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08/01/2022

Le plastique...

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« Le monde est inondé de conseils à propos de ce qu’il ne faut pas boire. Toutes sortes de produits vertueux dans lesquels sont concentrés pour votre bien le travail honnête et l’amour de la vie (le lait non pasteurisé par exemple) ont été interdits par les fanatiques de la santé. Pas une semaine ne se passe sans qu’un article de journal rapporte les dégâts que les alcools, les boissons gazeuses, le café ou le Coca causent à l’organisme. Il me semble que le temps est venu de souligner cette absurdité et d’établir quelques principes simples. Premièrement, vous devez boire ce que vous aimez dans les quantités que vous voulez. Cela précipitera peut-être votre mort mais les profits pour votre entourage compenseront ce faible coût.

Deuxièmement, vous ne devez pas faire souffrir les autres en buvant ; buvez autant que vous voulez mais éloignez la bouteille avant que la gaité ne cède la place à la tristesse. Les boissons qui ont un effet dépressif (l’eau par exemple) doivent être consommées à petite dose et seulement pour des raisons médicales.

Troisièmement, votre consommation d’alcool ne doit pas faire subir de dommages durables à la planète. En précipitant votre mort, un verre ne présente guère de risque environnemental. Après tout, vous êtes biodégradable et c’est peut-être la meilleure chose que l’on puisse dire de vous. Mais, en général, ceci n’est pas vrai des contenants dans lesquels les boissons sont vendues. Dans l’Angleterre vertueuse où j’ai grandi, les boissons se présentaient dans des bouteilles de verre pour lesquelles on payait 2 pence de consigne. Ce système exemplaire a été en vigueur pendant de nombreuses années jusqu’à l’arrivée de la bouteille en plastique, le plus grand désastre écologique depuis la découverte des énergies fossiles.

Les citadins sont moins conscients de cette catastrophe que les habitants des campagnes car les rues de la ville sont régulièrement nettoyées. Mais le long de n’importe quelle petite route de campagne, on trouve tous les kilomètres environ une bouteille en plastique jetée depuis un véhicule et qui restera pour toujours sur l’accotement. Tous les ans l’accumulation s’accroit, avec des produits particuliers (Lucozade et Coca-Cola par exemple) qui ajoutent des couleurs criardes à la blessure environnementale.

Je condamne ces boissons tout autant que les personnes qui se débarrassent de leurs contenants. Il y a quelque chose dans ces sodas pétillants, au goût enfantin et aux bouteilles bardées de logos, qui provoque une attitude immature chez des personnes qui, dans d’autres circonstances, sont tout à fait matures. La rapidité avec laquelle la dose est délivrée par le "mamelon" en plastique, l’euphorie des bulles dans la gorge et le rot de satisfaction tendent à rétrécir la perspective du buveur, niant ainsi l’idée d’un monde au-delà du sien. Le geste d’autosatisfaction qui consiste à lancer la bouteille par la fenêtre de la voiture (le geste qui dit je suis le roi de l’espace dans lequel ce corps voyage et allez vous faire voir) est exactement ce à quoi nous devons nous attendre quand on laisse libre cours à tout moment aux appétits superficiels.

Aussi, voilà mon quatrième principe : ne buvez pas ce qu’il y a dans les bouteilles en plastique. Déclarez-leur la guerre ainsi qu’aux firmes qui les utilisent. Ne fréquentez pas les supermarchés qui vendent leur lait dans du plastique, refusez par principe les boissons gazeuses et buvez de l’eau, si nécessaire, au robinet seulement.

Une dernière remarque : j’ai trouvé des canettes de bière, des bouteilles d’eau, de whisky et de soda le long de l’accotement, mais je n’ai jamais trouvé une bouteille de vin. De même que nous devons tenir la boisson bestiale pour responsable d’un caractère grossier, nous devons aussi observer dans le comportement prévenant de nos buveurs de vin la vertu morale de ce qu’ils boivent. »

Roger Scruton, Je bois donc je suis

 

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