17/02/2017
Orphelin de toute grâce, veuf de toute vertu, de toute force, de tout élan
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« Pour courir sur celui du mouvement, et, s'y précipitant, s'être précépité : le monde a perdu le sens de la vie. Aussi a-t-il perdu le goût de la mort et meurt-il sans savoir, impersonnellement, orphelin de toute grâce, veuf de toute vertu, de toute force, de tout élan. Flétri dans son bourgeon. Il s'agite comme un forcené ; il gesticule comme un démon ; mais il est mort. Et dans les mâchoires de son agonie, il ne la reconnaît même pas !
Or, le niveau de l'enfer ne cesse de monter ; vous savez bien : ce lieu ignoble où la tiédeur fermente, où brûlent tous les froids ; et déjà : il ferait seul les splendeurs de la terre avec ses monstres mous, bêtes sans souffle, hideusement voraces -- n'était cette ultime respiration que les silencieux et les graves, par la prière et par le chant, crucifiés et agonisants maintiennent le monde. Ils le font silencieusement, par leur silence même, avec douleur et n'en pouvant plus, gémissants et hagards, ces quelques hommes qui agonisent pour le monde entier, ces voyants qui le voient périr et qui espèrent encore, malgré tout, lui conquérir au moins une mort, sa mort, au lieu de le laisser pourrir sur pied pour la plus grande gloire des imbéciles.
L'enfer est déjà parmi nous, je le répète, il affleure partout. A force de tomber, le monde est parvenu un jour à l'étage de l'immonde. Nous y voici. Les polices, les armées dans notre monde fracassant et bientôt fracassé, ce ne sont plus les anges de la mort -- ce qui serait trop peu dire -- ce sont les miliciens du néant, les faiseurs de trous. Politiciens, philosophes, penseurs, à votre santé ! »
Armel Guerne, Le verbe nu
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