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20/05/2015

Une communauté de crapules

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« Il était une fois une communauté de crapules, c’est-à-dire qu’il ne s’agissait pas de crapules, mais d’hommes ordinaires, la moyenne. Ils étaient toujours unis. Quand par exemple l’un d’entre eux avait commis quelque chose de crapuleux, c’est-à-dire encore une fois rien de crapuleux, mais quelque chose de tout à fait ordinaire et courant, et qu’il le confessait, alors tous examinaient la chose, la jugeaient, lui imposaient une pénitence, pardonnaient, etc. Ce n’était pas méchanceté de leur part, les intérêts de la personne et de la communauté étaient rigoureusement préservés et à celui qui s’était confessé on tendait le complément à la couleur primaire qu’il avait montrée. Ainsi étaient-ils toujours unis, et même après leur mort ils ne renoncèrent pas à leur communauté et montèrent au ciel en une seule ronde. Tel qu’ils volaient, l’ensemble donnait le spectacle d’une pure innocence enfantine. Mais comme arrivés au ciel tout se brise et est réduit à ses éléments, ils tombèrent, véritables blocs de pierre. »

Franz Kafka, Cahiers in-octavo - Cahier "G"

 

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Une glace qui n’est pas bien fixée au mur

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« Tout homme porte une chambre en lui. C’est un fait qui peut même se vérifier à l’oreille. Quand un homme marche vite et que l’on écoute attentivement, la nuit peut-être, tout étant silencieux alentour, on entend par exemple le brimbalement d’une glace qui n’est pas bien fixée au mur. »

Franz Kafka, Préparatifs de noces à la campagne

 

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Les difficultés qu'il y a à achever un texte

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« Les difficultés qu'il y a à achever un texte, même court, ne tiennent pas à ce que notre sentiment exige pour la fin du morceau une ardeur que le contenu réel n'a pas pu engendrer jusque-là par ses propres moyens ; elles naissent plutôt de ce que le texte le plus court exige de l'auteur un contentement de soi, un abandon à soi-même d'où il est difficile, en l'absence d'une forte résolution ou d'une stimulation extérieure, de sortir pour respirer l'air d'une journée banale, si bien que, poussé par l'inquiétude, on préfère prendre la fuite plutôt que de terminer rondement le texte et d'avoir le droit de glisser sans bruit jusqu'en bas ; après quoi il faut achever positivement le fin de l'extérieur, avec des mains qui non seulement doivent travailler, mais encore ne pas lâcher prise. »

Franz Kafka, Journal

 

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Les livres qui vous mordent et vous piquent

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« Franz Kafka
27 janvier 1904

Cher Oskar !

Tu m'as écrit une lettre charmante qui demandait, soit une réponse rapide, soit pas de réponse du tout ; quinze jours ont passé depuis sans que je t'aie écrit, ce serait impardonnable en soi si je n'avais des raisons.

D'abord je ne voulais t'écrire que des choses bien pesées parce que ma réponse à cette lettre me paraissait plus importante que toutes les autres (malheureusement je ne l'ai pas fait) ; ensuite j'ai lu d'un trait le Journal de Hebbel (près de mille huit cents pages), alors qu'autrefois je ne le prenais toujours que par morceaux, auxquels je ne trouvais aucun goût.

J'ai quand même commencé de façon suivie, au début en me jouant, pour me sentir finalement comme l'homme des cavernes qui, ayant roulé une grosse pierre devant l'entrée de sa caverne, par jeu et pour rompre l'ennui, est pris d'une sourde frayeur en voyant que la pierre le prive d'air et le plonge dans l'obscurité. Il tente alors avec une étrange ardeur de la déplacer, mais maintenant elle est dix fois plus lourde et, pour retrouver l'air et la lumière, l'homme angoissé doit tendre toutes ses forces.

De même je n'ai pas pu toucher une plume de tout ce temps, car à embrasser du regard une telle vie, qui s'élève continuellement sans faille, si haut qu'on peut à peine la suivre avec sa longue-vue, on ne peut pas garder la conscience en paix. Mais il est bon que la conscience porte de larges plaies, elle n'en est que plus sensible aux morsures.

Il me semble d'ailleurs qu'on ne devrait lire que les livres qui vous mordent et vous piquent. Si le livre que nous lisons ne nous réveille pas d'un coup de poing sur le crâne, à quoi bon le lire ? Pour qu'il nous rende heureux, comme tu l'écris ? Mon Dieu, nous serions tout aussi heureux si nous n'avions pas de livres, et des livres qui nous rendent heureux, nous pourrions à la rigueur en écrire nous-mêmes.

En revanche, nous avons besoin de livres qui agissent sur nous comme un malheur dont nous souffririons beaucoup, comme la mort de quelqu'un que nous aimerions plus que nous-mêmes, comme si nous étions proscrits, condamnés à vivre dans des forêts loin de tous les hommes, comme un suicide -- un livre doit être la hache pour la mer gelée en nous. Voilà ce que je crois.

Mais toi tu es heureux, ta lettre rayonne positivement, je crois que tu n'étais malheureux autrefois qu'à cause de ces relations qui ne te valent rien, c'est bien naturel, on ne prend pas de bain de soleil à l'ombre.

Mais que je sois responsable de ton bonheur, ne le crois pas.

Au mieux, je le verrais ainsi : un sage, dont la sagesse était cachée à ses propres yeux, rencontra un fou et s'entretint un moment avec lui de choses apparemment très lointaines. La conversation finie, comme le fou veut rentrer chez lui -- il vivait dans un pigeonnier --, l'autre lui saute au cou, l'embrasse et lui crie : merci, merci, merci. Pourquoi ? La folie du fou avait été si grande qu'elle avait montré au sage sa sagesse...

J'ai l'impression de t'avoir fait du tort et d'avoir à te demander pardon. Mais je n'ai connaissance d'aucun tort.

Ton Franz »

Franz Kafka, Correspondance

 

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Une solitude si profonde que ce mot même n'avait plus de sens

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« Là, au milieu du silence, ce n'était pas l'éternité mais la mort du temps, une solitude si profonde que ce mot même n'avait plus de sens. Car la solitude implique l'absence des autres, et la solitude qu'elle découvrait sur ce terrain désolé n'avait jamais admis l'existence d'autrui. »

Toni Morrison, Sula

 

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L'Enfer...

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« Le véritable enfer de l'Enfer, c'est qu'il est éternel. »

Toni Morrison, Sula

 

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La solitude et le danger

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« Le style du hussard, c’est le désespoir avec l’allégresse, le pessimisme avec la gaieté, la piété avec l’humour.

C’est un refus avec un appel. C’est une enfance avec son secret.

C’est l’honneur avec le courage et le courage avec la désinvolture.

C’est une fierté avec un charme ; ce charme-là hérissé de pointes.

C’est une force avec son abandon. C’est une fidélité.

C’est une élégance. C’est une allure.

C’est ce qui ne sert aucune carrière sous aucun régime.

C’est le conte d’Andersen quand on montre du doigt le roi nu.

C’est la chouannerie sous la Convention.

C’est le christianisme des catacombes.

C’est le passé sous le regard de l’avenir et la mort sous celui de la vie.

C’est la solitude et le danger. Bref, c’est le dandysme. »

Pol Vandromme, Roger Nimier, Le Grand d’Espagne

 

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