07/04/2013
Crever de satisfaction toutes les trois minutes !
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« Lundi 23 janvier 1989. – J’apprends autour de midi qu’à l’instant même où je me suis réveillé ce matin (10 h 13), Salvador Dali est mort ! II fait très beau et le vieux Dali est mort. 84 ans… II en faisait 153... Encore un qui s’est régalé toute sa vie ! Ça rend moins triste sa mort, même si elle réduit un peu les défis que lui a lancés Salvador... II faut faire attention quand on est vivant : trop délirer sur la mort, ne parler que de ça, spéculer, anticiper, extrapoler dessus peut nuire à sa vie, une fois la mort venue. Dali a tellement travaillé sur la mort de son vivant, espérant qu’au dernier moment, "ça s’arrangerait", qu’aujourd’hui où il est mort comme tout le monde (sic !), tout ce qu’il a dit de génial sur et contre la mort est un peu caduc. Les médias sortent leurs clichés tout prêts et moqueurs sur ce surhomme qui les a tant "crétinisés". Il y a déjà une chaîne de télé qui a proposé un sondage: "Selon vous, Dali est-il immortel ?" C’est le populo français qui va donner son visa à un tel artiste pour le paradis ou non !!! Aberrante fin de siècle... Dali a bien fait de vivre au début. Je l’envie. Pour nous, la génération qui "monte", un sort pire-que la mort nous attend.
Pauvre Dali ! II n’était pas beau à voir depuis son incendie (il avait pris feu comme une de ses girafes) de 1984. Sonde narinale, yeux de poisson mort, lèvre molle comme une montre, moustache à la Meissonier, le tout sur fauteuil roulant. La vie, toujours secrète, l’a fini sous la tente à oxygène. Va-t-on l’hiberner ? Le congeler dans un bain d’azote liquide ! II en avait assez rêvé ! Finalement, on va l’enterrer sous la coupole de son musée à Figueras : le cadavre exquis devrait tenir trois cents ans, près du palmier de verre, des vénus à tiroirs et des fourches coquines … Quel bric-à-brac! Le crétinisateur catalan en a foutu partout : des homards-téléphones, des béquilles, des avions de viande, des brouettes contorsionnées, des omelettes écrasées, des côtelettes crue, des choux-fleurs, des ânes pourris, des éléphants à pattes de girafes (comme dans les fabuleuses Tentations de saint Antoine), des pianos à queue mous, des femmes-voiliers et des centaures marsupiaux !... Et pourtant tout ça a du sens. Le pain, par exemple, Dali l’a très bien utilisé dans ses échos eucharistiques permanents : celui avec lequel il a débarqué à New York (une baguette de plusieurs mètres de long) est comme sa croix sur l’épaule et son tableau de 1932 représentant un Pain français moyen avec deux œufs sur le plat sans le plat, à cheval essayant de sodomiser une mie de pain portugaise va très loin...
Tout le monde se demandait quel était le rapport entre "La Dentellière" de Vermeer et le rhinocéros François du zoo de Vincennes devant lequel Dali vient copier le chef-d’œuvre flamand... En dehors de sa composition en diagonale, que Dali a vue tout de suite et qu’il redécompose en cornes de rhinocéros, ce que Dali n’a pas vu et qu’il est le seul à avoir dit qu’il n’avait pas vu, c’est l’aiguille de la dentellière ! En effet le génie de Vermeer, c’est de concentrer toute la présence de sa dentellière sur un travail dont il omet exprès de peindre l’instrument ! Toute la "musique" de ce tableau tourne autour de ce saphir invisible ! Cette aiguille qu’on ne voit pas, Dali la retrouve dans la corne du rhinocéros. C’est la corne (aphrodisiaque, etc.) de François qui devient l’aiguille agrandie qui manque au Vermeer. Sans le rhinocéros qui nous restitue son aiguille, on ne peut plus supporter de regarder "La Dentellière" : voilà sa conclusion. Rien d’absurde ni de surréaliste là-dedans. Je pourrais citer cent autres exemples du non-n’importe quoi dalinien...
