14/05/2015
RELIGION OF PEACE
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Une éclaboussure de magie et de fascination
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« Ce qui lui plaisait dans ce bistrot, c’étaient les couleurs. Il y avait un bon peintre qui avait vécu par ici et qui avait laissé une trace heureuse. Ce peintre était fou de bleu et Constant aussi. Sans doute ce peintre avait-il touché ces murs au début de la guerre quand Paris était soudain devenu tout bleu, d’un bleu secret et délicat de solitude qui se complait doucement et chaudement en elle-même et qui nie avec un entêtement rusé et délicieusement absurde les traînées de froid et de rigueur qui s’approchent de tous les lointains. Ce peintre aimait sans doute le bleu auparavant, mais la circonstance lui avait enjoint de se repaître de sa préférence. Peut-être maintenant, s’il n’était pas mort, aimait-il une autre couleur ? Mais Constant qui n’était pas peintre aimerait toujours le bleu. Il haïssait le verre et mépriser le violet. Avec quelque complaisance pour le jaune, il appréciait le rouge dans la mesure où il se mariait, divorcée et se remarier avec le bleu. Il y avait aussi des terres de Sienne, des cobalts qui le nourrissait bien. Il était goinfre et aimait à se gaver. Il était amoureux des choses. Quelquefois il se disait qu’il aurait pu se passer des gens ; il savait pourtant que les choses ne vivent que par les gens et que jouer des choses est le dernier moyen de communiquer avec les gens : à travers les choses on échange des messages. Et c’est ainsi que lui, Constant, venait causer dans ce bistrot avec un type qui lui disait des paroles bleues comme on en entend pas de bouche à oreille.
Dans un coin près du comptoir il y avait une silhouette de femme pétrie dans un bleu de Prusse qui vous saturait le sang. La ligne ajoutait aux bienfaits de la couleur un autre bienfait. Cela faisait deux bienfaits en même temps : on n’avait pas se plaindre, on avait de quoi se réjouir profondément dans les entrailles de son ventre et de son imagination. Tout cela ne tombe pas du ciel, mais c’était doucement sué par la terre qui était sous ce quartier de bitume et de plâtras et sous ce bistrot de marchandage et de bavardage. Constant rigolait doucement en songeant au bon tour que la terre, la couleur bleue et un copain inconnu jouaient à tous ces idiots crasseux et gentils qui ne savaient pas qu’ils nageaient dans le bleu, dans le suc que le plus raffiné. Pourtant, de temps en temps l’un d’eux semblait une seconde se méfier, s’inquiéter et, interrompant une phrase, suspendant son verre, demeurait bouche bée devant une tâche, une éclaboussure de magie et de fascination. Constant connaissait bien la terre. Bien qu’il fût de Paris, il connaissait la terre. Il ne l’avait jamais ignorée ; il l’avait toujours soupçonné, devinée, décelée sous les quartiers. Il n’avait aimé rien tant que les travaux de voirie qui, tout d’un coup, fendaient le bitumes et l’asphalte, cassaient le ciment et autour des tuyaux faisaient resurgir la chair vive, non pas seulement cette matière rapportée et sableuse qui est tout de suite sous le pavé, mais plus en dessous, le terreau même. »
Pierre Drieu la Rochelle, Les Chiens de paille
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Supprimer la transgression tue l'érotisme
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« La volonté de supprimer la transgression tue pareillement l'érotisme. Car il y a bien des normes en matière sexuelle, comme il y en a en toutes choses. L'erreur est de croire que ce sont des normes morales, l'autre erreur étant de s'imaginer que n'importe quelle conduite peut être érigée en norme, ou que l'existence d'une norme délégitime du même coup tout ce qui est hors-normes. L'érotisme implique la transgression, pour autant que cette transgression reste possible sans cesser d'être transgression, c'est-à-dire sans être posée comme norme.
Entre les "jeunes des cités" pour qui les femmes ne sont que des trous avec de la viande autour, les suceuses professionnelles aux formes siliconées et les magazines féminins transformés en manuels de sexologie pubo-coccygienne, l'érotisme apparaît ainsi verrouillé de toutes parts. Les jeunes, en particulier, doivent faire face à une société qui est à la fois beaucoup plus permissive et beaucoup moins tolérante que par le passé. De même que la domination débouche sur la dépossession, la prétendue libération sexuelle n'a finalement abouti qu'à de nouvelles formes d'aliénation. Mais le sexe, parce qu'il est avant tout le domaine de l'incertitude et du trouble, se dérobe toujours à la transparence. »
Robert de Herte, Magazine "Eléments" n°102, septembre 2001
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L’avilissement des cœurs...
