06/05/2014
Interiora
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« Moïse conduisait son troupeau aux intérieurs du désert et arriva à la montagne de Dieu, Horeb.
L’âme conduit son troupeau dans le désert quand, prenant avec elle tous les animaux qu’elle garde, – et plus elle est élevée, plus les animaux sont spirituels, – elle s’en va loin des hommes.
…L’âme va non seulement au Désert, mais à l’intérieur du Désert. Le Désert a ses degrés qui sont ses profondeurs. Le Désert, par son extérieur, touche aux pays habités par les hommes. Il a encore là avec eux des relations ; mais, quand l’âme quitte les abords des lieux habités, elle va dans les profondeurs du Désert et le Désert est très profond.
Mais Moïse ne va pas seulement à l’intérieur du Désert, il va aux intérieurs, aux lieux intérieurs : "interiora", le pluriel, et, de plus, le pluriel neutre.
Les lieux où il va sont profonds : l’âme creuse ; elle ne se contente pas de regarder l’intérieur du Désert, elle l’explore. Dans l’intérieur, elle découvre des intérieurs : les abîmes s’ouvrent sous les abîmes. On dirait des effondrements. Le Désert s’ouvre plus vaste qu’elle ne le savait, plus profond, plus caché, plus lointain. Des perspectives non soupçonnées se découvrent au fond de lui ; et, derrière ces perspectives, voici d’autres perspectives. Le Désert se multiplie par lui-même ; ce qui était son extérieur n’est plus que son enveloppe. Vous vous êtes cru arrivé au coeur, vous ne faisiez que toucher la peau. Quand vous arriverez au coeur, le frisson vous prendra, et quand vous croirez avoir exploré le coeur, le coeur s’effondrera, et le coeur du coeur apparaîtra.
Vous vous êtes cru encore une fois au terme du voyage, vous n’étiez pas encore parti. Et plus vous vous abîmerez dans le coeur de l’abîme, plus vous vous apercevrez que vous êtes encore à la surface.
Tout à l’heure vous avez pris l’extérieur pour l’intérieur ; maintenant vous prenez l’intérieur pour l’extérieur ; mais cette seconde illusion n’en est pas une. C’est le commencement de la lumière. Plus vous collerez votre oreille sur le coeur du Désert, plus vous le sentirez palpiter loin de vous. Plus vous le serrerez, plus il vous échappera, et la rapidité de sa fuite n’aura pour mesure que la violence de votre attrait.
Celui qu’il s’agit de trouver est immense ; il faut être délivré de tout pour faire vers lui les premiers pas, et son approche est indiquée par l’horreur des ténèbres qu’il a prises pour retraite. Entendez-vous siffler les ténèbres comme le vent dans la tempête ?
Pas encore. – Allez plus loin, plus loin. – Je suis plus loin, plus loin et je n’entends pas encore le sifflement des ténèbres. – Allez plus loin, plus loin et ne regardez pas en arrière : derrière vous brûle Sodome. Souvenez-vous de la femme de Loth. – Je ne me retourne pas et cependant je n’entends pas le sifflement des ténèbres. – Oubliez la fumée qui sortait, vers le soir, de la demeure où vous avez dormi enfant.
J’ai oublié la fumée qui sortait, vers le soir, de la demeure où j’ai dormi enfant.
Oubliez l’Égypte et même la fille de Pharaon.
J’ai oublié l’Égypte et la fille de Pharaon.
Oubliez le Nil et les rivages et les roseaux et les couchers du soleil.
Que faut-il donc oublier ?
Il faut oublier le nom de ceux que vous avez servis dans la terre de l’Erreur, car la Vérité est jalouse.
J’ai oublié le nom de ceux que j’ai servis dans la terre de l’Erreur et la jalousie de la Vérité n’a pas encore dit à mon oreille insensible : "Ephpheta", ouvre-toi.
Alors je ne sais plus ce qu’il faut faire.
Va devant toi, sans rien comprendre. Oublie mes paroles dès que tu les auras entendues, et va devant toi, au hasard, sans boussole. Si tu vois une marque faite sur le sable, prends la fuite et dis au sable du Désert : Je te veux intact ; dis-moi où nul pied ne t’a touché. Regarde le sable tout seul ; que le sable soit ton Océan. Ne demande pas à l’horizon quelle est, au juste, la ligne qui sépare le sable du ciel : laisse le sable jaune et le ciel bleu s’arranger ensemble comme ils l’entendent. Ne t’inquiète de rien, ne cherche plus, marche ; si tu entends craquer le sable, et rugir les lions, ne te détourne pas : marche. Si les grands oiseaux du Désert fendent de leur vol silencieux le ciel énorme, ne les regarde pas, marche. Si leur ombre noire tache le sable jaune, ne t’arrête pas pour la regarder, marche. Laisse l’ombre et laisse le ciel : oublie le noir, oublie le bleu. Ne regarde que le sable jaune, enfonce-toi dans son coeur.
Je me suis enfoncé dans son coeur, et cependant je n’entends pas le sifflement des ténèbres.
Oublie maintenant la couleur du sable.
J’ai oublié la couleur du sable.
Maintenant, écoute le silence.
J’écoute le silence, le silence fils du Désert.
Je lui dis : Qui es-tu ? Il répond dans son langage :
Je suis le Verbe du Désert.
Maintenant enfonce-toi dans le silence des silences, comme tu t’es enfoncé dans le Désert des déserts.
Plonge le glaive sacré dans la poitrine du silence. Ouvre-lui le coeur et, au fond du coeur, cherche le coeur du coeur.
Plonge dans l’Océan du silence jusqu’à ce que tu sois arrêté par le fond de l’abîme, par la Pierre qui supporte l’Océan, la Pierre que nul n’a vue, éternellement garantie par la profondeur contre l’attentat des regards, et, quand tu auras heurté la pierre, colle ton oreille contre celle que rien n’a jamais touchée.
Tire ta chaussure, car la terre, sur laquelle tu marches, est sacrée.
La chaussure isole l’homme de la terre. Elle leur dissimule leur parenté. Celui qui va pieds nus se sent frère de l’humus d’où Adam est sorti.
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Voici Dieu, que dit son Nom : "Je suis Celui qui suis". »
Ernest Hello, Paroles de Dieu
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