Faire de la gare de Perpignan le centre du monde c’est pour Dali élire un lieu banal et le décrypter comme on décrypte une devinette d’Épinal ou un Jeu des sept erreurs, jusqu’à découvrir des richesses métaphysiques et pourquoi pas mystiques. C’est une opération du plus grand sérieux que Villiers de l’Isle Adam, avec ses intersignes, Bloy avec ses lieux communs et Raymond Roussel avec ses étiquettes de bouteilles d’Évian avaient déjà accomplie à leur façon... La subversion ce n’est pas seulement faire du beau avec du laid comme les contemporains de Dali s’y employèrent : c’est de trouver une âme à ce qui n’en a pas... Traquer le réel dans sa "rayonnante objectivité" a permis à Dali de découvrir que l’univers était limité mais d’un seul côté. Pour lui, tout commence à la gare de Perpignan : c’est là que Dali ressent la courbure de l’espace, comme, d’ailleurs, il a ressenti avant de mourir que le temps était si courbe qu’on devrait logiquement se souvenir du futur... Logiquement, voilà le fin mot de Salvador Dali. Lorsqu’il fait prendre toutes les mesures possibles de la gare, de ses guichets, de ses voies de ses affiches d’horaires, ce n’est pas gratuitement délirant, bien sûr... C’est un combat ! C’est "la guerre de Perpignan" comme l’ ont coquillé les typos dans un de ses livres… Peut-être 1a mort de Dali va-t-elle effacer pour mieux le faire apparaître (comme dans ses images invisibles) le personnage du "Avida Dollars" rouleur d’yeux, de r, et de bourgeois dans la farine, brandisseur de cannes, croqueur de chocolat Lanvin, bambocheur de noubas franquistes à l’hôtel Meurice, à genoux devant sa Gala imbandante ? J’en doute. Il en a trop fait dans ce sens : ses faiblesses, au contraire, vont ressortir d’autant plus fort qu’il est vraiment mort. D’ailleurs, par rapport aux excentricités de Dali, je trouve que la nécrologie se met bien timidement en route sur toutes les ondes...
Pour les journalistes, Dali faisait un numéro entre Groucho Marx et le Henri IV de Pirandello, mais on sait (et Paudras, qui est allé le voir à Cadaquès à la fin des années 50, me l’a souvent dit) que le Dali intime n’était évidemment pas plus puant que Miles Davis ou une autre star terrorisante de l’Art. Il travaillait sa paranoïa, c’est tout. Comme tous les artistes, d’ailleurs... Après c’est une histoire d’extase, de technique extatique.
Toutes ses madones corpusculaires et ses vierges explosives, ses anges nucléaires et ses visages de saints désintégrés dans les sphères par myriades de particules le démontrent assez...
Dali excellait dans l’extase. Quand on lui demandait ce qu’il y avait de plus important dans la vie, il répondait : "Crever de satisfaction toutes les trois minutes !" Très précisément (j’ai toujours adoré la précision de Dali dans ses interventions télévisées ou écrites), il a exprimé sa pratique de la déception comme orgasme... L’échec est pour lui jubilatoire, le miracle du sabotage le fait pleurer de joie... Qu’est-ce que je pourrais trouver à redire moi qui ai fait ça toute ma vie ! Le vrai triomphe, c’est le désastre. Dali adore inverser au dernier moment la puissance du moteur érotique : il imagine des combinaisons raffinées, suaves, et met en branle son "désir ardent que rien n’arrive"... Il exulte sous "le recroquevillement glacé" et "l’annonciation stupéfiante"...
Bien sûr, Dali se compare à Hitler qui a lui aussi organisé sa catastrophe : pour lui, Hitler était avant tout un maso qui souhaitait l’abîme : "Il a cherché l’orgasme suprême dans la colossale faillite. Le doigt sur la gâchette, il a dû partir en pleine jouissance : il en avait pour son argent." Ces cons de surréalistes ont fait des grimaces de saintes-nitouches en entendant les dalineries si drôles ! Qui a moins d’humour qu’un surréaliste ? Choqués comme des vierges de la "vérité de l’homme", ces bourgeois coincés moralisateurs staliniens (pour Dali, Staline est un forgeron) n’ont su que vilipender Dali parce qu’il se servait d’Hitler comme métaphore sexuelle (quatre couilles et six prépuces) et de Lénine comme apparition sur les touches d’un piano ou en porte-jarretelles avec une longue fesse molle soutenue par une béquille !...
