15/10/2014
Eric Zemmour et le poids de la doxa
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et
=--=Publié dans la Catégorie "Franc-tireur"=--=
Pour revenir sur ce qui a été dit ici...
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INTERVIEW - Historien français et rabbin vivant en Israël, Alain Michel est l'auteur de Vichy et la Shoah, enquête sur le paradoxe français, dont les idées sont largement reprises par Eric Zemmour. Il plaide pour que s'ouvre un "débat historique" sur la question, jugeant que le l'historiographie de la Shoah est figée en France.
Eric Zemmour reprend vos idées au service d'un ouvrage très politique et idéologique - Le suicide français. N'est-ce pas gênant pour l'historien que vous êtes ?
Je ne suis pas responsable de l'utilisation que l'on fait de ce que j'avance, à partir du moment où l'on ne déforme pas ce que j'écris. Le livre d'Eric Zemmour reprend ses idées, ses approches, et cela ne me concerne pas. Je n'aurais pas fait la présentation de cette manière-là, concernant le chapitre sur la France de Vichy. Zemmour parle comme le polémiste qu'il est. Mais il respecte globalement l'approche qui est faite dans mon livre. Je n'ai pas à censurer quelqu'un en raison de ses idées tant que cela reste globalement dans le consensus démocratique.
Peut-on dire, comme Eric Zemmour, que "Pétain a sauvé 95% des juifs français" ?
Non, ce n'est pas Pétain mais le gouvernement de Vichy. Cette politique - approuvée par Pétain - a été essentiellement menée par Pierre Laval, secondé par René Bousquet. Pétain était quelqu'un qui avait un vrai fond d'antisémitisme, qui n'existait pas, à mon sens, chez Laval et Bousquet. L'expression de Zemmour est maladroite. Il aurait fallu dire "entre 90 et 92%", et contrairement à ce qu'affirme Serge Klarsfeld, je ne pense pas que l'on puisse attribuer ces chiffres à la seule action des "Justes parmi les nations", mais principalement à la politique appliquée par le gouvernement de Vichy, qui a freiné l'application de la solution finale en France.
Existe-t-il une doxa paxtonienne (du nom de Robert Paxton, historien américain dont les recherches sur la France de Vichy font référence), comme le répète Eric Zemmour ?
Oui, je pense qu'il a tout à fait raison de ce point de vue-là, malheureusement. Depuis le début des années 1980, il est très difficile d'exprimer des idées sur le plan historique qui vont à contre-sens de la pensée de Paxton. Certains chercheurs ont arrêté de travailler sur le sujet, car le poids de cette doxa les empêchait de travailler librement. C'est un problème sur le plan de la recherche historique. On peut être en désaccord sur ce que j'écris dans mon livre - considérer que la vérité est plus du côté de Paxton ou Klarsfeld - mais le débat historique doit être libre. Il ne l'est pas aujourd'hui en France.
Les ouvrages de Leon Poliakov (Bréviaire de la haine : le IIIe Reich et les juifs) et Raul Hilberg (La destruction des juifs d'Europe), auxquels vous vous référencez, sont anciens, et ont été écrits sans qu'ils aient eu accès à l'ensemble de la recherche sur le sujet, ce que vous reproche Paxton notamment...
C'est une inexactitude totale. Poliakov est revenu sur ses écrits en 1989, écrivant à nouveau que Laval n'avait jamais été antisémite. C'est l'historien de l'antisémitisme, je pense que l'on peut lui accorder un certain crédit. De la même façon, Hilberg a publié trois éditions de son livre. Il cite d'ailleurs Paxton et Klarsfeld à titre documentaire seulement, et jamais concernant leur analyse, ce qui montre bien son désaccord avec eux.
Que répondez-vous à Robert Paxton, qui affirme que vous n'êtes pas un historien sérieux ?
Un historien sérieux n'est pas là pour distribuer les bonnes et mauvaises notes aux autres chercheurs. Il doit amener des faits. Dans son interview à Rue 89, il y a une série d'erreurs stupéfiantes, notamment sur les dates des déportations en France, où sur la durée de l'occupation en France et en Italie... Le gouvernement de Vichy avait bien sûr beaucoup de torts, était antisémite, mais je pense qu'il faut rééquilibrer la question et cesser de faire un récit en noir et blanc, qui diabolise Vichy et innocente les Français.
Que voulez-vous dire ?
Je pense que ce qui caractérise cette période, c'est avant tout l'indifférence totale des Français. Les gens n'avaient rien à faire du sort des juifs, cela ne les dérangeait pas trop, parce qu'il existait une ambiance antisémite en France et en Europe depuis les années 1930 environ.
Qu'implique un "réexamen du régime de Vichy", que vous appeliez de vos voeux dans votre livre ?
Il y a encore des archives non utilisées, ni consultées. Il faut réfléchir à nouveau à ce qu'il s'est passé durant ces années, analyser l'action de Vichy avant de poser des condamnations absolues. Je déteste les dirigeants de Vichy et n'ait aucune sympathie pour ces gens-là, mais je suis historien et nous ne faisons pas un travail d'avocat à charge. Nous devons déterminer le cours des événements et ce qu'a été la vérité historique.
