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03/01/2023

Un champion...

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02/01/2023

Soldes

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Tentations...

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« La première tentation est celle des pains: "Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces cailloux deviennent des pains!" C'est ce que j'appelle la tentation de l'économie politique (et aussi celle de la médecine, qui est devenue une annexe de l'économie politique). Nourrir les hommes, répartir entre eux les biens de ce monde, les guérir de leurs maux physiques, leur donner l'illusion qu'ils vaincront la mort même, tel semble être, réduit à sa plus simple expression, l'art de rendre aujourd'hui les hommes heureux ici-bas et tout de suite. Si vous leur donnez tout cela, les hommes doivent vous obéir, ou alors c'est qu'ils sont fous et qu'ils relèvent de l'hôpital psychiatrique, lequel hôpital fait lui aussi partie du système, comme nous le voyons en Russie.
Le Christ – et c'est là qu'à des yeux modernes il doit paraître un imbécile – repousse cette tentation, affirmant fortement une autre dimension de l'homme, qui ne vit pas seulement de pain, mais aussi de toute Parole proférée par Dieu. Et c'est bien cette autre dimension de l'homme que la scolastique moderne, non seulement oublie, mais renie et tente de rendre impossible. Il faut à tout prix limiter, réduire les désirs de l'homme à ce bas monde; alors après, fermer solidement le couvercle et s'asseoir dessus.

La seconde tentation est celle que j'appelle la tentation de la science et du miracle technologique: "Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas : les Anges te porteront dans leurs mains". Nous faisons tellement mieux aujourd'hui. Vaincre la pesanteur est même l'aspect le plus spectaculaire de nos performances, puisque nous allons sur la Lune et nous baladons entre les planètes. Nous en sommes éblouis.
Le Christ rejette aussi cette tentation : "Tu ne provoqueras pas le Seigneur, ton Dieu !" J'ai déjà parlé longuement du miracle et dit combien les hommes préfèrent le miracle à Dieu. Si Dieu existe, ils savent bien qu'ils doivent lui obéir, tandis que le miracle à leur disposition représente leur domination sur l'univers. Certes ce n'est pas la science que le Christ condamne et repousse, mais son aspect provocateur de rivalité avec le Créateur, la volonté de puissance qu'elle déchaîne en l'homme.
Au 19e siècle, les hommes ont carrément mis la science à la place de Dieu. "Seule la science est pure", écrivait Renan... Elle était notre Providence, nous attendions d'elle tout, absolument tout, en tous les cas le Salut. Nous avons un peu déchanté depuis. Il semble aujourd'hui que la Science ne soit pas que bénéfique et qu'elle ne peut pas nous dispenser de notre responsabilité ultime à propos de l'usage que nous en faisons. Bref c'est une divinité foireuse qui n'inspire plus le même respect. Elle tourne vers nous parfois un visage de Méduse qui ne laisse pas d'être épouvantant.

La troisième et dernière tentation est tout à fait explicite, c'est la tentation politique: "Tous les royaumes de la terre et leur gloire !" Jésus repousse cette tentation non moins catégoriquement que les deux autres, c'est ce que le Grand Inquisiteur [dans Les frères Karamazov] lui reproche le plus: "Cependant tu aurais pu t'emparer du glaive de César. Pourquoi as-tu repoussé ce dernier don ? En suivant ce dernier conseil du Puissant Esprit, tu réalisais tout ce que les hommes désirent sur la terre: un Maître devant qui s'incliner, un Gardien de leur conscience, le moyen de s'unir finalement dans la concorde en une commune fourmilière. Car le besoin de la Communion universelle est le troisième et suprême tourment de la race humaine." Le premier étant le pain quotidien et la santé du corps; le second étant le goût de la science et du miracle.

