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27/12/2013

Quand le Rien affleure dans les signes, quand le Néant émerge au coeur même du système de signes, ça, c’est l’événement fondamental de l’art...

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« L’art jouant de sa propre disparition et de celle de son objet, c’était encore un grand oeuvre. Mais l’art jouant à se recycler indéfiniment en faisant main basse sur la réalité ? Or la majeure partie de l’art contemporain s’emploie exactement à cela : à s’approprier la banalité, le déchet, la médiocrité comme valeur et comme idéologie. Dans ces innombrables installations, performances, il n’y a qu’un jeu de compromis avec l’état des choses, en même temps qu’avec toutes les formes passées de l’histoire de l’art. Un aveu d’inoriginalité, de banalité et de nullité, érigé en valeur, voire en jouissance esthétique perverse. Bien sûr, toute cette médiocrité prétend se sublimer en passant au niveau second et ironique de l’art. Mais c’est tout aussi nul et insignifiant au niveau second qu’au premier. Le passage au niveau esthétique ne sauve rien, bien au contraire : c’est une médiocrité à la puissance deux. Ça prétend être nul : “Je suis nul ! Je suis nul !” ­et c’est vraiment nul.

Toute la duplicité de l’art contemporain est là : revendiquer la nullité, l’insignifiance, le non-sens, viser la nullité alors qu’on est déjà nul. Viser le non-sens alors qu’on est déjà insignifiant. Prétendre à la superficialité en des termes superficiels. Or la nullité est une qualité secrète qui ne saurait être revendiquée par n’importe qui. L’insignifiance ­ la vraie, le défi victorieux au sens, le dénuement du sens, l’art de la disparition du sens­ est une qualité exceptionnelle de quelques oeuvres rares, et qui n’y prétendent jamais. Il y a une forme initiatique de la nullité, comme il y a une forme initiatique du rien, ou une forme initiatique du Mal. Et puis, il y a le délit d’initié, les faussaires de la nullité, le snobisme de la nullité, de tous ceux qui prostituent le Rien à la valeur, qui prostituent le Mal à des fins utiles. Il ne faut pas laisser faire les faussaires. Quand le Rien affleure dans les signes, quand le Néant émerge au coeur même du système de signes, ça, c’est l’événement fondamental de l’art. C’est proprement l’opération poétique que de faire surgir le Rien à la puissance du signe ­ non pas la banalité ou l’indifférence du réel, mais l’illusion radicale. Ainsi Warhol est vraiment nul, en ce sens qu’il réintroduit le néant au coeur de l’image. Il fait de la nullité et de l’insignifiance un événement qu’il transforme en une stratégie fatale de l’image »

Jean Baudrillard, Le Complot de l’Art

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Commentaires

Très bonne différenciation entre le bon et le mauvais art contemporain.

Écrit par : Michel | 27/12/2013

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