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23/12/2014

Les désirs refroidis, l’acte avorté, le signe du moins…

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« — Mon ami, je m’étonne du parti pris de ces prêtres un peu sots et bornés qui, par leur zèle indiscret, entretiennent tant de bonnes gens dans l’illusion qu’ils donnent à faire à tous les démons de la luxure. Les termes de l’art militaire ajoutent à ces fadeurs un ridicule de plus. Il n’est parlé que de combats, d’assauts livrés ou repoussés, de défaites et de victoire… Hélas! mon enfant, moi qui vis — je puis dire — dans la familiarité des saints, et parmi eux des plus subtils, que voulez-vous que je pense de cette guerre illusoire où les malheureux se mesurent avec leurs ombres? Bien plus…
Il lui pressait plus affectueusement les mains. 
— Il n’y a pas là, continua-t-il, qu’une erreur de jugement : une duplicité fort perverse. À vous prendre simplement (si vous voulez bien), j’estime, je tiens pour avéré que, loin d’opposer une résistance aux tentations extérieures, vous entretenez, avec beaucoup de peine et d’application, une concupiscence dont chaque jour affadit le venin. De la source désormais tarie, vous remuez la boue, pour en respirer au moins l’odeur. Par économie de vos forces, il vous plaît de vivre dans ce mensonge d’un nom prodigué à des séductions imaginaires, lorsque votre sensualité suffit à peine à exercer utilement voire malice. Que me parlez-vous de lutte intérieure ? Je vois trop clairement les pensées suspectes, les désirs refroidis, l’acte avorté. Qui réaliserait ces fantômes vous ferait un tort bien cruel. C’est justement cette ombre que votre appétit veut consommer, non pas une chose vivante. Je vous parle ici plutôt en savant qu’en prêtre : le débauché se va jeter comme un dément sur les voluptés qu’il presse et, dans l’excès de sa folie, il offre du moins au regard le spectacle d’un homme qui ne se ménage pas… Mais vous !… Mais vous… votre vie intérieure, mon enfant, porte le signe du moins.  »

Georges Bernanos, L’Imposture

 

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