Comment dire que Vichy a "protégé la majorité des juifs français", quand le statut des juifs de 1940 et 1941 les excluait de la plupart des professions et les condamnait à la misère, avec un statut de citoyen de seconde zone ?
Le statut des juifs les a affaiblis quand la solution finale s'est déclenchée. Que cela ait eu des conséquences indirectes, c'est une chose, mais ce n'est pas pour ça que l'on peut dire que Vichy a sacrifié des juifs français. Le statut des juifs était antisémite, mais n'avait aucune volonté d'extermination. Il y avait en revanche une forte xénophobie vis-à-vis des juifs étrangers, et en répondant aux demandes allemandes pour livrer ces gens-là, Vichy s'est rendu complice de leur extermination.
Les enfants victimes de la rafle du Vel d'Hiv étaient, pour la plupart, nés en France et déclarés Français...
La majorité des adultes étaient des juifs étrangers, et la question de leurs enfants s'est logiquement posée. Les Allemands se sont en effet aperçus qu'ils n'allaient pas remplir leurs objectifs et ont décidé d'incorporer les enfants, sur une idée de Theodor Dannecker, le bras droit de Eichmann à Paris. L'administration française n'a appris ces changements qu'au dernier moment, et elle a dû s'y plier en vertu des accords signés avec l'occupant. Cette question est donc directement liée à la volonté allemande, même si l'administration française a participé à cet acte absolument horrible.
Vous estimez que l'historiographie de la Shoah est figée, que voulez-vous dire ?
Certaines conceptions sont devenues des classiques, et on les enseigne dans les écoles et à l'université. Contrairement à l'Allemagne, Israël ou les Etats-Unis, où des débats existent sur la question de la Shoah, tout le monde parle d'une même voix en France. C'est devenu un problème affectif et idéologique. Il faut rendre cette question à l'histoire, car même si la mémoire est évidemment très importante, elle ne doit pas empêcher l'histoire d'avancer.
Thomas Liabot - leJDD.fr
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22:52 Publié dans Franc-tireur, Parenthèse | Lien permanent | Commentaires (2) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Il y a quelque chose d'affligeant dans l'attitude de Paxton. Il se révèle le contraire d'un véritable savant, s'enfermant dans le mandarinat le plus extrême. Il "tient un filon" et ne veut aucunement voir remise en cause ce qui est bel et bien devenue une doxa -et une sinécure, la place est bonne; il y a de l'argent en jeu, et le rôle de prima donna de l'idéologie qui sied rapporte tant en réputation qu'en billets de banque. .Ainsi peut-il assumer le rôle, fructueux sur tous les plans, de grand manitou.
Paxton, c'est évident, cherche moins à chercher qu'à régner. Ah! être le Pape de l'historiographie sur Vichy. Détenir la VÉRITÉ. Et tant pis pour Hilberg & co, tant pis pour les mensonges qu 'il profère et les insultes à A. Michel qu'il traite "d'historien pas sérieux". Pourtant dès le début de sa maîtrise (publiée, c'est rare) Michel travaille sous la direction du très grand historien Antoine Prost (Légion d'honneur, ordre Nat. du. Mérite etc. Prof. émérite aujourd'hui). Je ne sais s'il a également dirigé la thèse de doctorat de Michel mais il était à son jury. ainsi qu'André Kaspy, spécialiste de l'Amérique mais également auteur de "Les Juifs pendant l'Occupation, Seuil, Paris, 1991". Alors les dires de Paxton flic-en-chef seul détenteur de la vérité historique sur Vichy...
C'est d'autant plus triste qu'on pouvait donner acte à Paxton d'avoir ouvert un chantier. Mais le voilà victime du syndrome de la citadelle assiégée. Il n'est plus dans la démarche scientifique mais dans l'invective, les mauvaises notes à ses pairs, il se place au-dessus. Oubliant qu'il n'est qu'un savant tenu au respect des faits, et devant s’astreindre à tenir compte de travaux nouveaux (il est né en 32, Michel en 54 -simple détail) . Mais voilà, il y à le pouvoir, les honneurs, l'argent (ça rapporte les conférences, les rééditions...) il est pris dans l'enfermement, dans l'impossible retour sur soi-même...C'est triste. Pauvre Paxton ! Il déchoit.
Pauvre scientifique, vendre son âme de chercheur contre une poignée de lentilles pour chien de garde dérisoire. Quand on pense que Lamarck, à 50 ans passés,au fait des honneurs, opta avec humilité - à l''étonnement général - pour un revirement complet et de fixiste se fit transformiste . Il se montra en ce beau jour un vrai savant, humble devant les faits, cherchant à expliquer ce dont l'ancienne théorie ne pouvait plus rendre compte de manière viable. Mais c'était Lamarck... http://fr.wikipedia.org/wiki/Transformisme
J'ai retrouvé un article d'Alain Michel de Juillet qui n'avait pas fait beaucoup de bruit ... http://vichyetlashoah.blog.lemonde.fr/2012/07/14/le-gouvernement-de-vichy-et-la-rafle-du-vel-dhiv/
Écrit par : Restif | 17/10/2014
Merci Restif pour ce billet d'Alain Michel... je le reprends direct pour mon Blog, comme disent les djeuns ! ^_^
Écrit par : Nebo | 18/10/2014
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