14/03/2013
Longtemps la France a été orthodoxe
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« Longtemps la France a été orthodoxe ; sainte Geneviève et saint Denis de Paris, saint Irénée de Lyon, saint Martin de Tours, saint Cassien de Marseille sont des saints orthodoxes ; de nos jours, des savants orthodoxes se sont attachés à redonner vie à l’ancien rite gallican qui est, selon eux, plus conforme au génie français que la messe latine et la liturgie byzantine. Canoniquement, la France cesse d’être orthodoxe avec le grand schisme de 1054 où, comme toute l’Europe occidentale, elle bascule du côté de Rome ; mais, nonobstant les canons, l’Église de France demeure orthodoxe de cœur et d’esprit jusqu’à la fin de l’ancien régime.
Ce n’est qu’au XIXe siècle, avec la promulgation par Rome des dogmes de l’immaculée conception et de l’infaillibilité pontificale, que la rupture entre l’orthodoxie et la chrétienté occidentale est véritablement consommée. De même que Bernanos a montré que le nationalisme de Maurras a sa source dans la révolution jacobine de 1793, de même il me serait aisé de montrer que c’est l’anticléricalisme "républicain" qui a jeté les catholiques français dans les bras des prélats romains : l’ultramontanisme exacerbé d’un Joseph de Maistre est né de l’abaissement de l’Église de France ; au grand siècle, jamais les meilleurs des catholiques français n’auraient accepté ce dogme de l’infaillibilité pontificale, si contraire à la tradition gallicane, à la discipline de l’Eglise indivise des dix premiers siècles, à l’enseignement des Pères.
L’orthodoxie n’est donc pas en France une étrangère : elle y est chez elle ; elle y a ses racines profondes. Et cela est naturel, puisque l’orthodoxie n’est rien que le christianisme, dans sa plénitude lumineuse. Identifier, comme on le fait parfois, l’orthodoxie et le christianisme oriental est une absurdité. De même qu’en Christ il n’y a "ni Juif ni Grec" (saint Paul), de même dans l’Église, qui est le corps du Christ, il n’y a ni Orient ni Occident : n’en déplaise à ceux qui s’extasient à la vue d’évêques chinois ou africains, le concept d’"Eglise universelle" n’est pas géographique ; il n’est pas non plus quantitatif : si la chrétienté entière tombait dans l’hérésie, fors un seul croyant demeuré dans la vraie foi, ce serait en cet unique juste que, fût-il le plus humble des laïcs, se resserrerait l’Eglise universelle. »
Gabriel Matzneff, Le sabre de Didi
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