03/01/2015
La réalité, qui a une existence objective, massive, tangible et terrifiante
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« La hiérarchie des besoins est inscrite dans la réalité même. Pour s’en convaincre, il suffit de vivre un de ces malheurs qui s’abattent sur les collectivités humaines, que ce soit une guerre, un régime de terreur ou une catastrophe naturelle. Remplir un ventre affamé est alors plus important que de satisfaire un palais délicat et l’acte de bonté le plus simple à l’égard d’autrui acquiert plus d’importance que n’importe quel raffinement de l’esprit. Le destin d’une ville, d’un pays devient le centre d’intérêt de tout le monde ; en revanche, le nombre des suicides provoqués par un amour déçu ou des troubles psychiques baisse soudain sensiblement. Il s’ensuit une grande simplification de tout et on se demande pourquoi on prenait tellement à cœur des choses qui semblent désormais n’avoir plus aucun poids. Et, bien sûr, l’attitude envers le langage change, elle aussi. Il retrouve sa fonction la plus simple, celle d’un instrument qui sert à un usage précis : ce qui veut dire que personne ne doute que le langage est fait pour nommer la réalité, qui a une existence objective, massive, tangible et terrifiante par son caractère concret. »
Czeslaw Milosz, Témoignage de la poésie
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L’homme abstrait
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« Qu’on pose alors, en regard, l’homme abstrait privé de mythes conducteurs, l’éducation abstraite, les mœurs abstraites, le droit abstrait, l’Etat abstrait ; qu’on se représente la divagation déréglée de l’imagination artistique que ne bride aucun mythe autochtone ; qu’on imagine une civilisation sans foyer originel ferme et sacré, condamnée à épuiser tous les possibles et à se nourrir chichement, de toutes les civilisations — voilà ce qu’est le présent, tel est le résultat du socratisme destructeur des mythes. Et maintenant l’homme dépossédé du mythe, cet éternel affamé, le voilà au croisement de tous les passés qui creuse et fouille en quête de racines, dût-il aller les déterrer dans les plus lointaines antiquités. Que prouve l’immense appétit d’histoire qui tenaille, dans son insatisfaction, notre civilisation moderne, que prouve ce besoin de rassembler autour d’elle des civilisations sans nombre, et ce besoin de tout connaître qui la consume, si ce n’est la perte du mythe, la perte de la patrie mythique, du sein maternel mythique ? Qu’on se pose la question : l’inquiétante et fébrile agitation de cette civilisation est-elle autre chose que le geste avide de l’affamé qui se précipite sur la nourriture ? Et qui voudrait encore donner quoi que ce soit à une pareille civilisation, qui n’est jamais rassasiée de tout ce qu’elle engoutit et transforme, sitôt qu’elle le touche, l’aliment le plus substantiel et le plus sain en "histoire et critique" ? »
Friedrich Nietzsche, La Naissance de la tragédie
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31/12/2014
Un homme en proie au problème total...
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« Mais enfin, la beauté, c'est tout ce qui nous est donné et je ne pardonnerai jamais à mes amis ni à moi de n'avoir pas tout fait pour être moins laids. »
« Je me constitue une liberté qui ressemble à une rente viagère. »
« Je ne veux renoncer à rien. »
« Alors le cri certain tourne à n'être qu'une fanfaronnade malsaine, digne d'un sectaire de ruisseau, fasciste ou communiste. »
« Après tout, je ne suis pas qu'un écrivain, je suis un homme en proie au problème total. Toute cette écriture, toute cette tunique de signes qui s'accroche à mes reins, c'est votre tourment à tous, c'est votre vieille conscience fatiguée, exsangue. »
« Après tout, je ne suis pas qu'un écrivain, je suis un homme en proie au problème total. Toute cette écriture, toute cette tunique de signes qui s'accroche à mes reins, c'est votre tourment à tous, c'est votre vieille conscience fatiguée, exsangue.
(...)
Et cet adieu, comme j'ai envie de le prolonger, de le répéter, car produire des formes, c'est toute la passion de l'homme. »
« Que le chant de ma paresse emporte la rumeur de mes derniers soucis. »
Pierre Drieu la Rochelle, Le Jeune Européen
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Né esclave et fait pour la meule...
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« Maintenant je voyais clairement que je ne pouvais garder mon honneur d'homme. L'honneur d'un homme, c'est d'agir. Or il y avait beau temps que je ne pouvais plus agir. (...) Depuis quelque temps cette inaction me semblait ma nature même et je commençais d'espérer qu'une puissance inconnue s'y cachât. »
« J'étais né esclave et fait pour la meule. Incapable des gestes de la liberté, je ne pouvais me déployer que dans une humilité exemplaire. »
« On ne peut se mêler à la vie comme spectateur mais comme acteur. »
« Comment accepter de propos délibéré que les actes qu'on accomplit ne soient pas susceptibles tous d'exercer un pouvoir exemplaire ? »
« Ton œuvre a besoin de ta vie, elle exige que tu vives, tant bien que mal. »
« J'aurais été pour eux un objet de scandale et de dérision. »
« Ce dont j'ai le plus souffert, c'est de l'inachèvement des hommes. »
Pierre Drieu la Rochelle, Le Jeune Européen
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Vos vies n'ont pas été exemplaires...
