02/12/2012
Ses règles sont continues et toujours nettes
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« Ses règles sont continues et toujours nettes. L’argent s’attire lui-même, cherche à s’agglomérer aux mêmes endroits, va de préférence aux scélérats et aux médiocres ; puis, lorsque par une inscrutable exception, il s’entasse chez un riche dont l’âme n’est ni meurtrière, ni abjecte, alors il demeure stérile, incapable de se résoudre en un bien intelligent, inapte même entre des mains charitables à atteindre un but qui soit élevé. On dirait qu’il se venge ainsi de sa fausse destination, qu’il se paralyse volontairement, quand il n’appartient ni aux derniers des aigrefins, ni aux plus repoussants des mufles.
Il est plus singulier encore quand, par extraordinaire, il s’égare dans la maison d’un pauvre ; alors il le salit immédiatement s’il est propre ; il rend lubrique l’indigent le plus chaste, agit du même coup sur le corps et sur l’âme, suggère ensuite à son possesseur un bas égoïsme, un ignoble orgueil, lui insinue de dépenser son argent pour lui seul, fait du plus humble un laquais insolent, du plus généreux, un ladre. Il change, en une seconde, toutes les habitudes, bouleverse toutes les idées, métamorphose les passions les plus têtues, en un clin d’œil.
Il est l’aliment le plus nutritif des importants péchés et il en est, en quelque sorte aussi, le vigilant comptable. S’il permet à un détenteur de s’oublier, de faire l’aumône, d’obliger un pauvre, aussitôt il suscite la haine du bienfait à ce pauvre ; il remplace l’avarice par l’ingratitude, rétablit l’équilibre, si bien que le compte se balance, qu’il n’y a pas un péché de commis en moins.
Mais où il devient vraiment monstrueux, c’est lorsque, cachant l’éclat de son nom sous le voile noir d’un mot, il s’intitule le capital. Alors son action ne se limite plus à des incitations individuelles, à des conseils de vols et de meurtres, mais elle s’étend à l’humanité tout entière. D’un mot le capital décide les monopoles, édifie les banques, accapare les substances, dispose de la vie, peut, s’il le veut, faire mourir de faim des milliers d’êtres ! »
Joris-Karl Huysmans, Là-bas
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01/12/2012
La seule logique de notre monde...
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« La disparition de toute hiérarchie supérieure à celle de l’argent et, par conséquent, de tout pouvoir supérieur à celui de l’argent, fait peser de tout leur poids sur nos têtes les nécessité de l’économie. Celles-ci se développent comme une logique propre qui tend à devenir la seule logique de notre monde. Elle étend sur nous ses impératifs auxquels nous sommes en réalité étrangers et nous les impose comme les lois de notre propre vie. Nous marchons comme des forçats sur les berges du beau fleuve Vendre-Vendre-Vendre le long duquel nous halons le bateau des prêteurs. Les yeux fixés sur la balance des exportations, sur les cadrans de la circulation monétaire, les ingénieurs ajustent et généralement raccourcissent la longe qui nous permet nos propres mouvements. Au-dessus d’eux, point de princes, point de fouets qui tournoient. Ils calculent, pilotent, répartissent. Ils gardent pour eux quelques rares clous d’or et nous distribuent des billes d’agates que nous appelons nos joies et nos libertés. »
Maurice Bardèche, Sparte et les sudistes
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30/11/2012
La "pauv’ fille" au grand cœur qui aura inspiré tant de chansons d’amour
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« La prostitution. Ce mot-là à lui tout seul vaut son pesant de préservatifs. Il fait vendre les journaux et frétiller les "ratés de la bagatelle", comme le chantait si drôlement Patachou. "Le Nouvel Observateur" dénonce cette semaine "les nouvelles filières de la prostitution", ça ne mange pas de pain et ça plaît toujours. On se doutait bien que les choses n’allaient pas être simples à régler et l’angélisme du ministre nous amuse beaucoup. Nicolas Sarkozy aura beau faire le malin, il ne parviendra pas mieux que ses prédécesseurs à nettoyer les trottoirs, à "interdire la prostitution". Quelle drôle d’idée ! On l’a connu mieux inspiré, le cher Nicolas. Qu’il passe par les armes tous les proxénètes qui lui tomberont sous la main, nous ne demandons pas mieux. Pour le reste, qu’il se calme.
