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02/01/2018

Anarchiste, jusqu’aux poils

=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=

 

« Je me refuse absolument, tout à fait, à me ranger ici ou là. Je suis anarchiste, jusqu’aux poils. Je l’ai toujours été et je ne serai jamais rien d’autre. Tous m'ont vomi, depuis les Inveszias [1] jusqu'aux nazis officiels [2].
Mr de Régnier, Comœdia, Stavinsky, le président Dullin, tous m'ont déclaré imbuvable, immonde, et dans des termes à peu près identiques. Je ne l'ai pas fait exprès mais c'est un fait. Je me trouve bien ainsi parce que j'ai raison. [3]

Tout système politique est une entreprise de narcissisme hypocrite qui consiste à rejeter l’ignominie personnelle de ses adhérents sur un système ou sur les "autres". Je vis très bien, j’avoue, je proclame haut, émotivement et fort, toute notre dégueulasserie commune, de droite ou de gauche, d’Homme. Cela on ne me le pardonnera jamais. Depuis que les curés sont morts, le monde n'est plus que démagogie, on flagorne la merde sans arrêt. On repousse la responsabilité par un artifice d'idéologie et de phrases. Il n'y a plus de contrition, il n'y a plus que des chants de révolte et d'espérances ? Espérer quoi ? Que la merde va se mettre à sentir bon ? Mon bon ami, je ne trahis personne, je ne demande rien à personne. On me fusillera peut-être (on prendra des numéros, alors !).

Lénine aussi bien que Napoléon ont raté leur affaire. Ils ont fait des pointes de feu et hurlent à la guérison. Nenni. Tout ce système révolutionnaire (pas le vôtre) n'est que vulgaire, éternel égoïsme, armé de nouveaux subterfuges. Qu'il s'organise dans le communisme vous en avez de belles ! Plus sordide que l'ancien, vous dis-je ! Je les connais bien les apôtres et les héros, de droite, de gauche. Depuis 30 ans je vis jour et nuit avec eux. Révolution. Tout de suite. Mais d'eux-mêmes d'abord. Pas ces fainéants d'âmes et d'esprits, cocktail ou Picon ? Pourquoi choisir.

Bien affectueusement... »

Louis-Ferdinand Céline, Lettre à Elie Faure, Le 18 Mars 1934

 

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[1] : En fait Céline écrit "Inveszias" pour "Izvestia", organe de presse officiel du gouvernement soviétique...

[2] : Le parti nazi, au pouvoir, avait interdit en mai 1933 la traduction et la publication en Allemagne du "Voyage au bout de la nuit", et l'avait placé dans l'autodafé organisé par Goebbels...

[3] : Henri de Régnier, dans le Figaro, et un critique du périodique Comœdia avaient exprimé des opinions méprisantes voire insultantes sur "Le voyage au bout de la nuit", de même, aux dires de Céline, que l'escroc Alexandre Stavisky, mort en janvier 1934. Le juge Albert Dullin, présidant alors la 12e Chambre correctionnelle de Paris, avait également critiqué vertement "Le voyage au bout de la nuit" dans un jugement rendu en janvier 1934 en faveur des écrivains Rosny aîné et Roland Dorgelès – ceux-ci avaient assigné deux journalistes en diffamation pour des articles critiques sur l'attribution du prix Goncourt à Guy Mazeline plutôt qu'à Céline...

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