Encore une fois, et il faut le dire très clairement : le Christ ne porte pas une condamnation absolue contre l'économie politique et son annexe la médecine; pas davantage contre la science et son annexe, la technique; ni même contre la politique. Toutes ces choses sont bonnes et nécessaires. Il faut d'abord faire attention qu'elles ne nous soient pas offertes par le Diable et par magie, comme il arrive qu'elles le soient.
En tout cas, pour ce qui le concerne lui, le Christ proclame solennellement que là n'est pas son affaire, et qu'il n'est venu en ce monde ni pour nourrir les hommes de pain, ni pour guérir leurs corps, ni pour leur donner la science de l'univers, ni pour faire des miracles, ni pour régner sur un trône terrestre. Quant au chrétien, qui veut être disciple du Christ, même s'il est embringué dans le temporel, même s'il donne dans l'économie politique, la médecine, la science, la technique, la politique, du moins qu'il ne leur donne pas toute son âme, qu'il n'en fasse pas des idoles. C'est pourtant sur cette triple idolâtrie qu'est fondé le monde moderne. S'il y a une époque dans l'histoire qui ait sacralisé l'économie politique et la médecine, la science et la technique, la politique, c'est bien la nôtre. Notre époque est idolâtre, elle a l'épaisse bêtise de l'idolâtrie, la bêtise et la cruauté. Et à nos idoles, nous immolons par milliers, et parfois par millions, des victimes innocentes. Quel siècle de sang ! Et pourtant, nous continuons d'embrasser les genoux de nos idoles et d'en attendre le salut. Et dans les entrailles de la terre, retentit le rire de Satan...

Quant à l'Eglise, comment à son tour ne subirait-elle pas les mêmes tentations que son Maître a subies ? Il les a victorieusement repoussées, et c'est bien ce que lui reproche le Grand Inquisiteur, qui lui, est homme d'Eglise. S'adressant toujours au Christ, "Je ne veux pas de ton amour, lui dit-il, car moi-même, je ne t'aime pas. Pourquoi le dissimulerais-je ? Je sais à qui je parle, tu connais ce que j'ai à te dire, je le vois dans tes yeux. Est-ce à moi de te cacher notre secret ? Mais peut-être veux-tu l'entendre de ma bouche ? Le voici : Nous ne sommes pas avec 'toi', mais avec 'lui', depuis longtemps déjà !" Et il conclut : "Nous atteindrons notre but, nous serons César. Alors nous songerons au bonheur universel." »

Raymond Léopold Bruckberger, L'Évangile, Commentaires pour le temps présent

 

 

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Crevez vaccinés !

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01/01/2023

Les clopes !

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Bonne année !

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Dans la boue

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« J’aimerais mieux une de ces époques où l’on croit que l’Eglise va disparaître dans les flots de sang. J’aurais meilleure espérance de la voir se relever. Bienheureux ceux qui ont entendu la messe dans les catacombes, bienheureux ceux qui l’ont servie à quelque prêtre fugitif de la Vendée, au milieu des blessés, des orphelins et des veuves ! Ceux-là ont pu prédire des triomphes. Dans nos cathédrales où l’on nous laisse en paix, nous avons à compter que sur des abaissements. Ce n’est pas la chair qui vous parle et qui se révolte ; c’est l’esprit. Des abaissements, j’en veux pour moi Dieu merci ; mais je n’en veux pas pour Jésus, et c’est Lui que l’on abaisse.

Considérez bien ceci, je ne crois pas que le monde ait vu rien de pareil. On outrage l’Eglise et nous ne sommes ni fugitifs, ni réduits à nous cacher, ni sans moyen d’agir. Tout au contraire, nous jouissons de nos biens, de notre liberté, nous exerçons les pouvoirs de citoyens, nous sommes gaillards et l’arme au bras pendant qu’on L’outrage. Nous regardons faire et nous allons communier. (…) Je crains moins pour un temple les furieux qui veulent le démolir que les fidèles qui ne songent qu’à leur potage en présence de ce danger. Ceux-là détruisent vraiment l’Eglise qui ne lui font pas un rempart de leur corps, qui ne se font pas massacrer sur les marches pour la moindre de ses prérogatives.

Jadis les parents chrétiens plutôt que d’abjurer dévouaient leurs enfants à la misère et les voyaient d’un œil ferme massacrer sous leurs yeux : aujourd’hui on s’expose plus volontiers à leur voir perdre la foi qu’à leur voir manquer un diplôme. On achète froidement un titre d’avocat ou de médecin au prix de cent péchés mortels qu’ils pourront commettre avant de l’obtenir. On appelle cela "songer à leur avenir" : ce mot dit tout. Quand on était chrétien, l’avenir était au ciel ; il n’y est plus, il est ici dans les boutiques, dans les négoces, dans les affaires, dans la boue : et pour y arriver, on marche d’abord sur le crucifix. Il n’y a plus de chrétiens, car il n’y a plus de foi. S’il y avait de la foi, on saurait qu’avec tant de lâchetés on expose son âme, et on verrait ce que nous ne voyons pas : des hommes.

