06/11/2013
Ce secret de la pureté totale qu’il faut conserver avant tout
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« Cette fermeté intérieure, ce secret de la pureté totale qu’il faut conserver avant tout, cette volonté de se livrer de toute son âme à l’absolu de la vie, c’est là la force la plus vraie et la plus efficace d’Hölderlin, de ce tendre et humble adolescent. Il sait que la poésie, que l’infini ne peut être atteint en partageant son coeur et son esprit et en n’y consacrant qu’une partie superficielle et fugitive : celui qui veut annoncer les choses divines doit se vouer à elles, doit s’y sacrifier complètement. La conception qu’Hölderlin a de la poésie est d’ordre sacramentel : le poète véritable, celui qui a la vraie vocation, doit renoncer à tout ce que la terre donne aux autres humains, pour la seule faveur de pouvoir s’approcher de la divinité ; lui, le serviteur des éléments, il doit demeurer au milieu d’eux, dans une sainte inquiétude et dans un danger purificateur. On ne peut rencontrer l’infini que si l’on se donne à lui tout entier : tout partage de la volonté n’atteint qu’un but inférieur. Dès la première heure, Hölderlin comprend la nécessité de l’absolu : avant même de quitter le séminaire théologique, il est résolu à ne pas devenir pasteur, à ne jamais se lier étroitement à l’existence terrestre, mais à être uniquement « gardien de la flamme sacrée ». Il ne connaît pas la route à suivre, mais il sait quel est le but qu’il faut viser. Et comme, avec la merveilleuse puissance de l’esprit, il se rend compte de tout ce à quoi l’expose sa faiblesse devant la vie, il s’adresse à lui-même, pour se rassurer, ces paroles de consolation :
"Est-ce que tous les vivants ne sont donc pas tes frères ?
Est-ce que la Parque elle-même ne te nourrira pas, dans ton office ?
C’est pourquoi continue de passer tranquillement
À travers l’existence, sans avoir peur de rien.
Que tout ce qui arrive soit béni de toi."
Et c’est ainsi que, résolument, il entre sous le ciel de sa destinée. »
Stefan Zweig, Le Combat avec le Démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche
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