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« J'avais cru vivre mon sacrifice et ma mort, mais de mon propre consentement. Je m'apercevais que là où je n'avais vu que du feu, les autres jouissaient de ma sueur servile et se vantaient de mon acquiescement sans réplique. »
« Comment est-ce qu'on peut faire sortir la vie de rien ? Mais on ne fait jamais entièrement rien ; on peut faire peu de choses. C'est de ce peu que j'ai fini par noircir un livre. »
« Vos vies n'ont pas été exemplaires : je ne vous pardonne pas que l'on puisse séparer vos vies de vos œuvres. »
« Mais il y a dans l'ascétisme, une façon de laisser aller le monde, de le laisser devenir laid, qui me dégoûte, qui me révolte. »
« Pour écrire je n'ai pas vécu, je n'ai vécu que pour écrire, et aujourd'hui je puis écrire seulement que je n'ai pas vécu. »
Pierre Drieu la Rochelle, Le Jeune Européen
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Des équipes d'horlogers égarés poursuivent un grand système mécanique sans queue ni tête
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« Charme immonde des ruines, amour de vieillards. L'Europe est couverte d'églises et de châteaux décrépits, emmêlés d'usines, sales chantiers, informes labyrinthes où des équipes d'horlogers égarés poursuivent un grand système mécanique sans queue ni tête. L'Europe est comme l'Asie couverte de temples et de palais bâtis sous le ciel d'autres temps. Sur tout ce grand continent, depuis l'Atlantique jusqu'au Pacifique, autant dire sur toute la Terre, on a cessé de construire, du moins rien qui vaille. Et personne au fond de son cœur ne s'y trompe. Les Européens se sont mis à adorer les ruines.
Les Européens sont fiers de leurs ruines. Ils montrent, ils vantent la force qu'elles évoquent comme si elle était la leur. Mais elle ne leur appartient pas plus qu'aux Américains dont la plupart ont quitté nos pays vers le temps où l'on n’ajoutait plus rien à la beauté acquise, du moins dans l'ordre de l'architecture.
Il ne s'agit plus que de vivre sur ce qui a déjà été vécu. On raccommode. Ses églises sans Dieu, ses palais sans rois, l'Europe les indique comme des joyaux aguicheurs sur son vieux sein. Et les Américains, nos frères prodigues, qui ont tout laissé tomber, qui sont partis pour saccager l'autre partie du monde, emportant ce qu'il y avait de plus brutal dans notre brutalité, ils reviennent, l'argent du défrichement dans leurs poches, ils s'ébaubissent devant nos bibelots et ils les convoitent comme des talismans. Talismans dont les uns et les autres, Européens et Américains, espèrent qu'ils assurent la conservation de l'Esprit.
Et comme les Européens sont pauvres - car ces vieilles gens, pris de fureur sénile, cassèrent tout chez eux l'autre année, et maintenant ils crient famine - ils ont trouvé un moyen de tirer profit de leur superstition et de celle des autres. Un reste d'orgueil les empêche de vendre leurs cathédrales, de les déraciner, de les mettre au clou comme d'autres bijoux de famille. Mais ils en tirent un revenu régulier ; à l'entrée des ruines, ils ont mis un tourniquet, et moyennant quelques cents, ils vous font entrer, tristes Américains sans âme, qui venez voir mourir notre âme, la vôtre. »
Pierre Drieu la Rochelle, Le Jeune Européen
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Par la lutte
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« Ces bêtes sauvages me sont éminemment sympathiques car elles ne doivent leur nourriture et leur confort qu’à elles-mêmes ; elles n’ont de joies de l’amour que celles qu’elles ont méritées, par la lutte. et leur joie de vivre éclate cependant dans tout leurs gestes. Elles ont un petit air guilleret qui vous redonne du courage. Auprès d’eux, les animaux domestiques, repus, sans aucune initiative, me répugnent. Leur mort sans lutte ne réjouît que la cuisinière. »
Henri Vincenot, Prélude à l’aventure
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Tu es là pour agir
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« Toute action est objet de doute. Et cependant, tu es là pour agir. Tu as été mis au monde pour ce combat. Combats donc, puisqu’il le faut ! Mais garde les mains blanches. Gagne, mais sois indifférent à la victoire. Agis, mais sans t’arracher aux fruits de l’action. Plongé dans ce bruit et cette fureur, mais avec une part de toi hors de ce monde, dans la sérénité. Agis, détaché de l’action, en chef de guerre et roi de paix. »
Louis Pauwels, Comment devient-on ce que l’on est ?
