12/06/2014
Aucune limite
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« La liberté dégénérant en arbitraire, ne reconnaît nulle chose sacrée, n’accepte aucune limite. Si Dieu n’existe pas, l’homme est lui même Dieu, tout lui est permis. [...] Celui qui dans son arbitraire méconnaît les limites de la liberté, voit cette liberté disparaître et tombe au pouvoir d’idées qui l’asservissent. [...]
En effet, le "prochain" est plus précieux que le "lointain", toute vie humaine, toute âme humaine vaut davantage que l’amélioration d’une humanité en devenir, qu’une idée abstraite [...]
Il est aisé de tuer un homme mais [...] il ne trouve dans cet acte aucune force pratique et [...] y perd ses forces spirituelles [...]
Les grands et authentiques génies, bienfaiteurs de l’humanité n’avaient pas agi de la sorte : ils ne se considéraient pas comme des surhommes à qui tout est permis, mais, se sacrifiant à ce qu’ils mettaient au dessus de l’humanité, ils purent accomplir de grandes choses pour l’humanité [...]
Le cas de Raskolnikov marque déjà la crise de l’humanisme, le terme de la morale humaniste, la perte de l’homme par son auto-affirmation. L’apparition même du rêve du surhomme, et de la surhumanité, de la morale supérieure humaine, indique que l’humanisme s’est usé et a pris fin. [...]
A ce point, l’empire de la compassion vient finir, il n’y a plus de merci pour l’homme [...]L’arbitraire humain se donne le droit d’estimer lui-même la valeur d’une vie humaine et d’en disposer. Ce n’est pas à Dieu qu’appartiennent la vie humaine et le jugement suprême des êtres [...] Et son jugement à lui [l'homme] est impitoyable, à la fois impie et inhumain [...] Dieu est l’unique "idée" supérieure, et celui qui, ici, ne s’incline pas devant sa volonté supérieure détruit son prochain et se détruit lui-même. Tel est le sens de "Crime et châtiment". »
Nicolas Berdiaev, L’esprit de Dostoïevsky
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