12/03/2016
L’espace et le silence pèsent d’un seul poids sur le cœur
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« A midi, sous un soleil assourdissant, la mer se soulève à peine, exténuée. Quand elle retombe, sur elle-même, elle fait siffler le silence.
(...)
Seuls aussi avec l'horizon. Les vagues viennent de l'Est invisible, une à une, patiemment ; elles arrivent jusqu'à nous et, patiemment, repartent vers l'Ouest inconnu, une à une. Long cheminement, jamais commencé, jamais achevé... La rivière et le fleuve passent, la mer passe et demeure. C'est ainsi qu'il faudrait aimer, fidèle et fugitif. J'épouse la mer.
(...)
A chaque vague, une promesse, toujours la même. Que dit la vague ? Si je devais mourir, entouré de montagnes froides, ignoré du monde, renié par les miens, à bout de forces enfin, la mer, au dernier moment, emplirait ma cellule, viendrait me soutenir au-dessus de moi-même et m’aider à mourir sans haine.
(...)
L’espace et le silence pèsent d’un seul poids sur le cœur. Un brusque amour, une grande œuvre, un acte décisif, une pensée qui transfigure, à certains moments donnent la même intolérable anxiété, doublée d’un attrait irrésistible. Délicieuse angoisse d’être, proximité exquise d’un danger dont nous ne connaissons pas le nom, vivre, alors, est-ce courir à notre perte ? A nouveau, sans répit, courons à notre perte.
J’ai toujours eu l’impression de vivre en haute mer, menacé, au cœur d’un bonheur royal. »
Albert Camus, Noces
14:02 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les commentaires sont fermés.