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18/02/2014

Comme il convient à un homme qui porte en lui quelque chose de supérieur au monde visible

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Il arriva ainsi au comble de l’art qui donne la main au naturel. Seulement, ses moyens de faire effet étaient de plus haut parage, et c’est ce qu’on a trop, beaucoup trop oublié. On l’a considéré comme un être purement physique, et il était au contraire intellectuel jusque dans le genre de beauté qu’il possédait. En effet, il brillait bien moins par la correction des traits que par la physionomie. Il avait les cheveux presque roux, comme Alfieri, et une chute de cheval, dans une charge, avait altéré la ligne grecque de son profil. Son air de tête était plus beau que son visage, et sa contenance ― physionomie du corps ― l’emportait jusque sur la perfection de ses formes. Écoutons Lister : "Il n’était ni beau ni laid ; mais il y avait dans tout sa personne une expression de finesse et d’ironie concentrée, et dans ses yeux une incroyable pénétration." Quelquefois, ces yeux sagaces savaient se glacer d’indifférence sans mépris, comme il convient à un dandy consommé, à un homme qui porte en lui quelque chose de supérieur au monde visible. Sa voix magnifique faisait la langue anglaise aussi belle à l’oreille qu’elle l’est aux yeux et à la pensée. "Il n’affectait pas d’avoir la vue courte ; mais il pouvait prendre ― dit encore Lister ― quand les personnes qui étaient là n’avaient pas l’importance que sa vanité eût désirée, ce regard calme, mais errant, qui parcourt quelqu’un sans le reconnaître, qui ne se fixe ni ne se laisse fixer, que rien n’occupe et que rien n’égare." Tel était le beau George Bryan Brummell. Nous qui lui consacrons ces pages, nous l’avons vu dans sa vieillesse, et l’on reconnaissait ce qu’il avait été dans ses plus étincelantes années ; car l’expression n’est pas à la portée des rides, et un homme remarquable surtout par la physionomie est bien moins mortel qu’un autre homme. »

Jules Barbey d'Aurevilly, Du dandysme et de George Brummell

 

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