Dali a dit et redit qu’il n’a vu chez ces misérables avortons d’André Breton que de petits idéologues prétentieux obéissant à des motivations qui n’avaient rien à voir avec la politique... Je retrouve cette page impeccable tirée des mémoires de Salvador et que je devrais distribuer comme tract au Tout-Paris qui me fait chier, moi, depuis trop longtemps sur ces questions-là :
"La politique me paraît être un cancer qui ronge la poésie. J’ai vu bien de mes amis se dissoudre dans l’action politique et y perdre leur âme en voulant la gagner. Le social, l’économie me paraissent dérisoires, vains et surtout faux – une science inexacte par excellence ; un miroir aux alouettes pour piéger dans des contradictions inextricables les artistes, les intellectuels, c’est-a-dire les plus mal armés pour résister aux appels aux sentiments. On veut les mobiliser pour défendre des causes qui, de toute façon, trouveront leur solution par le jeu naturel des forces de l’histoire et où l’intelligence n’a qu’une place infime. La poésie et l’art sont les grands sacrifiés de l’événement historique. Ne pas s’en mêler me paraît être la seule méthode d’action et d’autodéfense efficace. La seule honnêteté par rapport à cette poésie que l’on porte en soi comme une flamme rare et délicate."
Ça c’est pensé ! Et vécu ! Et bien dit ! Je suis conscient qu’un discours si clair et vrai, si naturel pour un artiste apparaîtrait, plus de cinquante ans après, comme tout autant scandaleux !… Où est la provocation ? Il n’y a que des curetons ideologistes partout pour freiner un type qui a autre chose en tête que d’essayer de "changer la société". Et si on juge les moyens de Dali puérils, qu’on fasse mieux ! Qu’on fasse mieux que d’aligner sur une table des encriers avec un porte-plume dedans, alternés avec des œufs au plat (un encrier, un œuf, un encrier, un œuf, un encrier, jusqu’au dernier œuf avec planté dedans... un porte-plume) ! Qu’on fasse mieux que de prendre les lèvres de Mae West pour en faire un canapé rouge ! Qu’on fasse mieux que de mélanger les faces de Marilyn Monroe et de Mao Tsé-toung ! Qu’on fasse mieux que de peindre des natures mortes aux objets vivants, des crânes en forme de femmes nues ou qui se terminent en pianos s’envolant, des aréoles en forme d’escargots, des palanquins d’éléphants en obélisques, des cadillac habillées en robes de soirée et des chiens dormant sous la peau de la mer !... Autant d’images qu’on ne peut pas oublier et qui sont sorties de ce cerveau irrespectueux de Dali, l’immoral adorateur de l’or et de la merde (pour lui, les vraies couleurs nobles sont celles de l’excrément : d’ailleurs, à la cour de France, paraît-il, on analysait les nuances du caca du roi Louis XIV pour en tirer les couleurs de la mode vestimentaire de tous les courtisans) !... C’est facile de dire que c’est facile à dire !
Mon combat (comme dirait l’ "idole" de Dali féminisée wagnériennement par la bretelle de sa tunique de cuir qui sangle sa chair "plus divine que celle d’une femme à la peau blanchissime"), c’est de revaloriser absolument l’art, la métaphysique et la mystique contre la prédominance disproportionnée à mon époque (et aussi à celle de Dali) du social, du politique et du moral. Est-ce clair ? Les esprits faits pour tirer les conséquences poétiques des réalités de l’univers ne doivent pas être entravés par l’idéologie omnipotente ; nous devons résister au faux sérieux du prétendu réel exacerbé par la propagande des cuistres moralisateurs !
