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31/01/2015

L’homophobe, le xénophobe, le machiste, le harceleur, l’intégriste, le néo-fasciste, etc...

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« La rébellion est une idée veuve en Europe. Et ce n’est pas de sitôt qu’elle risque de retrouver un compagnon ou un mari. Elle a perdu son partenaire, son antique complice maudit, son autre maléfique, son grand Autre noir, malfaisant , réactionnaire et répressif. Elle a perdu l’autre, tous les autres, tous les ailleurs, tous les au-delà, tout ce qui pouvait subsister d’antagonisme, d’opposition, de contradiction, de discordance, de divergence ou de contrepartie. Elle n’a plus en face d’elle aucune autorité à laquelle il lui serait véritablement agréable de désobéir. L’ordre moral, le père, le maître, le tyran ont cédé devant elle. Pour faire encore semblant d’exister comme puissance avantageusement désagrégeante, elle est contrainte d’aller fouiller dans les placards du passé, ou dans les réserves d’Indiens de la tératologie contemporaine, afin d’y dénicher quelques spécimens d’ennemis mortels utiles (l’homophobe, le xénophobe, le machiste, le harceleur, l’intégriste, le néo-fasciste, etc.) sur lesquels d’ailleurs elle se garde bien, à chacun des affrontements qu’elle met en scène, de remporter des victoires trop décisives de crainte de voir aussi, et par la même occasion, se dissoudre ses ultimes raisons d’être. Il lui suffit de parader contre pour se sentir vivre, et s’estimer quitte du reste. La rébellion ne veut rien que se montrer.

La rébellion, depuis longtemps déjà, est devenue une routine, un geste machinal du vivant moderne. Elle est son train-train ordinaire. Elle est même, sans jeu de mots, son dada. Et c’est bien entendu dans les quotidiens ou les magazines les plus obscurantistes qu’elle exprime sa volonté de perdurer à coups de vocables désormais vides, et qui n’ont d’autre valeur que de dissuader, par une intimidation de tous les instants, le moindre examen critique contestataires salariés, ses subversifs officiels et ses marginaux galonnés qui peuvent dire ou écrire n’importe quoi à condition qu’ils placent à intervalles réguliers des éloges circonstanciés de la "transgression", de l’ "anticonformisme", de la "marginalité", de la "subversion" ou de la "déviance", autant de propositions devant lesquelles il est conseillé à tout un chacun de s’incliner sans hésiter comme devant des évidences dont il serait même injurieux de vouloir démontrer la qualité irréprochable. »

Philippe Muray, Post coitum, animal festif est, in "Exorcismes spirituels III"

 

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