Je vous déclare, entre nous, que les sociétés de Saint-Vincent-de-Paul et toute cette charité de bons de soupe et de bons de pommes de terre, réduite aux termes où je les vois, me font pitié ! Je ne comprends rien à ce système de vouloir sauver des âmes moyennant des pièces de dix sous, et de refuser une parole toutes les fois qu’il faut la dire. On a trouvé l’art d’assister les pauvres sans assister Jésus-Christ. Si le Journal des Débats n’avait inventé pour nous le nom de néo-catholique, nous devrions l’inventer, nous, pour cette race poltronne, car elle est en effet nouvelle. Partout où je la tâte, sous la mitre, sous la soutane, et sous l’habit bourgeois, j’y sens des lacunes et des excroissances qui en font une espèce particulière. Ce sont des chrétiens avec beaucoup de ventre en plus et beaucoup de cœur en moins.

Ce qu’il faut faire, cher Maurice ? Prier le Bon Dieu d’abord ; Lui demander pour unique grâce de l’aimer follement, sans aucune espèce de prudence ni de raison en ce qui nous concerne ; accepter les croix, les affronts, les solliciter, nous préparer à ne rien craindre et ne point jurer qu’on ne s’appliquera pas un jour quelque peu de discipline. Pour ce qui concerne nos chers frères, aviser le plus tôt possible à les faire rouer de coups, car ce n’est qu’alors qu’ils se défendront et qu’ils se souviendront qu’ils sont ici l’Eglise militante, non pas l’Eglise croupissante.

Quand je vois les Evêques supporter l’Université, les laïcs ne songer qu’à leur pot-bouille, les ordres religieux mourir d’inanition au milieu de cette jeunesse qui n’a rien à faire et qui se met à entretenir les pauvres parce que cela coûte moins que les filles et que c’est plus honnête, je dis qu’il n’y a plus qu’un péril : c’est de laisser les choses sur ce pied là. Cherchez des affaires et poussez-les.

Je n’ai point la vocation monastique, surtout la bénédictine ; mais j’obtiendrai, s’il plait à Dieu, la vocation du dévouement. Il n’y a que servir Dieu. Tout le reste est par trop misérable et par trop dangereux en un temps comme celui-ci, pour une âme qui a pu entrevoir une fois la Croix où Jésus est mort. Quand je serai de retour à Paris, vous tâcherez de venir me voir, et nous arrangerons une campagne d’hiver. Adieu, cher enfant ; je vous aime dans mon cœur. présentez mes tendres respects à votre excellente et vénérée mère. Dites-lui que Dieu l’aime et qu’on est heureux d’être du nombre de ses martyrs, à une époque où les chrétiens ne redoutent que la Croix ; c’est-à-dire ce qui est le caractère même du chrétien. »

Louis Veuillot, Lettre à monsieur de Foblant, le 8 août 1843, in Œuvres complètes, Vol XV, Correspondance, Tome 1

 

 

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Cliché balayé...

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Bonne Année...

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Les complotistes...

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2023

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Un tour autour du soleil...

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Bonne Année 2023 !

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31/12/2022

Célébration...

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Projet 2023

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L'acte de sauter par-dessus soi-même

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« L'acte de sauter par-dessus soi-même est partout le plus haut — le point originel — la "genèse" de la vie. Ainsi la flamme n'est rien d'autre qu'un tel acte. Ainsi toute philosophie commence là où le philosophant se philosophe lui-même — c'est-à-dire en même temps consomme (détermine, contraint) et régénère (ne détermine, laisse libre). La philosophie est l'histoire de ce processus. Ainsi toute moralité vivante débute quand j'agis par vertu contre la vertu — c'est de cette manière que commence la vie de la vertu, grâce à laquelle la capacité augmente peut-être à l'infini, sans jamais perdre une limite — c'est-à-dire la condition de possibilité de sa vie.

Devenir un homme est un art. »

Novalis, Poésie, Réel Absolu

 

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Bande d'égoïstes !

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30/12/2022

Je m'accroche...

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Le germe de la vie autopoétique

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« Presque chaque homme est déjà artiste à un degré infime — il voit ce qu'il tire de lui-même et non ce qui lui vient du dehors — il sent ce qu'il tire de lui-même et non ce qui lui vient du dehors. La grande différence consiste en ceci : l'artiste a animé dans ses organes le germe de la vie autopoétique — il a augmenté l'excitabilité de ceux-ci "dans leur lien avec l'esprit", et il est ainsi en mesure de diffuser à travers ces mêmes organes les idées qu'il désire — sans sollicitation extérieure —, de les utiliser tels des outils en vue des modifications du monde réel de son choix. »

Novalis, Poésie, Réel Absolu

 

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Trop naturelle !