Dali ne disait presque jamais de conneries. Quand il affirmait qu’il était un génie, tout le monde se foutait de sa gueule, mais quand il disait en même temps qu’il était un mauvais peintre, personne ne le croyait ! Pourtant, c’était la vérité ! La petite bourgeoisie des amateurs d’art est si bête qu’elle ne peut pas concevoir un génie authentique qui soit un artiste médiocre. Lucide sur lui-même, Salvador avait toujours raison. Il avait suffisamment compris Vélasquez et Vermeer pour savoir que sa peinture d’imitation classique (mais aussi maladroite dans son fantasme antimoderniste que celle de Chirico) ne tenait pas le coup picturalement. A part l’année 33 – indiscutablement sa meilleure époque (je les ai bien regardées), les toiles de Dali sont très mauvaises. La technique fait illusion, mais on est sans arrêt dans le "bien peint", les glacés et les léchés. Dali admirait – comme Picasso - la technique de Juan Gris, l’Espagnol n°1, et savait donc que la sienne était rudimentaire dans sa "perfection" pompière. En deux touches, Gris écrasait tout le monde sans faire du sous-Raphaël, et quelles compositions ! Autant Dali voyait ce qu’il y a de surestimé chez Cézanne ("ce peintre qui toute sa vie a cru peindre des pommes concaves et qui a peint des pommes convexes"), autant il savait que ses fameux cinquante secrets pour peindre (j’ai lu et relu ce livre dès 1977) ne servaient à rien quand on n’est pas doué. Car Dali n’était pas doué, ni en dessin, ni en peinture. En revanche, quelle génialité permanente dans l’automanipulation des fantasmes et des clichés ! Imagier de génie qui sait parfaitement ce qu’il a fait, Dali n’a cessé d’inventer des mythes d’une intelligence d’échos extraordinaires. Je ne parle même pas de sa puissance de show-man ! La mythification de l’Angélus de Millet par exemple, au Vingtième Siècle, ce n’est pas rien. Transformer ces deux paysans peints par un "calendriériste" en moment mystique hallucinatoire qui les fait se retrouver en ruines monumentales au crépuscule (Réminiscence archéologique de l’Angélus de Millet) ou bien en saints "couvant" un piano à queue ou un christ perpignanesque ou encore en couple de galets géants mous et troués comme dans l’extraordinaire Angélus architectonique de Millet et bien sûr dans toute la série des illustrations des Chants de Maldoror (milletiser Lautréamont béquilles à l’appui), quelles trouvailles !
À propos d’illustrations, celles que je ne connais pas sont les dessins de Dali d’après les poèmes de Mao Tsé-toung ! J’aimerais voir ça ! Après les Don Quichotte tachistes à l’arquebuse (sic !), après les gluantes aquarelles pâles pour La Divine Comédie et Les Métamorphoses érotiques où Dali relie le croquis didactiques de planches d’histoire naturelle pour en faire des scène zoologico-pornos très années 30...
Le grand livre dalinien, c’est bien sûr le Dali de Draeger (de mai 68 !), énorme et lourd, et doré comme une boîte de chocolats... Je le ressors ce matin … Royal ! J’ai eu ça pour un Noël, gosse. Il me tombe en lambeaux depuis : la colle a fondu, mollement : les pages s’arrachent quand on les tourne mais quel monument ! Les images (je ne pourrai jamais appeler ça de la peinture) sont classées par thèmes : la guerre, le paysage, Gala, le mysticisme, l’espace-temps, Oneros, vers un classicisme impérial... Dali regarde en gros plan des herbages de Meissonier pour prouver que c’est mieux que Pollock et il "barbouille" une bagarre d’Arabes au blanc de zinc pour prouver que Dali est encore meilleur que ces deux peintres-là (ce tableau m’avait impressionné quand j’avais douze ans) !
