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25/03/2015

Tenir le monde extérieur à bonne distance

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« Tandis que des critères liés à l’esthétique et au divertissement sont pris en compte dans l’aménagement des lieux de la vie quotidienne, du moins dans les pays développés, les lieux touristiques sont organisés pour enfermer leur clientèle dans de véritables dispositifs de capture bien éloignés des "grands espaces" du voyage. Ainsi ces tout-inclus, clubs de vacances, campings hermétiques, résidences ou parcs, insularisent les pratiques touristiques de manière à proposer des refuges où la détente et le divertissement entre personnes de même condition touristique servent de règlement intérieur. L’analogie entre ces lieux de loisirs et les espaces résidentiels urbains sécurisés par des grilles et des digicodes est inévitable. Parmi les arguments régulièrement avancés par leurs usagers, la sécurité s’affiche en première ligne, laquelle revient dans les faits à tenir le monde extérieur à bonne distance. Ainsi la liberté d’aller et venir, de laisser les enfants jouer en autonomie (autonomie du même coup accordée aux parents délivrés de leur tâches de surveillance) se déploie dans un cadre délimité par des signes extérieurs visibles: murs d’enceinte, barrières, clôtures, haies impénétrables...
Dans les pays en voie de développement, il suffit d’observer les différences de standing entre les hôtels pour touristes et leur environnement social pour comprendre combien ces lieux confortables doivent faire oublier le monde environnant marqué par la pauvreté, voir la misère. Les murs arbitrent transats, piscines, jardins fleuris, pelouses verdoyantes et chambres climatisées. À l’extérieur se disséminent les cabanes en parpaings aux toits de tôle ondulée; les sacs plastiques pendent aux branches des arbres et les enfants pataugent dans la boue des rues non goudronnées, parmi les poules, les moutons et les détritus que personnes ne ramasse. Cachez-moi ce monde que je ne veux pas voir, et vivre encore moins: le milieu touristique sert ainsi d’isoloir. Découvrir la réalité, non. L’oublier, oui. »

Rodolphe Christin, L'usure du monde - Critique de la déraison touristique

 

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