous le faire même en temps de guerre et même si l'envie ne me manquait pas de le faire. Ironie cher collègue... Ironie !
Mais à ce moment-là, MN me repousse et me dit d'aller voir gentiment ailleurs si j'y suis.
Fin du semblant de pugilat !
Il est une nouvelle race de "représentants du personnel"... qui nous promet de langoureux lendemains. J'attends les suites disciplinaires, éventuelles, de cette affaire rigolote à pleurer.
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