27/09/2017
Géniteurs d'apprenants...
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« "Tu sais bien que ton professeur est un con !"
Je faisais la queue chez le charcutier. Derrière moi un père rassurait ainsi son fils, un collégien d’environ 13 ans, qui essayait de lui expliquer qu’il n’avait pas eu une bonne note parce que son professeur n’avait pas compris ce qu’il avait voulu dire. La réponse du père est symptomatique de l’opinion que beaucoup de parents se font d’un certain nombre d’enseignants. Il faut dire que, depuis que nos démagogues ont donné la parole aux parents jusque dans les instances mêmes de l’école en leur expliquant que leur jugement avait autant de valeur (sinon davantage) que celui des maîtres, un certain nombre de ces "géniteurs d’apprenants" ne se sentent plus d’aise. Chacun a son opinion sur ce qu’il conviendrait d’enseigner, sur la méthode utilisée en classe, sur l’organisation du temps scolaire et dans bien d’autres domaines encore. Le cocasse est que tous les parents ne sont pas d’accord même s’ils s’imaginent chacun détenir la vérité, et principalement ceux qui n’y connaissent rien. On ne parle bien et avec assurance que de ce qu’on ignore. Le pauvre professeur devient donc le bouc émissaire des élucubrations parentales, réduit au rang de simple domestique. Et encore ! Ils traitent plus d’une fois l’enseignant comme je ne le ferais point de ma femme de ménage de crainte qu’elle ne me rendît son tablier (et elle aurait bien raison). Le drame est que les propos tenus par ces mêmes parents à la maison devant les enfants sur le corps enseignant ne sont pas plus flatteurs, et les élèves, en classe, répercutent nécessairement dans leur attitude l’opinion exprimée chez eux par leurs parents. Si l’on ajoute à cela que les méthodes nouvelles ont supprimé tout moyen d’exprimer une autorité au nom de l’expression spontanée des jeunes, et toute discipline afin de ne pas brimer les chères têtes blondes et brunes, on aura vite compris pourquoi trop d’enseignants sont méprisés par leurs élèves et leur servent même de souffre-douleur. Tout est de la faute du professeur (sauf les bonnes notes obtenues, qui ne sont dues qu’au seul génie de l’enfant) ! Il n’a qu’à savoir se faire obéir au lieu de s’égosiller pour tenter d’être entendu par une troupe de gamins qui contestent tout, son autorité, son savoir et, parfois, jusqu’à sa tenue (je pense surtout aux femmes). Le professeur est devenu une sorte de gentil animateur qui tente d’amuser un public parfois hostile, souvent indifférent et presque toujours ingrat. Le bilan de l’opération est que, dans beaucoup d’établissements, tout enseignement s’avère très difficile, voire carrément impossible. Les fainéants et ceux que rien n’intéresse sont les rois de la classe au détriment des autres qui n’osent rien dire au risque de se faire tabasser à la récréation. C’est la royauté du cancre. Il arrive même que le professeur, exposé à l’insolence, voire aux insultes de certains, se trouve profondément blessé, humilié et n’ait qu’une envie, celle de se mettre en congé pour ne pas sombrer dans la dépression, ou encore de démissionner, ce que font de plus en plus de jeunes professeurs à leurs débuts. »
Jean-Noël Robert, Témoin de la déséducation nationale
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