24/01/2016
Ce sont trois ordres différents de genre
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« La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle.
Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit.
La grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair.
La grandeur de la sagesse, qui n'est nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres différents de genre.
Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur grandeur, leur victoire, leur lustre et n'ont nul besoin de grandeurs charnelles, où elles n'ont pas de rapport. Ils sont vus non des yeux, mais des esprits, c'est assez.
Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre et n'ont nul besoin de grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n'ont nul rapport, car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges, et non des corps ni des esprits curieux : Dieu leur suffit.
Archimède, sans éclat, serait en même vénération. Il n'a pas donné de batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions. Oh ! qu'il a éclaté aux esprits !
Jésus-Christ sans biens, et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n’a point donné d’inventions. Il n’a point régné, mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. Oh qu’il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur et qui voient la sagesse.
Il eût été inutile à Archimède de faire le prince dans ses livres de géométrie, quoi qu'il le fût.
Il eût été inutile à Notre Seigneur Jésus-Christ pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi, mais il y est bien venu avec l’éclat de son ordre.
Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de Jésus-Christ, comme si cette bassesse était du même ordre, duquel est la grandeur qu'il venait faire paraître. Qu'on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l'élection des siens, dans leur abandon, dans leur secrète résurrection, et dans le reste, on la verra si grande qu'on n'aura pas sujet de se scandaliser d'une bassesse qui n'y est pas.
Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles, comme s'il n'y en avait pas de spirituelles ; et d'autres qui n'admirent que les spirituelles, comme s'il n'y en avait pas d'infiniment plus haute dans la sagesse.
Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre, et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits, car il connaît tout cela et soi ; et les corps rien.
Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d'un ordre infiniment plus élevé.
De tous les corps ensemble, on ne saurait en faire réussir une petite pensée : cela est impossible, et d'un autre ordre. De tous les corps et esprits, on n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité, cela est impossible et d'un autre ordre, surnaturel. »
Blaise Pascal, Pensées
16:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Vous virez janséniste à présent?
Écrit par : Cerbère | 24/01/2016
Aucunement... mais j'aime penser contre moi-même... et Pascal ("ce sublime avorton du christianisme" -- Nietzsche) donne du grain à moudre en la matière...
Écrit par : Nebo | 24/01/2016
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