Interdire la prostitution, et pourquoi donc ? Il faut la légaliser au contraire, rouvrir les maisons closes de si belle mémoire. La "pauv’ fille" au grand cœur qui aura inspiré tant de chansons d’amour, de romans, de films, de fantasmes, il faut la mettre en maison, à l’abri des salopards qui la massacrent. Il faut nous garder les filles au chaud pour soigner nos cœurs blessés.
Il faut rouvrir d’urgence les maisons closes. Dans un même élan de générosité et d’amour, il faudrait rouvrir aussi les maisons de correction où l’on dressait si bien les mauvais garçons à coups de trique. Le bon temps que celui-là du tapin tranquille. On peut faire confiance à Genet. Il faut rouvrir les maisons de correction. Si l’on manque d’argent, on pourrait fermer les maisons de la culture où l’on joue des pantalonnades subventionnées par nous, où des troupes de gugusses intouchables se payent notre tête à nos frais. »
Pascal Sevran, Le privilège des Jonquilles
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29/11/2012
J’ai le droit d’exiger l’obéissance parce que mes ordres sont raisonnables
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« — Je voudrais voir un coucher de soleil… Faites-moi plaisir… Ordonnez au soleil de se coucher...
— Si j’ordonnais, dit le Roi, à un général de voler d’une fleur à l’autre à la façon d’un papillon, ou d’écrire une tragédie, ou de se changer en oiseau de mer, et si le général n’exécutait pas l’ordre reçu, qui, de lui ou de moi, serait dans son tort ?
— Ce serait vous, dit fermement le petit prince.
— Exact. Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner, reprit le roi. L’autorité repose d’abord sur la raison. Si tu ordonnes à ton peuple d’aller se jeter à la mer, il fera la révolution. J’ai le droit d’exiger l’obéissance parce que mes ordres sont raisonnables. »
Antoine de Saint Exupéry, Le Petit Prince
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28/11/2012
Il habite avec nonchalance le pays des morts
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« Mercredi 21 septembre 2011 : J’ai beau me saouler de travail et ne sortir pratiquement pas de cette bibliothèque, je bois à grandes lampées l’élixir de septembre, qui d’ailleurs n’est nulle part si enivrant qu’entre ces pans de livres. Les Pyrénées complaisantes, pour la première fois de la saison, sont apparues dans le soleil au-dessus de la canopée, comme en hiver. Pourtant nous sommes encore en été, je crois bien. Le matin semblait le penser aussi, sans y tenir plus que cela. C’est cela, l’enchantement de septembre : il n’y tient pas. Creusé qu’il est du temps qui fut (weather aussi bien que time), il habite avec nonchalance le pays des morts. Je regrette de m’être laissé influencer une ou deux fois déjà, jadis et naguère, par mon entourage qui a poussé les hauts cris à l’idée d’un volume de ce journal qui se serait appelé Septembre absolu. C’est pourtant bien de cela qu’il s’agit. Toute la journée s’est écoulée dans la splendeur discrète de ce mois détaché des choses, tranquillement revenu de tout, et qui n’en fait pas une affaire. Entré sans manières par les fenêtres, il prenait ses aises entre les rayonnages, dans les fauteuils, sur les tapis, jusqu’entre les dalles de notre carrelage décrié. Nous vivons sans doute les dernières heures de l’absolutisme. C’est aussi ce qui le rend irrésistible. »
Renaud Camus, Septembre absolu
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27/11/2012
Tristes vies de cons
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« Si les gens vivent leurs tristes vies de cons dans ces mornes pays de cons, c’est parce qu’ils ont la trouille. Il leur faut la Sécurité, le Confort et la Dignité. Voilà ce que je pensais. Ils n’aiment pas se fatiguer, ils bouffent comme des vaches, ils boivent l’apéro, ils discutent de conneries à perte de vue, ils jouent aux courses, ils s’intéressent au football, ils prennent du bide sans se dégoûter d’eux-mêmes, ils s’en foutent d’être moches répugnants mous dégueulasses pourvu qu’ils aient une cravate, de se faire chier dix heures par jour et toute la semaine et toute la vie pourvu qu’ils aient la paye et le cinoche avec Maimaire le samedi. »
François Cavanna, Les Ritals
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26/11/2012
L'électeur
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« Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne disent rien, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit. »
Octave Mirbeau, La Grève des électeurs
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