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02/11/2013

Chaque fois il met en jeu son être total, sa vie spirituelle entière

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

 

« Mais il n’échappera pas à son démon en le recouvrant de livres et de recueils. Subitement, en l’espace d’une nuit, d’une heure, le premier plan de vie de Kleist est détruit, c’en est fini de sa religion de la raison, de sa croyance en la science. Il a lu Kant, l’ennemi juré de tous les poètes allemands, leur séducteur et leur destructeur, et cette lumière froide, trop claire, éblouit son regard. Il se voit obligé de reconnaître la faillite de ses chères convictions, d’abjurer sa foi en la vertu de la culture, en la possibilité de connaître la vérité : "Nous ne pouvons pas déterminer si ce que nous appelons la vérité est vraiment la vérité ou si cela ne nous apparaît que comme tel." La "pointe de cette pensée le transperce au plus intime, au plus sacré de son être" et, profondément ébranlé, il s’écrie : "Mon but suprême et unique s’est effondré, me voilà sans objectif." Son plan de vie a croulé, Kleist est de nouveau seul avec lui-même, avec ce moi terrible, pesant, mystérieux, qu’il ne sait comment dompter. Et ce qui rend ses effondrements si atroces et si redoutables, c’est que chaque fois il met en jeu son être total, sa vie spirituelle entière. Quand Kleist perd sa foi ou sa passion, il perd tout ; ce qui fait son tragique et sa grandeur, c’est qu’il se donne toujours complètement et sans réserve à un sentiment, sans possibilité de revenir en arrière : jamais il ne peut se libérer autrement que par l’explosion et la destruction. »

Stefan Zweig, Le Combat avec le Démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche


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