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29/12/2022

Ils suivent le système de planification

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« Comme il est souhaitable d'être le contemporain d'un authentique grand homme ! La majorité actuelle des Allemands cultivés n'est pas de cet avis. Ils sont assez fins pour nier toute grandeur et suivent le système de planification. Si le système copernicien n'était pas si solidement installé, il leur conviendrait tout à fait de faire à nouveau du soleil et des étoiles des farfadets, et de la terre l'univers. C'est pourquoi Goethe, qui est désormais le véritable gouverneur de l'esprit poétique sur terre, est traité de la manière la plus commune possible et considéré de façon odieuse, quand il ne satisfait pas les attentes du commerce habituel de l'époque, et met celle-ci un instant dans l'embarras vis-à-vis d'elle-même. Un symptôme intéressant de cette faiblesse directe de l'âme est l'accueil qui fut généralement réservé à "Hermann et Dorothée". »

Novalis, Poésie, Réel Absolu

 

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Communism

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28/12/2022

La peur

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« S'il m'était donné de formuler un voeu, je demanderais que la peur me soit ôtée et que la paix règne dans mon coeur.

L'AMI. —Tu ne saurais rien souhaiter de meilleur et de plus rare.
La fausse sécurité, celle qui dort sur les deux oreilles, en s'imaginant posséder des "valeurs de tout repos", est assez ordinaire. La majorité des hommes se reposent sur ce qui n'a que l'apparence de la solidité. Mais ils ne connaissent pas la paix résultant, pour le coeur, de la certitude qu'on peut se fier à la divine volonté qui besogne au fond des choses,et lui accorder un crédit sans limites. De cette méfiance sur le point essentiel naît le grand mal de la peur. La peur est la reine des maux. On a nommé la mort le roi des "épouvantements" ! Mais sans l'épouvante, que serait le roi ? Tout son prestige vient de la peur. C'est d'elle aussi que tiennent leur puissance la tyrannie humaine, les malheurs, les calamités, tout le mal qui nous menace.
La menace vit d'emprunts audacieux ; la peur est son bailleur de fonds ; mais que le prêteur ferme sa caisse, et la menace n'est plus qu'une lettre de change refusée.
La plupart des hommes sont esclaves de la peur. S'ils s'en rendaient compte, la liberté pourrait être par eux conquise. Ils sont malheureusement si rongés par le mal, qu'ils ne le sentent même plus.
J'ai parfois essayé de faire un parallèle entre les peurs du sauvage et celles du civilisé. Une telle comparaison peut jeter de la lumière sur ce que nous appelons : LE PROGRÈS. Un sauvage a quelques peurs rudimentaires. Des fauves redoutables lui disputent l'usufruit de la forêt : il peut craindre leur visite. D'autres sauvages convoitent son gibier, ses armes, sa femme, la peau d'ours qui le garantit du froid. L'orage, la foudre, l'inondation, le froid peuvent être par lui justement redoutés. Mais somme toute, semblable en cela aux oiseaux, le sauvage, toujours sur ses gardes, l'oreille tendue, l'oeil ouvert, n'en connaît pas moins, comme l'oiseau lui-même, le calme et la tranquillité d'esprit. Ses craintes sont de nature simple, de nombre réduit.
Le civilisé, lui, armé de moyens extraordinaires de se garantir, se protéger, se mettre à l'abri, devrait avoir l'esprit plus en repos que le sauvage. Tant de lois veillent sur lui, tant d'institutions appuient son droit. A comparer son sort à celui du sauvage, il jouit de privilèges exceptionnels. A sa place, le sauvage serait entièrement rassuré. Et cependant le civilisé a des peurs plus nombreuses, plus raffinées que son ancêtre des bois.