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L’art dégénéra jusqu’à n’être plus qu’un divertissement de la plus basse espèce
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« Du moment où le critique se mit à régner sur le théâtre et le concert, le journaliste sur l’école et la presse sur la société tout entière, l’art dégénéra jusqu’à n’être plus qu’un divertissement de la plus basse espèce, et la critique esthétique n’eut plus d’autre utilité que de servir d’instrument destiné à assurer la cohésion d’une sociabilité vaine, dissipée, égoïste et par-dessus tout misérablement dénuée de toute originalité, au sens où la parabole schopenhauérienne des porcs-épics le donne très bien à comprendre. Au fond, il n’y a jamais eu d’époque où l’on ait tant bavardé sur l’art ni fait si peu de cas de lui. Est-il possible de fréquenter encore un homme capable de mettre la conversation sur Beethoven ou Shakespeare ? Chacun répondra selon son sentiment, mais sa réponse, en tout cas, montrera ce qu’il se représente sous le terme de "culture" – à supposer toutefois qu’il cherche à répondre et que la question ne l’ait pas laissé muet de stupéfaction. »
Friedrich Nietzsche, La Naissance de la tragédie
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un système social sorti d’une tête de mathématicien
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« Ils n’admettent pas une autre cause, l’interrompit Razoumikhine avec feu. Je ne me trompe pas ; je te montrerai leurs livres ; je te montrerai ce qu’ils disent : "tel individu a été perdu par son milieu" et c’est tout ; c’est leur phrase favorite. D’où la conclusion que si la société était organisée de façon normale, il n’y aurait plus de crimes car on n’aurait plus à protester et tous les hommes deviendraient des "justes".
(...)
Ils ne voient pas une humanité qui se développe par une progression historique et vivante et produit enfin une société normale, mais un système social sorti d’une tête de mathématicien et qui doit organiser, en un clin d’œil, la société, la rendre juste et parfaite avant tout processus historique ; d’où leur haine instinctive pour l’histoire. Ils disent : "C’est un ramassis d’horreurs et d’absurdités" et tout s’explique immanquablement par l’absurdité ; d’où également leur haine de ce processus vivant qu’est l’existence; pas besoin d’âme vivante, car l’âme vivante a ses exigences, elle n’obéit pas aveuglément à la mécanique, une âme vivante est méfiante, elle est rétrograde et celle qu’ils veulent (...) est un esclave qui n’ira jamais se révolter... et il en résulte que tout leur système est établi sur une superposition de briques : par la manière de disposer les corridors et les pièces d’un phalanstère !
Ce phalanstère, il est prêt, mais c’est la nature humaine qui ne l’est pas ; elle veut encore vivre, traverser tout le processus de la vie avant de s’en aller au cimetière. La logique ne suffit pas à permettre ce saut par-dessus la nature. La logique ne prévoit que trois cas quand il y en a un million. Ce million, le supprimer et ramener tout à l’unique question du confort ! Voilà la solution la plus facile du problème. Une solution d’une clarté séduisante et qui rend toute réflexion inutile, voilà l’essentiel. Tout le mystère de la vie tient dans deux feuilles d’impression... »
Fiodor Dostoïevski, Crime et Châtiment
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30/12/2014
Croire conquérir une femme en lui offrant le spectacle de son talent
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« Il n’y a pas d’idée plus sotte que de croire conquérir une femme en lui offrant le spectacle de son talent. Le talent ne correspond pas en cela à la beauté, pour la simple raison qu’il ne provoque pas d’excitation sensuelle ; la beauté si.
On peut tout au plus la conquérir de cette manière quand le talent apparaît comme un moyen d’acquérir puissance, richesse, considération — valeurs dont la femme, s’étant laissée conquérir, jouirait par conséquent, elle aussi. Mais le talent, en tant qu’étonnante machine qui se meut avec désintéressement, laisse n’importe quelle femme indifférente.
Vérité que tu ne devrais pas oublier. »
Cesare Pavese, Le Métier de Vivre
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Celui-là qui vit seulement pour être aimé
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« Hélas ! Nul n’est moins digne d’amour que celui-là qui vit seulement pour être aimé. De telles âmes, si habiles à se transformer au goût de chacun, ne sont que des miroirs où le faible apprend vite à haïr sa faiblesse, et le fort à douter de sa force. »
Georges Bernanos, L’Imposture
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Book, an inferior technology...
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Une masse
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« La ville mondiale n’a pas un peuple, mais une masse. Son incompréhension du traditionnel, dans lequel elle combat la culture (la noblesse, l’église, les privilèges, la dynastie, les conventions artistiques, la possibilité d’une limite à la connaissance scientifique) ; son intelligence froide et perspicace, supérieure à celle du paysan ; son naturalisme d’un sens tout nouveau, qui prend sa source dans les instincts les plus vieux et les conditions primitives de l’homme, par delà Socrate et Rousseau et loin derrière eux, en ce qui concerne toutes les questions sexuelles et sociales ; le "panem et circences" qui reparaît sous le manteau de la lutte des salaires et de la place du sport — tout cela marque, à côté de la culture définitivement achevée, à côté de la province, une forme tout à fait nouvelle et tardive, sans avenir, mais inévitable, de l’existence humaine. »
Oswald Spengler, Le Déclin de L’Occident
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