Le grand format du livre et les agrandissements de détails donnent de l’air à certains tableaux réussis (Construction molle avec des haricots bouillis), mais remettent les autres au niveau des pompiérités qu’ils sont (Bataille de Tétouan Galacidallahcidesoxyribonucléique, Léda Atomica et autres Cène nulles)... Heureusement, il y a d’autres images intenses de Dali. C’est sa force de mauvais peintre génial. Autoportrait mou avec du bacon grillé, le Crâne athmosphérique sodomisant un piano à queue, le Christ de saint Jean de la Croix plongée (vu de Dieu !), La Danse, Le Navire, Le Sommeil (qui vaut surtout par le couple de baiseurs dans les cratères de la lune...), le Pain anthropomorphe (avec selle en montre molle et encrier sur la "croupe"), l’extraordinaire Jeune vierge sodomisée par les cornes de sa propre chasteté (qui n’est pas pour rien dans mon goût de prendre une femme par-derrière et dont les cuisses de rhinocéros autobranleuses ont excité ma puberté...), et bien sûr La Pêche au thon que j’ai vu – avec Andréa de Bocumar,- à la Fondation Ricard en 68 ! Oui ! C’est même le premier tableau que j’aie vu en vrai dans ma vie. Le Zanine jouait chez Suzy (sic !), une boîte de Bandol. On allait à la plage avec le père Sardou (Fernand) – j’ignorais à l’époque qu’il avait tourné avec Clouzot dans "Les Espions" – et un jour on est allés voir "La Pêche au thon" que Dali avait à peine terminée (elle n’était pas encore sèche). Je me souviens de la lactescence azurée et phosphorescente de sa mer en bulles qui de bleue devenait rouge sang ! Comme c’est une grande toile et que j’étais petit, j’ai eu un grand choc : les pêcheurs nus, les sardines filantes, le couteau central, le play-boy en marcel devant et l’œil, l’œil du thon de gauche, je le revois encore... Toute ma poissonnerie vient de là, de cet œil de Caïn thon !...
Et puis, Dali, quel écrivain sans écriture ! Exactement comme ses œufs sur le plat sans le plat. Ses mots hélas réorthographiés par Michel Déon sont toujours justes, leur son jaune dégouline dans le sens du blanc. Ce serait parfait de lire Dali dans le sabir charabiatesque onomatopéique avec lequel il illustre la langue française... Tant pis, les deux livres de Dali – trois avec celui de Pauwels, "Les Passions selon Dali" (de loin meilleur que les autres monologues retranscrits par André Parinaud ou Alain Bosquet) – sont miraculeux de vérité et de drôlerie. C’est toujours La Vie secrète de Salvador Dali et le Journal d’un génie que je cite avec l’Autobiographie de Powys et l’ "Ecce Homo" de Nietzsche quand on me demande un conseil de lecture sur un homme qui a écrit sur lui-même. Ni écrivain ni philosophe, Dali tient le coup. C’est là-dedans qu’il explose d’idées et d’anecdotes, de partis pris et de fantasmes tous plus hilarants et cohérents les uns que les autres. S’il attaque, en vrac, Montaigne, Braque, Sartre, Le Corbusier, Bernard Buffet ("à peine laid "), Calder ("la moindre des choses qu’on puisse demander à une sculpture, c’est de ne pas bouger !"), Pollock ("le Marseillais de l’Abstrait"), Turner ("le plus mauvais peintre du monde"), Matisse (qui était réduit par Dali au bouton de sa braguette apparaissant sur une photo où ils étaient ensemble), ou Cézanne qui est allé chercher un dessinateur conventionnel à Aix pour "immortaliser" sa mère morte parce qu’il ne savait pas la dessiner, – c’est pour défendre avec autant de mauvaise foi Federico Garcia Lorca qui mimait si bien sa mort, Guillaume Tell, le marquis de Sade, Lautréamont, Gustave Moreau, Seurat, de Kooning, Duchamp, Gaudi, Raphaël, Picasso et, plus étonnant, deux de mes dieux de toujours, Harry Langdon ("supérieur à la musique") et Harpo Marx à qui il rêvait de faire jouer Néron dans un film... Même quand il note injustement les "cocus du vieil art moderne", Dali décoche toujours des flèches vraies. Il a raison : c’est ce qu’on se dit en lisant La Vie secrète, ce chef-d’œuvre que je relirais bien pour la vingt-septième fois aujourd’hui afin d’accompagner Dali dans la nouvelle de sa mort, si j’en avais le courage... »
Marc-Edouard Nabe, Journal Intime – Tome IV – Kamikaze
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