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10/11/2013

L’interrogation, la recherche et la chasse

=--=Publié dans la Catégorie "Friedrich Nietzsche"=--=

 

 

« Toutes l’excitent et aucune ne peut le retenir. Dès qu’un problème a perdu sa virginité, le charme et le secret de la pudeur, il l’abandonne sans pitié et sans jalousie aux autres après lui, tout comme Don Juan – son propre frère en instinct – fait pour ses "mille e tre", sans plus se soucier d’elles. Car, de même que tout grand séducteur cherche, à travers toutes les femmes, la femme, de même Nietzsche cherche, à travers toutes les connaissances, la connaissance – la connaissance éternellement irréelle et jamais complètement accessible. Ce qui l’excite jusqu’à la souffrance, jusqu’au désespoir, ce n’est pas la conquête, ce n’est pas la possession, ni la jouissance, mais toujours uniquement l’interrogation, la recherche et la chasse. Son amour est incertitude, et non pas certitude, par conséquent, une volupté "tournée vers la métaphysique" et consistant dans l’ "amour-plaisir" de la connaissance, un désir démoniaque de séduire, de mettre à nu, de pénétrer voluptueusement et de violer chaque sujet spirituel – la connaissance étant entendue ici au sens de la Bible, dans laquelle l’homme "connaît" la femme et par-là lui ôte son secret. Il sait, cet éternel relativiste des valeurs, qu’aucun de ces actes de connaissance, aucune de ces prises de possession par un esprit ardent, n’est réellement une "connaissance définitive" et que la vérité, au sens dernier du mot, ne se laisse pas posséder ; car "celui qui pense être en possession de la vérité, combien de choses ne laisse-t-il pas échapper !". C’est pourquoi Nietzsche ne se met jamais en ménage, en vue d’économiser et de conserver, et il ne bâtit pas de maison spirituelle ; il veut (ou peut-être y est-il forcé par l’instinct nomade de sa nature) rester éternellement sans possession, le Nemrod qui, solitaire, porte ses armes errantes dans toutes les forêts de l’esprit, qui n’a ni toit, ni femme, ni enfant, ni serviteur, mais qui, en revanche, possède la joie et le plaisir de la chasse ; comme Don Juan il aime non pas la durée du sentiment mais les "moments de grandeur et de ravissement" ; il est attiré uniquement par les aventures de l’esprit, par ces "dangereux peut-être" qui vous font plein d’ardeur et vous stimulent tant qu’on les poursuit, mais qui ne rassasient pas dès qu’on les atteint ; il veut non pas une proie mais (comme il se décrit lui-même dans le Don Juan de la connaissance) simplement l’ "esprit, le chatouillement et les jouissances de la chasse et des intrigues de la connaissance – jusqu’à ses plus hautes et plus lointaines étoiles –, jusqu’à ce que finalement il ne lui reste plus rien à chasser que ce qu’il y a dans la connaissance d’infiniment malfaisant, comme le buveur qui finit par boire de l’absinthe et des alcools qui sont de véritables acides". »

Stefan Zweig, Le Combat avec le Démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche


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