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« Le monde va finir. La seule raison, pour laquelle il pourrait durer, c’est qu’il existe. Que cette raison est faible, comparée à toutes celles qui annoncent le contraire, particulièrement à celle-ci : Qu’est-ce que le monde a désormais à faire sous le ciel? — Car, en supposant qu’il continuât à exister matériellement, serait-ce une existence digne de ce nom et du Dictionnaire historique? Je ne dis pas que le monde sera réduit aux expédients et au désordre bouffon des républiques du Sud-Amérique, que peut-être même nous retournerons à l’état sauvage, et que nous irons, à travers les ruines herbues de notre civilisation, chercher notre pâture, un fusil à la main. Non; car ces aventures supposeraient encore une certaine énergie vitale, écho des premiers âges. Nouvel exemple et nouvelles victimes des inexorables lois morales, nous périrons par où nous avons cru vivre. La mécanique nous aura tellement américanisés, le progrès aura si bien atrophié en nous toute la partie spirituelle, que rien, parmi les rêveries sanguinaires, sacrilèges ou antinaturelles des utopistes, ne pourra être comparé à ses résultats positifs. Je demande à tout homme qui pense de me montrer ce qui subsiste de la vie. De la religion, je crois inutile d’en parler et d’en chercher les restes, puisque se donner la peine de nier Dieu est le seul scandale, en pareilles matières. La propriété avait disparu virtuellement avec la suppression du droit d’aînesse ; mais le temps viendra où l’humanité, comme un ogre vengeur, arrachera leur dernier morceau à ceux qui croient avoir hérité légitimement des révolutions. Encore, là ne serait pas le mal suprême.
L’imagination humaine peut concevoir, sans trop de peine, des républiques ou autres États communautaires, dignes de quelque gloire, s’ils sont dirigés par des hommes sacrés, par de certains aristocrates. Mais ce n’est pas particulièrement par des institutions politiques que se manifestera la ruine universelle, ou le progrès universel ; car peu m’importe le nom. Ce sera par l’avilissement des cœurs. Ai-je besoin de dire que le peu qui restera de politique se débattra péniblement dans les étreintes de l’animalité générale, et que les gouvernants seront forcés, pour se maintenir et pour créer un fantôme d’ordre, de recourir à des moyens qui feraient frissonner notre humanité actuelle, pourtant si endurcie ? — Alors, le fils fuira la famille, non pas à dix-huit ans, mais à douze, émancipé par sa précocité gloutonne ; il la fuira, non pas pour chercher des aventures héroïques, non pas pour délivrer une beauté prisonnière dans une tour, non pas pour immortaliser un galetas par de sublimes pensées, mais pour fonder un commerce, pour s’enrichir, et pour faire concurrence à son infâme papa, fondateur et actionnaire d’un journal qui répandra les lumières et qui ferait considérer le Siècle d’alors comme un suppôt de la superstition. — Alors, les errantes, les déclassées, celles qui ont eu quelques amants et qu’on appelle parfois des Anges, en raison et en remerciement de l’étourderie qui brille, lumière de hasard, dans leur existence logique comme le mal, — alors celles-là, dis-je, ne seront plus qu’impitoyable sagesse, sagesse qui condamnera tout, fors l’argent, tout, même les erreurs des sens! Alors, ce qui ressemblera à la vertu, que dis-je, tout ce qui ne sera pas l’ardeur vers Plutus sera réputé un immense ridicule. La justice, si, à cette époque fortunée, il peut encore exister une justice, fera interdire les citoyens qui ne sauront pas faire fortune. Ton épouse, ô Bourgeois! ta chaste moitié, dont la légitimité fait pour toi la poésie, introduisant désormais dans la légalité une infamie irréprochable, gardienne vigilante et amoureuse de ton coffre-fort, ne sera plus que l’idéal parfait de la femme entretenue. Ta fille, avec une nubilité enfantine, rêvera, dans son berceau, qu’elle se vend un million, et toi-même, ô Bourgeois, — moins poète encore que tu n’es aujourd’hui, — tu n’y trouveras rien à redire ; tu ne regretteras rien. Car il y a des choses, dans l’homme, qui se fortifient et prospèrent à mesure que d’autres se délicatisent et s’amoindrissent; et, grâce au progrès de ces temps, il ne te restera de tes entrailles que des viscères! — Ces temps sont peut-être bien proches ; qui sait même s’ils ne sont pas venus, et si l’épaississement de notre nature n’est pas le seul obstacle qui nous empêche d’apprécier le milieu dans lequel nous respirons ?
