27/06/2018
Celui qui est capable d'attention
=--=Publié dans la Catégorie "Lectures"=--=
« Ce n'est pas seulement l'amour de Dieu qui a pour substance l'attention. L'amour du prochain, dont nous savons que c'est le même amour, est fait de la même substance. Les malheureux n'ont pas besoin d'autre chose en ce monde que d'hommes capables de faire attention à eux. La capacité de faire attention à un malheureux est chose très rare, très difficile ; c'est presque un miracle ; c'est un miracle. Presque tous ceux qui croient avoir cette capacité ne l'ont pas. La chaleur, l'élan du coeur, la pitié n'y suffisent pas.
Dans la première légende du Graal, il est dit que le Graal, pierre miraculeuse qui, ayant la vertu de l'hostie consacrée, rassasie toute faim, appartient à quiconque dira le premier au gardien de la pierre, roi aux trois quarts paralysé par la plus douloureuse blessure : "Quel est ton tourment ?"
La plénitude de l'amour du prochain, c'est simplement d'être capable de lui demander : "Quel est ton tourment ?" C'est savoir que le malheureux existe, non pas comme unité dans une collection, non pas comme un exemplaire de la catégorie sociale étiquetée "malheureux", mais en tant qu'homme, exactement semblable à nous, qui a été un jour frappé et marqué d'une marque inimitable par le malheur. Pour cela, il est suffisant, mais indispensable, de savoir poser sur lui un certain regard.
Ce regard est d'abord un regard attentif, où l'âme se vide de tout contenu propre pour recevoir en elle-même l'être qu'elle regarde tel qu'il est, dans toute sa vérité. Seul en est capable celui qui est capable d'attention.
Ainsi il est vrai, quoique paradoxal, qu'une version latine, un problème de géométrie, même si on les a manqués, pourvu seulement qu'on leur ait accordé l'espèce d'effort qui convient, peuvent rendre mieux capable un jour, plus tard, si l'occasion s'en présente, de porter à un malheureux, à l'instant de sa suprême détresse, exactement le secours susceptible de sauver.
Pour un adolescent capable de saisir cette vérité, et assez généreux pour désirer ce fruit de préférence à tout autre, les études auraient la plénitude de leur efficacité spirituelle en dehors même de toute croyance religieuse.
Les études scolaires sont un de ces champs qui enferment une perle pour laquelle cela vaut la peine de vendre tous ses biens, sans rien garder à soi, afin de pouvoir l'acheter. »
Simone Weil, Attente de Dieu
07:00 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Commentaires
Sublime!... A faire lire à tous les pédagogues contemporains ... qui, très certainement, hausseraient les épaules et fronceraient les sourcils d'un air supérieur!... Ah, les rats!
Écrit par : Larkens | 27/06/2018
J'imagine que tu te coltines des paquets de corrections, en ce moment... Bon courage mon ami devant les effluves de nos génies ! ^_^
Écrit par : Nebo | 27/06/2018
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