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02/10/2020

La morale de troupeau, la morale de la crainte

=--=Publié dans la Catégorie "Friedrich Nietzsche"=--=

 

« Ce sont les instincts les plus élevés, les plus forts, quand ils se manifestent avec emportement, qui poussent l’individu en dehors et bien au-dessus de la moyenne et des bas fonds de la conscience du troupeau, — qui font périr la notion d’autonomie dans la communauté, et détruisent chez celle-ci la foi en elle-même, ce que l’on peut appeler son épine dorsale. Voilà pourquoi ce seront ces instincts que l’on flétrira et que l’on calomniera le plus. L’intellectualité supérieure et indépendante, la volonté de solitude, la grande raison apparaissent déjà comme des dangers ; tout ce qui élève l’individu au-dessus du troupeau, tout ce qui fait peur ou prochain s’appelle dès lors "méchant". L’esprit tolérant, modeste, soumis, égalitaire, qui possède des désirs "mesurés" et "médiocres", se fait un renom et parvient à des honneurs moraux. Enfin, dans les conditions très pacifiques, l’occasion se fait de plus en plus rare, de même que la nécessité qui impose au sentiment la sévérité et la dureté ; et, dès lors, la moindre sévérité, même en justice, commence à troubler la conscience. Une noblesse hautaine et sévère, le sentiment de la responsabilité de soi, viennent presque à blesser et provoquent la méfiance. L’ "agneau", mieux encore le "mouton" gagnent en considération. Il y a un point de faiblesse maladive et d’affadissement dans l’histoire de la société, où elle prend parti même pour son ennemi, pour le criminel, et cela sérieusement et honnêtement. Punir lui semble parfois injuste ; il est certain que l’idée de "punition" et "d’obligation de punir" lui fait mal et l’effraye. "Ne suffit-il pas de rendre le criminel incapable de nuire ? Pourquoi punir ? Punir même est terrible !" — Par cette question la morale de troupeau, la morale de la crainte tire sa dernière conséquence. En admettant d’ailleurs qu’on pût supprimer le danger, le motif de craindre, on aurait en même temps supprimé cette morale : elle ne se considérerait plus elle-même comme nécessaire ! — Celui qui examine la conscience de l’Européen d’aujourd’hui trouvera toujours à tirer des mille replis et des mille cachettes morales le même impératif, l’impératif de la terreur du troupeau. "Nous voulons qu’à un moment donné il n’y ait rien à craindre !" À un moment donné ! — la volonté, le chemin qui y mène, s’appelle aujourd’hui dans toute l’Europe "progrès". »

Friedrich Nietzsche, Par-delà le Bien et le Mal

 

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