Quant à moi, qui sens quelquefois en moi le ridicule d’un prophète, je sais que je n’y trouverai jamais la charité d’un médecin. Perdu dans ce vilain monde, coudoyé par les foules, je suis comme un homme lassé dont l’œil ne voit en arrière, dans les années profondes, que désabusement et amertume, et, devant lui, qu’un orage où rien de neuf n’est contenu, ni enseignement ni douleur. Le soir où cet homme a volé à la destinée quelques heures de plaisir, bercé dans sa digestion, oublieux — autant que possible — du passé, content du présent et résigné à l’avenir, enivré de son sang-froid et de son dandysme, fier de n’être pas aussi bas que ceux qui passent, il se dit, en contemplant la fumée de son cigare : "Que m’importe où vont ces consciences ?"
Je crois que j’ai dérivé dans ce que les gens du métier appellent un hors-d’œuvre. Cependant, je laisserai ces pages, — parce que je veux dater ma colère. »
Charles Baudelaire, Fusées
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"Cosmopolites"...
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« La lutte contre la "servilité devant l'Occident" rejoignait la campagne de "lutte contre le cosmopolitisme", comme on disait ; il s'agissait, en fait, d'un antisémitisme pur et simple. B.L. Vannikov, juif lui-même, amusait ses interlocuteurs de l'appareil par des blagues du genre de celle-ci : Si tu ne veux pas être antisémite, appelle les Juifs "cosmopolites". »
Andreï Sakharov, Mémoires
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Il se masque son gouffre
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« Et il prononce lui-même à ce sujet le mot de stoïcisme. Ces règles minutieuses et tatillonnes, il se les impose d’abord pour mettre un frein à son insondable liberté. Par des obligations constamment renouvelées, il se masque son gouffre : il est d’abord dandy par peur de soi : c’est l’ "askèsis" des Cyniques et de la Stoa. Notons que le dandysme, par sa gratuité, par la libre position de valeurs et d’obligations, s’apparente au choix d’une Morale. Il semble que, sur ce plan, Baudelaire ait donné satisfaction à cette transcendance qu’il a découverte en lui dès l’origine. Mais c’est une satisfaction truquée. Le dandysme n’est que l’image affaiblie du choix absolu de Valeurs inconditionnelles. En fait il se tient dans les limites du Bien traditionnel. Il est gratuit, sans doute, mais il est aussi parfaitement inoffensif. Il ne bouleverse aucune des lois établies. Il se veut inutile et, sans doute, il ne sert pas ; mais il ne nuit pas non plus ; et la classe au pouvoir préférera toujours un dandy à un révolutionnaire, de la même façon que la bourgeoisie de Louis-Philippe tolérera plus volontiers les outrances de l’Art pour l’Art que la littérature engagée de Hugo, de Sand et de Pierre Leroux. C’est un jeu d’enfant, que les adultes considèrent avec indulgence ; ce sont des obligations supplémentaires que Baudelaire s’inflige en plus de celles que lui impose la Société. Il en parle avec emphase, avec insolence, mais aussi avec un léger sourire de coin. Il ne souhaite pas qu’on le prenne tout à fait au sérieux. »
Jean-Paul Sartre, Baudelaire
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12/05/2015
La condition des hommes
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« Qu'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables, et, se regardant les uns les autres avec douleur et sans espérance, attendent leur tour. C'est l'image de la condition des hommes. »
Blaise Pascal, Pensées
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La dissolution de la société présente
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« La dissolution de l'empire romain n'était rien en comparaison de la dissolution de la société présente.
Il y avait sans doute beaucoup plus de crimes et encore un peu plus de vices. Mais il y avait aussi infiniment plus de ressources. Cette pourriture était pleine de germes. Ils n'avaient pas cette sorte de promesses de stérilité que nous avons aujourd'hui. »
Charles Péguy, Pensées
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Démographie...
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Les tenants officiels de la petitesse
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« Le débat n’est pas entre les héros et les saints ; le combat est contre les intellectuels, contre ceux qui méprisent également les héros et les saints. Le débat n’est point entre ces deux ordres de (la) grandeur. Le combat est contre ceux qui haïssent la grandeur même, qui haïssent également l’une et l’autre grandeurs, qui se sont faits les tenants officiels de la petitesse, de la bassesse, et de la vilenie. »
Charles Péguy, Notre Jeunesse
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11/05/2015
L'éducation et la justice...
15:57 Publié dans Brèves | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Responsables de ce que quelqu'un d'autre a fait...
15:56 Publié dans Brèves Libérales | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook