28/12/2013
En ce temps-là, la France était parcourue d’un grand frisson humanitaire...
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« En ce temps-là, la France était parcourue d’un grand frisson humanitaire, tout au moins ses élites, qui tâchaient de faire oublier leur complaisance coupable à l’époque du colonialisme. La mode était à la critique des responsables des pays fraîchement décolonisés, lesquels étaient soit corrompus, soit incompétents, et le plus souvent les deux. On connaît le refrain, toutes les “belles âmes” le reprenaient en chœur.
C’était l’heure où l’on pleurait sur le malheur des boat people, ce qui permettait d’abandonner à leur sort les paysans de la piste Ho-Chi-Minh bombardés de produits chimiques et de napalm blanc. De leur côté, les riches amateurs occidentaux de prostituées exotiques faisaient la leçon aux dirigeants arabes sur la condition féminine dans leurs pays. Quantité de pétitions grandiloquentes circulaient, signées par de “nouveaux philosophes” aussi tapageurs que fumeux. Mon égérie répétait à l’envie :
- Qu’attends-tu pour signer ces pétitions et passer à la télé ?
– Ce sont des faux-culs, rétorquai-je, avec une lassitude naissante.
– Raison de plus, tu pourras les dénoncer.
– A qui ? La presse est leur complice.
– Adhère à la Ligue des Droits de l’Homme.
– Leur président a la Légion d’honneur.
– Ce n’est pas un déshonneur.
– Et comment !
A son air, je compris que nous courions à la catastrophe. Le clash eut lieu le jour où elle me traîna dans un café branché où des politiciens et des starlettes venaient “bruncher” dans une ambiance mondaine et frelatée. J’y allai à reculons. La nourriture était des plus déplorables et le sourire mielleux de ceux qu’on n’appelait pas encore les bobos me glaça d’entrée le sang. »
Jacques Vergès, De mon propre aveu
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