S'il est riche, que n'a-t-il à redouter ? Il a beau enfermer ses titres : la rente baisse au coffre-fort, sans que personne y ait touché. Aujourd'hui vous y enfermez une fortune. Demain, parce que des spéculateurs auront conspiré à l'autre bout de la terre, vous en retirerez du papier sans valeur. Conservateur, le civilisé est livré aux plus effrayants cauchemars. Il tremble pour l'état social présent, le voyant battu en brèche de toutes parts. En quel recoin tranquille peut-il se tapir ? Partout les novateurs ont pénétré. Au-dessus des toits fragiles établis par les institutions des hommes, et dont les abris troués recouvrent des murs pleins de brèches et de lézardes, il redoute l'écroulement de l'édifice vénérable des croyances. Cette crainte, si ridicule aux yeux de nos ancêtres gaulois, la crainte que le ciel ne s'écroule, il l'éprouve et la savoure. Il voit dans l'avenir le ciel s'effondrer, les astres pâlir et choir dans l'abîme, pêle-mêle avec les divinités mortes. — Le civilisé découvre les dangers de si loin, qu'il se rend malheureux pour des accidents à survenir après son décès, sinon après la disparition du genre humain. L'angoisse de voir le soleil se refroidir, la terre perdre sa fécondité, les mines de charbon tarir en ses entrailles, il en connaît la torture. Il a tant appris de choses, que sa science le traque et le suit comme une meute en forêt suit le gibier. Dans chaque goutte d'eau, le guettent des myriades de microbes, il les respire, les mange, les boit, les nourrit de son sang. Sans doute, il leur oppose l'antisepsie, mais il sait bien que ce n'est jamais qu'une précaution imparfaite. On ne saurait fermer les portes à un ennemi pour qui la plus petite fissure est une route nationale, et le moindre coin invisible un vaste continent.
Le civilisé cultive-t-il les lettres ? Pendant ses études, il craint les examens ; après, il tremble devant ses supérieurs. Qui mettra dans une balance les terreurs d'un fonctionnaire subalterne, ses craintes de déplaire à celui-ci, à celui-là, qu'on ne peut satisfaire tous deux cependant, leurs exigences étant contraires ! La civilisation, prise par un certain côté, est la culture de l'inquiétude, de l'agitation. Il n'y a plus ni repos ni répit pour personne. Partout où elle règne en maîtresse, il n'y a plus ni jour ni nuit. Elle obscurcit le jour par sa fumée, ses bâtisses et ses poussières. Elle profane la nuit par ses engins d'éclairage, et de tout cela résulte une mentalité noctambule, affolée, impatiente, trépidante, qu'excite de son mieux et qu'exaspère encore l'usage des liqueurs fortes, des lectures capiteuses, l'incessant chauffage des passions par les exploiteurs et les meneurs de l'opinion. Quant à ceux-ci, ils connaissent leur public et savent que si la peur le ronge, il ne saurait pourtant s'en passer. Comme les enfants, le soir, demandent avec insistance aux nourrices de leur raconter dés histoires de revenants, qui les empêcheront ensuite de dormir, nous demandons à notre journal de nous faire peur. Sous une forme ou une autre, c'est par la peur que chaque parti croit avancer ses affaires. Aussi les citoyens ont peur les uns des autres et s'attribuent mutuellement les plus noirs desseins. Dans l'obscurité favorable aux folles imaginations, chacun apparaît à l'autre comme un monstre. Notre politique est celle de la peur ; notre morale n'a pas de plus puissant ressort. La peur est aussi la clef de voûte de la religion. Agiter des spectres diversement habillés, voilà la méthode de la plupart de ceux qui parlent au peuple pour l'endoctriner, le convaincre, l'améliorer. Aussi nos progrès en terreur sont-ils incessants. Nous sommes montés si haut dans l'art de faire et d'avoir peur, que le moment est venu d'aspirer à descendre.

Comment se convertir de la peur ?

Copierons-nous le sauvage ? On perd son temps à regretter ce qui ne saurait nous être rendu. N'avons-nous pas d'autres moyens de retrouver la paix du coeur ? Connaître son mal est déjà une chance d'en être un jour délivré. Entraînons-nous à la confiance, au calme. La peur se trompe et nous trompe. Avoir peur, c'est avoir tort. Notre sagesse, faite de craintes sans nombre, mériterait plutôt le nom de folie, étant basée sur la croyance à un univers livré au hasard et à l'anarchie. Le sage, c'est celui qui parmi toutes les voix frappant son oreille, parvient de plus en plus à distinguer celles qui lui disent : Ne crains rien ; car la vérité doit être rassurante. La fleur qui pousse en paix, l'oiseau qui dit son chant, l'étoile qui suit sa course, l'homme qui suit sa conscience, sont d'accord avec la source des êtres et se reposent en elle. La paix les enveloppe, et d'eux se communique à qui sait les comprendre.

Fuir ce qui augmente la peur, rechercher ce qui fait naître et cultive la haute confiance, voilà la règle à suivre, pour quiconque est las de trembler. »

Charles Wagner, L'ami - Dialogues intérieurs

 

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Vertige

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